Bonjour Twitter ! Ce samedi, je t'emmène sur un chantier participatif Normand. Au programme aujourd'hui : la fabrication d'enduits expérimentaux en terre crue, à partir de la terre naturelle du terrain, et la recette pour tester ça chez soi. Thread de la gadoue 🧵👇
Un peu de contexte pour commencer. En architecture, la finition d'un mur (intérieur ou extérieur) a plusieurs fonctions : protéger isolant et structure de l'eau, de l'abrasion et du feu, réguler l'humidité, et assurer un aspect esthétique.
Il y a deux grands types de finitions : l'enduit, donc, et le bardage (en bois, en métal ou autre). L'enduit est constitué à 1/3 de liant et 2/3 de charge minérale : sable (le plus souvent) ou terre minérale. Parmi les liants, on trouve la chaux, le plâtre, le ciment ou l'argile.
Problème : le plâtre, la chaux et le ciment demandent des cuissons à haute T° pour leur fabrication. Par ailleurs, une fois "gâchés", c'est-à-dire mélangés à l'eau et mis en œuvre, ils se figent définitivement et ne peuvent plus être récupérés et réutilisés.
Le sable, quant à lui, est une ressource en tension : le sable de mer et le sable du désert sont trop lisses pour pouvoir être utilisés en construction, ne laissant que le sable de carrière, avec toutes les contraintes et impacts écologiques que cela suppose.
C'est là que l'expérimentation intervient ! Sur ce chantier, on tente de créer une recette d'enduit esthétique et solide, sans chaux et sans sable. Un vrai défi qui demande de nombreux essais, comme en atteste ce mur avec différentes recettes, qui présente encore bcp de fissures.
Alors, comment fait-on ? Pour commencer, on récupère, on tamise et on teste la terre du terrain, afin d'évaluer la quantité d'argile qui s'y trouve et qui fera liant. Se faisant, on en élimine les pierres et graviers, indésirables pour l'enduit (mais qu'on utilisera ailleurs).
Il existe plusieurs types de tamis, du plus grossier au plus fin, en fonction du résultat souhaité. On peut aussi en fabriquer un avec du grillage fin tendu sur un cadre en bois.
Pour vérifier que la terre tamisée contient de l'argile, on réalise le "test du bocal", très simple à réaliser avec un simple bocal de verre ou une bouteille transparente. Le test est bien explicité sur cette vidéo :
En construction on veut surtout éviter la matière organique, il faut donc creuser assez profond pour ne pas prendre d'humus. Pour de l'enduit, on cherche idéalement une terre contenant 30% d'argile.
S'il y en a moins, l'enduit ne sera pas assez lié, s'il y en a beaucoup plus, il risque de faïencer voire de fissurer. On va donc y ajouter divers éléments pour compenser ces éventuels défauts
Sur ce chantier, on en a testé plein : la fibre végétale (sciure de bois, paille de lin...), le carton trempé et broyé pour exploiter sa cellulose, les cheveux récupérés chez le coiffeur du coin, puis broyés, ou encore la poudre de marbre, déchet de l'industrie de la pierre.
J'ai une affection particulière pour cette dernière matière. Elle est créée à la découpe des pierres, la scie est refroidie en continu au jet d'eau. Le mélange d'eau et de poudre de découpe donne une sorte de pommade très fine, et très agréable à manipuler
Sur ce chantier et avec notre terre, la recette "idéale" que l'on a trouvée c'est : 50% de terre et 50% de sciure de bois pour l'enduit corps, et 50% de terre, 30% de carton, 15% de poudre de marbre et 5% de cheveux pour l'enduit de finition.
Les % sont en volume, pas en poids !
Ensuite, plus qu'à faire notre tambouille avec suffisamment d'eau pour obtenir une texture semblable à la pommade, facilement applicable. Trop liquide, l'enduit va couler, trop sec, il va fissurer et sera compliqué à mettre en œuvre.
Vient enfin le moment de tartiner tout ça sur le mur. L'enduit peut être "monocouche", c'est à dire qu'on l'applique en 1 fois, ou être divisé en 3 couches : une couche d'accroche, une couche de corps, et une couche de finition. Tout dépend du support et de l'enduit fabriqué...
Sur ce chantier, il y a plusieurs matériaux différents en fonction des murs, nous avons donc choisi de "tramer" l'enduit afin d'éviter qu'il ne fissure. Pour cela, nous utilisons des sacs en toile de jute découpés et agrafés au mur, enduits ensuite d'une couche d'accroche.
Ensuite, on applique l'enduit de corps fibré, et l'enduit de finition lissé à la main ou à la taloche. Le bâtiment accueille du public, nous avons donc une épaisseur minimale à respecter pour assurer la tenue au feu du mur 🔥
On applique l'enduit sur l'isolant en liège, entre les pans des ossatures bois isolées en dalles de faux-plafond recyclées, ou directement sur la brique. Sa couleur change en fonction des tests de composition (et de la lumière au moment de la photo !)
Bien sûr, il n'est pas rare qu'il fissure au séchage, avec "retrait" (la diminution de son volume lorsque l'eau s'évapore). Il suffit alors de l'humidifier pour le remodeler, et il peut être réutilisé ou rendu à la nature en fin de vie du bâtiment.
Attention, dans le Nord de la France, le climat ne se prête ps à l'enduit terre crue en extérieur, plus adapté aux climats secs et chauds. Mais il est parfait pour l'intérieur : en régulant naturellement le taux d'humidité dans l'air, et non-toxique, il favorise le confort de vie
Par ailleurs, il existe des enduits terre crue "conventionnels", qu'il est possible d'acheter en sacs et de faire poser par des artisans spécialisés. Plus fiables car industrialisés, ils contiennent souvent du sable, mais sont un premier pas vers l'éco-construction 🌱
Si la pose d'un enduit terre crue artisanal vous intéresse pour un projet, vous pouvez vous référer aux Guides de bonne pratique reconnus par le gouvernement et des comités de professionnels : maisons-paysannes.org/wp-content/upl…
Et vous entourer de pros compétents de votre région !
C'est tout pour aujourd'hui, j'espère que ce thread vous a plu, et bon week-end ! 🌾
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