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L'oiseau bleu ayant été mis à mort, je vais là où le ciel est plus bleu : https://t.co/nfq37dGN4N

Mar 31, 2021, 32 tweets

Un nouveau défi d'écriture, pour moi qui aime m'inspirer des images. Ce sera l'histoire de Celsia, une jeune fille qui... ah, ça, je ne le sais pas encore...

#1J1T (1) Alors que les héritiers paradent dans la maison de leur défunte grand-mère, à la recherche de biens précieux, Celsia, elle, choisit ce livre de poche anodin, placé si haut dans sa bibliothèque. C’est le livre qu’elle ne devait pas ouvrir, mais qu’elle choisit d’ouvrir.

#1J1T (2) Lire ce livre n’est pas un danger, il n’est pas pour les damnées. Il ne fera pas apparaître des monstres assoiffés de sang. Le danger vient de la carte qui en tombe. Celsia se penche pour la ramasser. La mort pointe sa faux vers un lieu où les sorcières étaient brûlées.

#1J1T (3) Aranéa, une araignée pas comme les autres, observe Celsia sortir de la maison avec la dangereuse carte. Elle est certaine que si la curiosité tue les chats, elle tue aussi les humains. Elle espère venimeusement que Celsia se rend là où il ne faut pas. Fols humains.

#1J1T (4) Celsia est assise au fond du bus, soit le meilleur endroit pour ne pas être happée par un monstre. Aranéa se dit que depuis le dessous du siège, il pourrait très bien grignoter ses jolis pieds. Elles oublient que le monstre est peut-être en Celsia, prêt à la dévorer.

#1J1T (5) Si encore elle était une sorcière de 1692... Celsia regarde la grange et sa seule pensée est : même pas peur! Aranéa écoute Celsia religieusement, et juste avant qu’une roue du bus l’écrase, elle se projette in extremis dans le corps de la chose qui vit dans la grange.

#1J1T (6) Depuis toute petite, Aranéa maîtrise la projection de son esprit de corps en corps. Le plus complexe n’est pas de se projeter, mais de gérer, dès le saut, les désirs impératifs des êtres occupés : chasser des oiseaux, dévorer des entrailles, manger des fraises à minuit.

#1J1T (7) Celsia avance prudemment dans la grange maudite. Une chose surgit près d’elle, plonge ses dents, ou un dard, dans son tendre cou. Celsia fuit en pleurant. Aranéa fait la fierté de son maître, pour du travail vite fait bien fait, mais il est temps de se projeter en lui.

#1J1T (8) Oh, hé, hein, bon, « maître » est un bien grand mot. Le maître accueille en lui les êtres comme Aranéa. Il est leur havre de paix. Il faut juste lui rendre des services de temps à autre. C’est le prix à payer pour vivre sur cette si délicieuse planète qu’est la Terre.

#1J1T (9) Elles sont trop mignonnes avec leurs chouchous rouges, trop souriantes dans cette rue anormalement déserte. Celsia sent une chaleur diabolique remonter lentement de la morsure. Elle étourdit le flux de ses pensées. Son instinct lui dicte de fuir. Maintenant!

#1J1T (10) Elles sont terrifiantes avec ce ruban rouge sang, serrant leurs couettes, mais personne ne les remarque sur ce quai de gare bondé. Personne, sauf Celsia. La douleur s’empare de chacune de ses pensées, et elle imagine leurs ongles, affûtés, gratter en lambeaux sa chair.

#1J1T (11) Le venin d'Aranéa n'est pas mortel. Il rend simplement folle sa victime. Elle ruine le fragile équilibre qui tente de régner dans le cerveau des mammifères. Rêve et réalité fusionnent. Des ongles semblables à des coutelas, c'est une nouvelle réalité pour Celsia.

#1J1T (12) Elle fixe une fenêtre qui chante une berceuse sinistre en latin, et en alexandrins. Elle ne trouve plus le sommeil dans ce lit qui flotte sur de la guimauve mauve. Celsia est mûre pour qu'Aranéa prenne possession d'elle, sans résister. Pire, elle a hâte que cela cesse.

#1J1T (13) « Cher journal. La vie, c’est si beau. Le vent frais gonfle les alvéoles de mes poumons. Les traits du soleil réchauffent ma peau à peine velue. Le jus des fraises éclate dans ma bouche, leur sucre picote mes papilles. » Aranéa adore son nouveau corps, celui de Celsia.

#1J1T (14) Ne vous méprenez pas. Aranéa n’aime pas dévaster les planètes ennemies. Elle a causé la folie parmi les peuples avec son venin, afin qu’ils s’entretuent, sans que coule une seule goutte du sang de ses créateurs. Mais, un jour, le maître l’a sauvée de ce funeste destin.

