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Libre • Passionné • Observateur #patrimoine

May 24, 2022, 54 tweets

🇫🇷LA PLACE DE LA CONCORDE

Dans ce contexte où nous nous mobilisons pour que la #PlaceDeLaConcorde soit sauvée et préservée, j’ouvre ce fil dans lequel je parlerai régulièrement/ponctuellement de l’histoire et du patrimoine de ce site magnifique et emblématique de France. 🧶

Mais avant de découvrir ce fil, et si vous aimez la place de la Concorde, n’oubliez pas de signer + partager cette pétition demandant à la Ville de Paris, qui en est propriétaire, qu’elle l’entretienne ENFIN comme elle le mérite et comme la loi l’exige. change.org/p/sauvons-la-p…

🇫🇷UN PEU D’HISTOIRE

Créée en 1763, c’est la plus grande place de Paris. Elle prit son nom actuel en 1795 après avoir vu couler beaucoup de sang pendant la Terreur. C’est ici que furent exécutés Louis XVI et Marie-Antoinette en 1793. La Concorde devait devenir un symbole de paix.

À l’origine, se trouvait ici un terrain marécageux et des égouts à ciel ouvert. Pour fêter la rémission de Louis XV, qui était malade, la Ville de Paris décida de créer une place et d’y faire ériger une statue équestre du roi. C’est Ange-Jacques Gabriel qui eut l’idée de ce site.

Ange-Jacques Gabriel (1698-1782) était le Premier architecte du Roi. Avant ses travaux sur cette place, il avait déjà réalisé, entre autres, le château de Compiègne, l’opéra royal de Versailles, l’École militaire du Champs de Mars et le Petit Trianon… 🙌🏻

Il est donc prévu de réaliser une place royale afin de mettre en valeur la statue équestre de Louis XV en son centre. Commencée par Edme Bouchardon et achevée par Jean-Baptiste Pigalle, cette statue est inaugurée le 20 juin 1763.

Sur les plans de Gabriel, la place est délimitée par une enceinte octogonale avec balustrades et guérites, bordée de fossés. Gabriel avait prévu d’ajouter des fontaines sur la place et des statues sur les guérites, mais cela ne se fera pas de son vivant.

À SUIVRE…🧶

Et puis, il y a l’édification de deux superbes palais jumeaux aux majestueuses façades dessinées par Gabriel (qui s’est inspiré de la colonnade du Louvre). Il y aurait tant à raconter sur l’histoire de ces hôtels, tant d’événements ont eu lieu en ces murs…

Comme par exemple à l’hôtel de Coislin, le 6 février 1778, quand la France reconnaît l’indépendance des États-Unis en signant, en présence de Benjamin Franklin, les premiers traités d'amitié, de commerce et d'alliance entre la France et les États-Unis.

Ces palais sont un des plus beaux exemples de l’architecture classique du XVIIIe siècle, inspirée de la rigueur géométrique de l’Antiquité.

L’hôtel du Garde-Meuble, aujourd’hui superbement restauré, sera le Garde-Meuble royal jusqu’en 1789, date à laquelle il deviendra le siège du ministère de la Marine et le demeurera pendant 226 ans !

Le 11 août 1792, la monarchie vient d’être abolie, la statue de Louis XV est détruite et la place prend le nom de « place de la Révolution ». Un an plus tard, on érige une statue de la Liberté là où se trouvait jadis la statue du roi chevauchant sa monture à la romaine.

1 119 personnes seront guillotinées sur place de la Révolution, dont Louis XVI, Marie-Antoinette, Danton, Malesherbes et Lavoisier…

Ci-dessous, la pauvre Marie-Antoinette, qui demanda pardon à son bourreau après lui avoir marché accidentellement sur le pied…

En 1794, on installe sur la place de la Révolution les magnifiques chevaux de Marly, du sculpteur Guillaume Coustou. Ces derniers avaient à l’origine été commandés par Louis XV pour le château de Marly en 1739. Ils seront remplacés en 1984 par des copies car…

les blindés du 14 juillet provoquaient des vibrations à leur passage qui fragilisaient ces précieuses sculptures ! Les originaux sont aujourd’hui bien à l’abri au Louvre.

Le 8 novembre 1793, Manon Roland, égérie des Girondins, avant d’être guillotinée, s’exclamera en passant devant la statue de la Liberté : « Ô Liberté, comme on t'a jouée ! »

Ci-dessous, une exécution devant cette statue et un portrait de Manon Roland.

Le 25 octobre 1795, à la veille de l’instauration du Directoire, la place est rebaptisée place de la Concorde.

