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✊ Historien (luttes de libération & violence d’État 🇸🇳) | 📖 Éd. “Réflexions politiques d’Omar Blondin Diop” (2023) | 🎙️ @ElimuPodcast | 💻 @CartoFreeSn

Jun 8, 2023, 20 tweets

#FreeSenegal

🧵 Aux fondements répressifs de l’État au Sénégal : 1963, consécration de l’hyperprésidentialisme

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1/16 Depuis son indépendance, le 🇸🇳 jouit d’une image de « vitrine démocratique », très tôt façonnée par le président Senghor et consolidée par le multipartisme + les 2 alternances de partis. Mais la répression politique a été centrale dans la construction d’un État autoritaire.

2/16 Dès le début des années 1960, l’État table sur une double stratégie :
1) Renforcer le pouvoir exécutif par des mécanismes institutionnels ;
2) Affaiblir l’opposition par des mesures/pratiques coercitives.

3/16 Le régime interdit la majorité des partis d’opposition (PAI 60’, BMS 63’, FNS 64)’ jusqu’à l’incorporation du PRA-S en 66’, faisant de l’UPS le parti-unique. S’ajoutent le Tribunal spécial (63’) et le Code pénal (65’), cadres renforçant l’arrimage du judiciaire à l’exécutif.

4/16 Le pouvoir préserve aussi son autorité par le musellement des obstacles à sa politique : intimidation psychologique d’opposants ; internement d’étudiants 🇸🇳 & expulsion des non-🇸🇳 ; conscription dans l’armée ; balles réelles en manifestations ; torture physique en prison.

5/16 … auxquels s’ajoutent les paysans insolvables saupoudrés d’insecticide cancérigène et les « déchets humains », selon les mots de Senghor (marchands ambulants, handicapés, lépreux, mendiants, talibés, etc.) [cf. Aminata Sow Fall, “La Grève des bàttu”].

6/16 Dans ce dispositif, l’année 63’ est charnière : arrêtés en décembre 62’, Mamadou Dia et 4 camarades ministres sont condamnés en mai 63’ à de lourdes peines (perpétuité pour Dia ; 20 ans pour V. Ndiaye, I. Sarr & J. Mbaye ; 5 ans pour A. Tall)

7/16 Les voix discordantes au sein du parti-État désormais écartées, le président Senghor fait adopter en mars 63’ une Constitution lui conférant les pleins pouvoirs, qu’il déploie lors de l’élection présidentielle de la même année.

8/16 Affaiblie par la répression, l’opposition poursuit sa mobilisation. Mais le 1er décembre 63’, Senghor est candidat unique : 10 parrainages de députés sont requis pour se présenter, cap infranchissable pour un opposant face à 80/80 sièges du Parlement acquis à l’UPS.

9/16 Contesté, le scrutin donne Senghor vainqueur à 100% des voix. Le soir-même se dessine un long cortège entre le Champ de course et la Medina. La rue gronde : « À bas Senghor ! C’est le peuple qui décide ! Démission du président Senghor ! ».

10/16 Hélicoptères survolent Dakar et lâchent des grenades lacrymogènes et offensives sur la foule ; militaires descendent dans la rue et vident leurs cartouches. Blessés, ensanglantés, des centaines de manifestants retiennent leur souffle à quelques mètres de camarades abattus.

11/16 La rue saigne. 40 morts, selon le bilan officiel. Certains parlent de 100, d’autres 300, d’autres encore 500. Des témoignages font état de corps jetés dans la mer et dans des fosses communes. Sans compter les centaines de personnes blessées et interpellées.

12/16 Loin d’être interprété par Senghor comme un signe de désaveu, il s’agit, pour lui, d’une violence apolitique et étrangère, alimentée par « des chômeurs, dont la plupart n’étaient pas des Sénégalais ».

13/16 Tandis que les responsables du PRA-S sont recherchés par la police, la direction du parti demande à son directeur de campagne, Maître Fadilou Diop, de rentrer dans la clandestinité pour organiser la résistance. D’autant que son SG, Abdoulaye Ly, est toujours en détention.

14/16 Pour contraindre Fadilou Diop à se rendre, les autorités arrêteront son épouse, Aïchatou Sar, qu’ils utiliseront comme otage. Sous la pression internationale, Senghor fera finalement libérer l’avocat.

15/16 Toujours dans la clandestinité, le PAI envoit ses cadres à Moscou, Alger et Prague. Un contingent se rend à La Havane en 64’ pour préparer un maquis militaire depuis le Sud et l’Est du 🇸🇳. Mais sur le retour en 65’, une taupe dénonce le groupe aux autorités.

16/16 Dans les commissariats, les militants sont torturés à l’eau, l’électricité et au goulot de bouteille inséré dans l’anus jusqu’à effusion de sang, notamment sous le commandement de commissaires français.

Ça, c’est encore une autre histoire…

đź“š Pour aller plus loin

↪️ « Léopold Sédar Senghor, président sans poésie »

↪️ « Les forces du désordre, de la répression coloniale aux violences policières »

contretemps.eu/controle-franc…

↪️ Omar Blondin Diop, mort en détention à la prison de Gorée en 1973

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