#1J1T (15) Le maître peut sembler effrayant au prime abord. Il gagnerait à prendre l’apparence d’une chanteuse country novice, aux longs cheveux blonds ondulés et au chapeau de cowboy vissé dessus. Toutefois, il considère que seule la peur impose l’obéissance. Alors il fait peur.

#1J1T (16) Dans l’antre du roi de la montagne, Peer Gynt était menacé de voir la pointe de ses doigts tailladée. Dans l’antre du maître, un coquet manoir victorien, Aranéa entend les cris stridents et apeurés d’entités étrangères. Le dessein du maître ne supporte aucun échec.

#1J1T (17) Celsia refuse de poser son regard sur le module que le maître a implanté dans son poignet. Elle se réfugie dans un antre inviolable, caché dans son cerveau. Aranéa, elle, sent toute la puissance du module, qui ajoute au sang de Celsia un poison délicieusement mortel.

#1J1T (18) Le maître impose d’accomplir la mission en étant chaperonnée par les jumelles Enkidu, qui marchent comme des pantins désarticulés. C’est pas la super discrétion. Aranéa, elle, doit juste surveiller le liquide empoisonné qui coule en continu sous les ongles de Celsia.

#1J1T (19) Les sages et adorables garçons les attendent de pied ferme, devant la maison de la grand-mère de Celsia. Ils sont tellement mignons lorsqu’ils manipulent leur batte de baseball d’un air menaçant. Un sourire invitant, et les voici entrants dans la maison. Poison ? Prêt.

#1J1T (20) Aranéa se doutait que les jumelles Endiku, imprévisibles, ne respecteraient pas le plan. Les adorables garçons menaçants ont hurlé de douleur à chaque membre arraché, torsadé, entortillé. Les survivants, emmenés à l’hôpital, sans langue ni mains, resteront silencieux.

#1J1T (21) Dévorée par la curiosité, Aranéa se projette du corps de Celsia vers celui d’une infirmière. Elle emmène les feus-menaçants garçons à l’hôpital. Même les médecins les plus aguerris ne retiennent pas un haut-le-cœur devant l’œuvre de boucherie des jumelles sanglantes.

#1J1T (22) Les jumelles Endiku n’ont pas toujours été de sanglantes mercenaires, débitant de l’humanoïde aussi habilement qu’un itamae cisèle son saumon à sushi. Non. Dans une lointaine galaxie, elles défendaient le veuf et l’orpheline. Le maître a déshumanisé leurs talents.

#1J1T (23) Les sbires du maître sillonnent les galaxies à la recherche des êtres les plus habiles à infliger la mort. Ne vous fiez pas à leur allure débonnaire de batracien inoffensif. Leur lame tranche votre gorge si vous refusez de les rejoindre. C’est avec eux, ou contre eux.

#1J1T (24) Sans Aranéa pour calmer le monstre réveillé en elle, Celsia tremble au passage des policiers. Elle ne tremble pas pour elle, mais pour eux. Le poison d’Aranéa a réveillé une chose qui dormait paisiblement. Qui dort dîne, et le monstre est réveillé. Le monstre a faim.

#1J1T (25) Aranéa est convoquée dans la demeure du maître. Il semble fâché que Celsia soit une pleurnicharde. Elle n’est pas la fabuleuse guerrière promise, échangée à fort prix. Demain, Aranéa devra la tuer, mais quelque chose en elle est triste. Celsia est sa première amie.

#1J1T (26) Le maître hurle. Celsia tremble. «Tue-là! Maintenant!» Aranéa, elle, ne tremble pas, et refuse de tuer sa seule amie. Elle essaie de réveiller le monstre qui dort en elle, le seul apte à rivaliser avec le maître, mais Celsia s’écroule et pleure. Il faut fuir, vite!

#1J1T (27) Les jumelles Endiku poursuivent Celsia. Elles salivent à l’idée d’écraser en même temps leur rivale arachnide, une stupide araignée prête à mourir avec son amie. Quelle chose stupide que l’amitié. Celsia trébuche. Il reste juste à lui planter les ongles dans les yeux !

#1J1T (28) Alors qu’un ongle affûté plonge vers son cou, un hurlement, qui n’a pas été entendu depuis 329 ans, glace les os des jumelles, celles que rien n’effraie. Rien. Elles se tournent et reconnaissent la bête. Elles ne luttent même pas, et il les débite en un coup de patte.

#1J1T (29) Je ne sais pas tout. Elles ne me disent que ce que je peux révéler. Je peux vous dire que Celsia est une grande guerrière d’une planète dont j’ignore le nom et l’emplacement. Je peux vous dire que la bête la protège de vous, moi, quiconque. Si vous les croisez, fuyez.

#1J1T (30) Aranéa et Celsia sont maintenant unies pour toujours. Elles partagent le même corps, en toute harmonie. Leurs protectrices anonymes les envoient parfaire leur éducation dans une école de sorciers. Le maître, lui, rôde encore, mais la bête, elle aussi, rôde…

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