<THREAD> Introduction à la compression de l'hydrogène.
Le but de ce thread n'est pas de vous démontrer quoi que ce soit sur la pertinence de l'hydrogène dans sa globalité, mais de vous donner un aperçu de ce qu'il implique sur une fonction: la compression.
Je vous garantis un thread sans équation. Pas de thermodynamique, c'est lundi matin, on va éviter de se faire mal...Mais c'est un domaine complexe la compression. Très complexe avec des gaz dangereux.
Alors déjà: pourquoi le comprimer?
Pour le déplacer, tout simplement déjà, l'envoyer dans des tuyaux, dans des capacités, dans des réacteurs chimiques... Tout ceci oppose une résistance à l'écoulement, souvent, donc faut lui donner de la pression pour le bouger. Par exemple ici:
C'est un schéma de principe d'une unité de raffinage appelée le réformeur catalytique, qui participe à la fabrication des essences. Le raffinage c'est l'industrie où aujourd'hui on utilise le plus l'H2. Les raffineurs sont les mieux placés pour vous en parler aujourd'hui.
Donc, faut le bouger, le comprimer donc, on va utiliser des compresseurs. Il y en a un belle variété mais pour l'H2, deux technologies sont principalement utilisées: le compresseur centrifuge et le compresseur alternatif à piston, illustrés en tweet de tête.
Le schéma précédant vous donnes les ordres de grandeur en débit et pression pour les différentes technologies. Parfait pour faire le malin dans un cocktail, enfin pour faire fuir les gens autour de vous et vous laisser le buffet en accès privilégié.
Bref... Le problème de la compression c'est que quand on comprime un gaz sa température augmente. Du coup un côté de la machine est froid et l'autre est chaud. Du coup un côté se dilate beaucoup mais pas l'autre, du coup la machine se déforme.
Là où c'est complexe c'est que dans une machine tournante, des trucs bougent et d'autres pas et il vaut donc mieux éviter qu'ils se touchent sinon ça casse. En mécanique la distance qui les sépare on appelle cela un jeu et ils sont de l'ordre du 1/10 de mm.
Je reviens à l'H2. C'est le gaz qui chauffe le plus à la compression. En gros, plus les molécules sont petites plus ça chauffe. Donc plus vous comprimez plus ça chauffe, plus ça se dilate, ouch ça va toucher. On a donc défini une température max, c'est LE facteur limitant.
Du coup, si vous voulez comprimer fort il va falloir le faire en plusieurs fois avec du refroidissement intermédiaire. On appelle cela de la compression multiétagée avec refroidissement inter-étage.
Exemple sur air:
Rectangle: température Rond: pression
Autre problématique de la compression: l'étanchéité. C'est vrai pour tous les gaz mais pour l'H2 c'est encore plus vrai car les molécules sont petites et la fuite plus problématique car l'H2 a une large place d'inflammabilité et une faible énergie nécessaire à l'enflammer.
Ce tableau est intéressant. Je vous laisse voir les différents paramètres. Pas la peine d'être un raffineur pour comprendre que ce gaz, l'H2, est particulier et que la hype du moment, sont côté cool et propre que l'on nous sert ne doit pas faire oublier que ce n'est pas rien.
Je reviens à l'étanchéité (je passe sur la diffusion de l'H2 dans le métal 😬) . Vous allez me dire "faut mettre des joints". Sauf que là il faut faire l'étanchéité entre un truc qui bouge et un truc qui ne bouge pas. Rappel ici:
On va se concentrer sur cette fonction vitale. Vitale pour ceux qui sont autour, vitale pour votre usine, pour votre bâtiment, celui d'à côté et les vitres des riverains. Mais tout d'abord pourquoi 2 technologies de compresseurs?