La statue de la Liberté est retirée en juin 1800.

Jacques Ignace Hittorff, à qui la place de la Concorde doit tant aujourd’hui, n’a pas encore 8 ans…

Louis XVIII envisage de bâtir au centre de la place un monument à la mémoire de Louis XVI, son frère. La place est alors rebaptisée « place Louis XVI »… mais la révolution de juillet 1830 stoppe ce projet de statue et la place reprend son nom précédent.

En 1830, durant les Trois Glorieuses les insurgés et la troupe s’affrontent sur la place de la Concorde. L’Histoire de France continue de s’écrire ici.

En 1831, le vice-roi d’Égypte offre à la France les deux obélisques érigés devant le temple de Louxor. Mais la livraison n’est pas offerte… Des moyens considérables sont mis en œuvre pour acheminer l’un des deux obélisques jusqu’à Paris.

C’est Champollion qui choisira l’obélisque « le plus occidental, celui de droite en entrant dans le palais ». Il écrit : « Le pyramidion a un peu souffert, il est vrai, mais le corps entier de cet obélisque est intact, et d'une admirable conservation… ».

La barge transportant l’obélisque partira sur les eaux du Nil en décembre 1831. L’obélisque de 230 tonnes, âgé de 3300 ans, arrivera à Paris le 23 décembre 1833 !

À SUIVRE… 🧶

Comme je l’écrivais, la place de la Concorde fût rebaptisée ainsi en symbole de paix après les terribles évènements passés. L’obélisque, monument venu d’un pays lointain et érigé par une civilisation disparue, était « neutre » et donc parfait pour ponctuer cette réconciliation.

C’est ici que l’architecte Jacques Ignace Hittorff (1792-1867) fait son apparition dans l’histoire de la place. Parmi ses réalisations : les mairies des 1er et 5e arrdt., le Cirque d’Hiver, la gare du Nord, l’aménagement des Champs-Élysées et de la place de l’Étoile… 🙌🏻

Quelques années avant, il fût décidé d’embellir la place dans le respect du travail de Gabriel.

En 1833, le roi Louis-Philippe (1773-1850) choisit Hittorff qui fait construire pour l’obélisque un piédestal en granite rose issu des carrières de l'Aber-Ildut, en Bretagne.

Hittorf propose alors de coiffer l’obélisque - dont le pyramidion était abîmé - d’une étoile dorée, mais l’idée est rejetée.

Je reviendrai dans un instant sur l’ensemble du travail réalisé par Hirttoff sur cette place, mais revenons d’abord à l’obélisque…

Le 25 octobre 1836, l’ingénieur Apollinaire Lebas, qui avait supervisé le transport de l’obélisque, l’érige donc sur la place devant une foule de 200 000 personnes retenant leur souffle. Le monolithe de 250 tonnes se dresse lentement grâce à 350 artilleurs et à des contrepoids !

Quelle inconscience ! Imaginez que l’obélisque tombe sur la foule ! Le roi, lui, assiste discrètement au spectacle depuis l’hôtel de la Marine. Quand l’obélisque est enfin dressé et qu’il comprend que l’opération est un succès, il sort sur le balcon sous les hourras de la foule.

Entre 1836 et 1846, Hittorff parachève la place de la Concorde en préservant l’œuvre de Gabriel. C’est même une forme d’hommage, car Hittorff réalise ce que Gabriel avait souhaité pour la place sans pouvoir le réaliser.

LES STATUES DES VILLES

Souvenez-vous : Gabriel avait réalisé une enceinte octogonale ponctuée de huit guérites. Il avait prévu d’y ajouter des groupes sculptés mais cela ne se fera pas de son vivant… cela se fera grâce à Hittorff !

Les plans de Gabriel👇🏻

Il s’agit de huit statues féminines représentant chacune une grande ville de France. Elles sont placées, sur les guérites donc, dans la direction géographique des villes qu’elles représentent.

Hittorff confia la réalisation de ces statues à quatre sculpteurs. Chacun fut chargé de réaliser deux statues :

Rouen/Brest : Jean-Pierre Cortot
Nantes/Bordeaux : Louis-Denis Caillouette
Lille/Strasbourg : James Pradier
Lyon/Marseille : Pierre Petitot

À SUIVRE…🧶

LES FONTAINES

Souvenez-vous, en son temps, Ange-Jacques Gabriel avait souhaité faire édifier deux fontaines de part et d’autre de la statue de Louis XV érigée au centre de la place (où se situe aujourd’hui l’obélisque).

Jacques Hittorff concrétisa ce souhait.

