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Docteur des entrailles et des images. J'écris des trucs, j'essaie d'expliquer la médecine sérieuse, sans trop de sérieux. Radiologue, Légiste

Jan 16, 2022, 18 tweets

Le #CashInvestigation récent et son med bashing sont l'occasion de revenir une fois de plus sur ce serpent de mer

"L'État paye-t-il vraiment les études des médecins ?" Thread

De nombreux candidats vont brandir cet argument pour discuter de la mise en place de mesures coercitives et lutter contre la "désertification médicale", en pointant de nouveau des "responsables"

En France on estime le budget moyen de formation d'un étudiant de l’université à 11 530€ (par comparaison. Une classe préparatoire aux grandes écoles c'est environ 15 710€)

Les frais d'inscription des étudiants en médecine sont similaires aux autres étudiants de l’enseignement supérieur :

- 1er cycle 170€ par an
- Externe 243€ par an
- interne 500€ par an

Aucun étudiant ne paye donc une inscription à hauteur du coût de formation...

Dans aucune spécialité.

Et c'est plutôt l'un des bons côtés de notre système, qui permet un accès plus égalitaire à l'enseignement supérieur.

Les annonces récentes de @EmmanuelMacron a ce sujet sont inquiétantes.

"Les étudiants en médecine sont payés durant leurs études"

La rémunération de l'étudiant hospitalier existe dès la 4e année.

100 heures environ de travail par mois :
- 260€ brut en 4e année
- 320€ brut en 5e
- 380€ brut en 6e

(Un taux horaire dément vous en conviendrez)

Internat, 4 ou 5 ans :

- 1 539€ brut mensuel en 1ère année
- 1 704€ brut mensuel en 2ème
- 2 139€ brut en 3e
- 2 260€ pour l’année de "Docteur junior"

Pour 60h de travail par semaine en moyenne (80-100h pour certains)

Soit entre 6 et 9€ brut de l'heure, bac + 7-10

A cela s'ajoute les gardes, rémunérées en sus, comme les heures :

18h30-8h30
149€ brut en semaine
163€ brut les samedis la nuit, les dimanches et jours fériés.

(Les externes sont redevables de 25 gardes de 12 heures sur 3 ans, 52,63€ brut l'unité)

Actuellement, les internes représentent 40% du personnel médical des hôpitaux et réalisent 70% des prescriptions selon l'@ISNItwit. Un interne travaille en théorie 8 demi-journées par semaine, mais une récente enquête effectuée entre mai et juillet dernier démontre le contraire

Plus de 9 internes sur 10 sont au dessus, plus d'un interne sur deux est à 11 demi-journées. 70% des internes sont hors cadre légal. Dans 70% des cas la journée dure de 9 à 11h.

Soupoudrez tout ça de quelques cours (quand ?) et de missions de santé publique & service sanitaire

Nous sommes très loin du mythe de l'étudiant grassement payé par "l'Etat" (sous entendu dans la bouche de celui qui le dit "moi") Et plus proche sûrement d'un propos envieux basé sur la nécessité de souffrir avec "tout ce qu'il gagnera".

Alors que dans les faits, beaucoup d’étudiants en médecine souffrent de précarité, un sur quatre a déjà envisagé d'arrêter ses études pour des raisons financières et 9/10 ne pourraient continuer sans soutien financier des proches. cna-sante.fr/wp-content/upl…

L'externat est la période la plus difficile. Très faible rémunération, peu de temps pour un petit job, pas de RSA possible, ni de prime d'activité. Du matériel à acheter, l'assurance pro, les frais de transport, etc. C'est d'ailleurs similaire en maïeutique...

Bref... la société ou l'Etat, ne payent pas plus les études des médecins (ou des sages-femmes) que les autres... c'est une contre-vérité qu'il faut arrêter d'asséner ou de colporter. Ça n'a pas de sens. C'est faux.

Dernier point : en 2018, il avait été calculé que si on remplaçait chaque externe, pour le même nombre d'heures, par un salarié de premier échelon, et chaque interne par un assistant on friserait le milliard d'€ de dépense supplémentaire par génération d'étudiants.

Nous ne sommes donc pas vraiment une profession qui voit ses études payées par l'Etat... au contraire, c'est un cursus qui lui fait faire des économies (en 2018, 120k€ par étudiant en moyenne) et qui permet aussi de maintenir l'hôpital debout

Il faut être réaliste et arrêter ce mépris injustifié. Et ne pas se tromper sans cesse de cible.

À une prochaine

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