Les "centrifuges" fonctionnent en donnant de l'énergie cinétique que l'on transforme ensuite en pression. L'H2 est très très très léger, on va pas pouvoir lui donner beaucoup d'énergie cinétique donc on sera limité aux faibles taux de compression. Rappel:
Les "pistons" vont permettre de faire des taux de compressions respectables, car point d'énergie cinétique, ils prennent un volume, le réduise pour faire monter la pression. Le compresseur à pistons est une machine mécaniquement merdique et peu fiable par rapport au centrifuge
"Mais bon dieu Michel pourquoi encore du piston?!" Et bien c'est les seuls à pouvoir faire le job avec l'H2, enfin je veux dire pour les taux de compression (ratio pression refoulement sur aspiration, oui pas d'équation😈) qui dépasse 1 et quelques.
Petite cartouche pour les chantres du "transformer le réseau gaz nat en réseau H2" les compresseurs du réseau sont centrifuges ( le méthane c'est plus lourd), oui faudra tous les changer pour des machines moins fiables donc doublées. Des dizaines de milliards d'euros de machines.
Aller, on se concentre, comment on garde l'H2 dans ces machines ? Et bien c'est simple car il n'y restera pas. Une étanchéité dynamique (entre un truc qui bouge et un truc qui bouge pas) ce n'est pas parfait.
J'ai tapé fuite pour trouver ce gif mais il est pertinent quand même.
2 solutions: j'injecte un gaz inerte qui fait barrage mais il va fuir lui-même dans mon hydrogène ou bien je capture la fuite d'hydrogène pour l'emmener dans un endroit moins dangereux, genre, une torche. Rappel: (bordel j'ai fait tout ça gratuitement!!!)
Sur la machine ça donne ça. A droite là où il y a le gaz, l'H2, à gauche là où il y a la mécanique (vilebrequin, bielles...) donc de l'air et des point s chaud. Faut pas que l'H2 aille à gauche sinon, vous faites dans le new space, objectif 9 de Macron vous me direz.
Donc entre les deux on va mettre des volumes tampons , les entretoises, qui seront balayé à l'azote. On injecte de l'azote et on envoie à la torche. H2 c'est type D
Je ne vais pas rentrer dans le détail des garnitures mais ce que je viens de vous décrire c'est JUSTE le back-up en cas de défaillance des garnitures d'étanchéité... Et oui. C'est ça les garnitures:
Cela correspond sur la machine à une forêt de tuyaux qui injectent de l'azote en plusieurs point et évacue l'H2 vers un réseau de torche. Ca c'est de vue d'un de mes simulateurs de compresseur. (la méca, la thermo, tout est simulé)
Comme vous le comprenez, comprimer de l'H2 n'est pas une mince affaire. Regardez comme le design est évocateur de la peur bleue de ce gaz. On parle d'une industrie ayant l'habitude des gaz dangereux, pas de start-up de vélos connectés.
Et pourtant même chez ces gens informés, équipés et entrainés, même sur des machines surveillées, le pire peut arriver et avec l'H2 la fuite pardonne rarement.
CONCLUSION: ce fil vise juste à vous montrer un petit peu de la complexité du travail avec l'H2. Je ne dis pas que l'H2 est une connerie par contre j'affirme que la manière dont il est présenté, son déploiement dans des zones densément peuplées, me laissent très perplexe.
Méfiez-vous de l'enthousiasme de certains qui ne disposent pas de cette vision terrain, que j'essaie de partager ici même très partiellement.
NB: souvent on réagit à mes tweets par des "mais bordel pourquoi ils ont pas fait comme ça ces cons?" Sachez que ce que je vous montre est issu de l'expérience de dizaines d'années de développement, de partage des expériences entre constructeurs et utilisateurs. Des morts aussi.
NB2: la plupart des compresseurs à piston sont en extérieur même avec tout ce soin autour de l'étanchéité. En voilà 3 ici qui servent à envoyé de l'H2 dans un réacteur pour hydrogéner de l'huile de palme. Avant ils désulfuraient le gasoil.
Donc non, quand je dis "c'est compliqué" ce n'est pas pour dire "il ne faut pas bouger", c'est pour dire que si on veut bouger et dépasser la simple levée de fonds, c'est à dire pondre un truc qui marche et assure la transition, il faut prendre en compte toute la complexité.
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