En référence à l’hôtel de la Marine (au nord est de la place), il fit construire deux fontaines sur le thème de la navigation.

L’une, au sud, côté Seine, a pour thème la navigation maritime, c’est la Fontaine des Mers.

Les sculptures de la La Fontaine des Mers représentent l’Océan, la Méditerranée, la pêche des poissons, des coraux, des perles et des coquillages. Sur la vasque du dessus, trois génies associés à des cygnes symbolisent la Navigation maritime, le Commerce et l'Astronomie.

Tant de beauté, tant de détails… il faut la voir en vrai (pas en ce moment, attendez un peu SVP) pour s’en rendre compte.

L’autre fontaine, au nord, côté rue Royale (la rue qui sépare les deux bâtiments jumeaux de Gabriel), a pour thème la navigation fluviale, c’est la Fontaine des Fleuves. Sur cette photo, elle n’est pas en eau.

Les sculptures de la La Fontaine des Fleuves représentent le Rhin et le Rhône tenant du blé, du raisin et d’autres produits cultivés grâce aux eaux de ces fleuves. Les trois génies à côté des cygnes symbolisent ici la Navigation fluviale, l'Agriculture et l’Industrie.

Ces fontaines ont été réalisées en fonte et en bronze à la fonderie de Tusey. Elles sont l’oeuvre de nombreux artistes. Citons-les car ils le méritent : JF. Gechter, H. Husson, F. Lanno, N. Brion, A. Debay, A. Desboeufs, JJ. Feuchère, AM. Moine, JJ. Elshoecht et LP. Merlieux.

Mais pour ce thème de la navigation, Hittorff ne s’est pas arrêté aux fontaines… À SUIVRE… 🧶

LES COLONNES ROSTRALES

Dans l’Antiquité romaine et grecque, les colonnes rostrales étaient érigées pour célébrer des batailles navales.

À l’origine, on y accrochait les rostres (éperons) des navires ennemis vaincus.

Hittorff avait fait réaliser les fontaines de la place de la Concorde sur le thème de la navigation, pour faire le lien avec l’hôtel de la Marine.

Il était naturel que ce thème se décline sur les éclairages de la place : les fameuses colonnes rostrales.

C. Marville, 1865👇🏻

Ces proues sont aussi lĂ  pour nous rappeler le blason de Paris.

Je vous laisse admirer les détails…

Ces colonnes rostrales ont, comme les fontaines, été réalisées par les fonderies de Tusey.

Ici, une des colonnes rostrales devant l’hôtel de la Marine.

Pour la petite histoire, Charles Garnier réalisera plus tard des colonnes rostrales pour la « ceinture de lumière » de son opéra. Souvenez-vous, je vous en parlais dans ce fil.

Comme vous l’aurez remarqué, Hittorff a prêté une attention toute particulière aux couleurs, bien sûr en harmonie avec les fontaines.

Il faut savoir qu’Hittorff était aussi spécialiste de la polychromie dans l'architecture grecque…

À SUIVRE… 🧶

LES FOSSÉS DISPARUS

Jusqu’à 1852, on cultivait des fruits et des légumes sur la place de la Concorde !

Souvenez-vous : au début de ce fil, je vous décrivais une place « délimitée par une enceinte octogonale avec balustrades et guérites, bordée de fossés »…

Le terrain sur lequel la place Louis XV (nom d’origine de la place de la Concorde) a été édifiée comportait un fossé qui correspondait à une partie de l’ancienne enceinte de Louis XIII. Un pont tournant permettait de le traverser.

Le fossé et le pont sont visibles ici :

Quand Gabriel dessina les plans de la place Louis XV, il décida de conserver ce fossé et même d’en ajouter d’autres tout autour de la place. Ces fossés étaient profonds de 5 mètres et mesuraient 20 mètres de long. Chaque guérite comportait un escalier qui permettait d’y accéder.

Des jardins avaient été aménagés dans ces fossés. On y cultivait fruits et légumes. Les jardins étaient loués à des parisiens, à l’instar des guérites qui servaient de (modestes) appartements !

Ces fossés ont malheureusement connu et causé des catastrophes (mouvements de foule, accidents mortels suite à des chutes du fait que ces fossés constituaient un goulot d’étranglement).

Ici, le tragique feu d’artifice du 30 mai 1770 : 133 morts !

Le 20 août 1828, Charles X concéda la propriété de la place à la Ville de Paris avec une exigence : que celle-ci soit embellie.

Vous connaissez la suite : c’est Hittorff qui s’en chargera.

En 1852, Napoléon III décidera de supprimer ces fossés. Ils seront comblés en 1854.

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