Nouvel épisode de "Quand l'Histoire fait date" de P. Boucheron sur le couronnement impérial de Charlemagne sur @ARTEfr, ou:
les ravages de l'omnihistorien à la française.
Une liste d'erreurs, pour se souvenir d'inviter un spécialiste la prochaine fois.
@ARTEfr 1/7 À tout seigneur tout honneur: "à Rome, plus aucun empereur n'a été sacré depuis 476" (2'25). Raté : les empereurs romains n'étaient pas sacrés – et Charlemagne ne l'a pas été non plus, mais couronné. Le premier sacre impérial est celui de Louis le Pieux par Etienne IV en 816.
@ARTEfr 2/7 "Pour Charlemagne, il n'a jamais été question d'épouser Irène" parce qu'elle était infréquentable (11'35). Avant 800, la raison est plus prosaïque: Charlemagne est déjà marié. En 801-802, Charlemagne veuf semble l'avoir envisagé. Lire Laury Sarti, Orbis romanus, 2024...
@ARTEfr 3/7 "Charlemagne refuse la titulature d’empereur des romains, pour celle d’empereur auguste, roi des francs et des lombards" (12'45). Faux: la titulature de Charlemagne comprend la formule romanum gubernans imperium, inspirée de Justinien, et qu'il conserve jusqu'à sa mort.
@ARTEfr 4/7 « en novembre 800, Charlemagne raccompagne Léon III à Rome » (7’15). Ouch: Charlemagne avait fait raccompagner Léon l'année précédente; il vient seul en novembre 800 – et il aurait été utile de décrire sa cérémonie d'accueil, d'ailleurs, qui est toute impériale.
@ARTEfr 4/7bis – et Charlemagne convoque un concile « devant lequel Léon III doit faire pénitence, ce qui constitue une véritable humiliation ». Léon III ne fait pas pénitence, il prête un serment purgatoire : c'est au contraire le signe que nul ne se sent habilité à juger le pape.
@ARTEfr 5/7 sur la mosaïque du triclinium de Léon III, le portrait de Silvestre et Constantin "date du IVe siècle". Or, c'est une mosaïque de la fin du VIIIe siècle, comme la salle de réception entière qui la renfermait... Voir J.-P. Caillet, "Les grands programmes pontificaux...", 2000.
@ARTEfr 6/7 Éginhard, auteur de la Vie de Charlemagne, est un « moine proche de Charlemagne » (1'45). Non, Éginhard est un laïc et un aristocrate, qui était abbé (laïc) de plusieurs abbayes. Il était même marié...
@ARTEfr 7/7 Le déroulement du couronnement de Charlemagne pose la question de la prééminence entre pape et empereur, entre "glaive spirituel et temporel" (8'20). Au haut Moyen Âge, cette interprétation de la péricope des deux glaives n'existe pas: Joseph Lecler l'a montré en ... 1931.
@ARTEfr Il y aurait beaucoup de choses à dire encore. Le remploi discret des travaux d'Isabelle Rosé (sur Josias) et Michel Lauwers (sur le roi prédicateur), dont le nom n'a pas été jugé digne d'être cité... Sans parler du saupoudrage d'histoire globale parfaitement inutile à la fin.
@ARTEfr Il y a pourtant un VRAI, GRAND spécialiste des Carolingiens dans l'émission, Steffen Patzold – mais pourquoi l'avoir parler de l'image de Charlemagne en Allemagne? C'était à lui de parler du couronnement impérial lui-même, au lieu de lui réserver une carte postale d'outre-Rhin.
@ARTEfr L'État paie des centaines d'historiens à être des professionnels de leurs sujets. N'importe qui ne peut pas en parler à leur place sans un gros travail. Ce genre de documentaires, qui se paie de mots sans réel travail, n'honore ni l'université, ni le service public, ni la vérité.
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