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En 1870, l’état-major l’assurait à l’empereur : L’armée française est prête, il ne lui manque pas un bouton de guêtre. L’empereur déclare la guerre à la Prusse. Résultat : une mémorable déculottée et la perte de l’Alsace-Moselle…
Malgré cette réussite éclatante des armées allemandes coalisées, elles enregistrent un échec lors sur cette campagne : le siège de #Paris
En effet, il a fallu aux Allemands plus de cent jours pour déployer l’artillerie de siège, laissant le temps à la France d’organiser la résistance de sa capitale. Paris ne finira par tomber par la famine et non par les armes.
Après la guerre, les états-majors, des deux côté des Vosges veulent tirer les enseignements de cet échec.

Concernant la question des transports, principale raison du raté teuton, l’armée française confie cette tâche à un polytechnicien, le capitaine d’artillerie Prosper Péchot.
La question à résoudre est la suivante :

« Faire arriver sur le point désigné et à l’heure voulue, au-delà de la zone exploitée par les grands chemins de fer, le matériel et les denrées dont les armées de siège et de campagne ont besoin pour combattre et pour vivre »
Plusieurs options se présentent :
- Transport routier hippomobiles ou par locomobiles à vapeur
- Transport ferroviaire par extension du réseau à grand gabarit
- Transport ferroviaire par chemin de fer à voie étroite
Les transports routiers sont éliminés, l’exemple de 1870 ayant démontré que même dans des conditions extrêmement favorables, il avait été impossible aux assaillants de déployer puis alimenter suffisamment de pièces d’artillerie dans un délai raisonnable
Les chemins de fer à grand gabarit, voies de 1m435 et de 1m, bien qu’ayant les faveurs du Génie qui souhaitait éviter la multiplication des écartements, posent plusieurs problèmes :
- Ils sont trop gros pour passer dans les forteresses, casemates et batteries
- La hauteur de leurs planchers nécessite des quais pour les transbordements, fastidieux à construire, surtout sous le feu de l'ennemi
- Étant trop rigides pour tourner sur les rayons de 7 à 8m que l’on trouve dans les fortifications existantes, comme sur les rayons de 20 des chemins vicinaux, ils nécessitent la construction de plateformes spécifiques pour les accueillir
Du fait de ces contraintes les lignes ne peuvent être construites qu’à des rythmes de l’ordre de quelques centaines de mètres par jour selon la nature du terrain. Trop lent !
Restaient les chemins de fer d’écartement inférieur au mètre…
Mais quel écartement choisir ?

On se souvient que Decauville avait initialement créé son « porteur » à 40 cm d’écartement. Puis avait commencé à commercialiser des voies de 50 puis 60 cm.

Lors de la construction par le général Séré de Rivières des ouvrages destinés à protéger la nouvelle frontière, l’armée avait commandé des lots de voie de 50 pour y faciliter le déplacement des munitions.
Oui mais voilà. Transporter des caisses d’obus sur des lorries de voie de 50, ça allait bien, mais des canons, ça passait moins. Trop large, trop lourd pour ces petits rails de 4,5 ou 7 km/m.
De plus, le capitaine Péchot voulait pouvoir parcourir des dizaines de km, ce qui nécessitait de remplacer les chevaux par de puissantes locomotives.
Qui n’existaient pas en voie de 50 !
Alors qu’en voie de 60
- les canons ne versaient pas
- les wagonnets restaient assez étroits pour pouvoir passer sous les affûts
- et bonus, il existait un exemple de locomotives puissantes, réversibles qui plus est : Les Double-Fairlies du FFestiniog Railway, pays de Galles
Partant de ces constats, Péchot se rapproche des établissements Decauville, où l’ingénieur Charles Bourdon va devenir son interlocuteur.
Ensemble, ils vont étudier les défauts de la voie portative existante et y remédier, en particulier en tirant les enseignements tirés des 70 km de la ligne posée en 1880 entre Kairouan et Sousse avec du matériel Decauville lors de la campagne de Tunisie.
Les faiblesses de cette ligne, déraillements, ruptures, déformations, avaient trois causes principales :
- absence de suspension des wagonnets
- mauvaise tenue des traverses métalliques
- utilisation de trop petits rails
Nos deux compères créeront un nouveau modèle de panneau de voie à base de rail de 9,5 kg posé sur de nouvelles traverse et étudieront une suspension aux petits oignons permettant aux roues de rester en contact avec le rail quelque soient les défauts de géométrie.
Et surtout, ils se penchent sur la pièce maîtresse du système : La locomotive !

Ce sera une Double-Fairlie, comme au @festrail !
Relativement légère (10t à vide, pour tenir sur les wagons à voie normale), pouvant être relevée facilement en cas de déraillement, au centre de gravité très bas pour améliorer sa stabilité, apte à tourner à 20m de rayon, cette étrange machine sera le modèle de référence.
Ce système complet, comprend des panneaux de voie standards, droits et courbes, des branchements, des plaques tournantes, des wagons à 2, 3 et 4 essieux pouvant être utilisés seuls ou couplés par 2 ou 4, des citernes pour stocker l’eau et des locomotives
Il peut transporter des « Charges indivisible » (des canon, quoi…) de 48t au maximum, sans dépasser la charge de 1,75t par roue.

Il peut être posé pratiquement n’importe où au rythme de 7 km par jour, sur les routes, les chemins, et même dans les champs !
Après une démonstration couronnée de succès à Toul en 1888, il sera ensuite déployé dans les places fortes sous le nom de « système Péchot modèle 1888 »
Des manœuvres menées en 1906 à Langres, montreront la facilité et la rapidité d’usage sur le terrain, le rythme de pose de 7 km par jour initialement par notre capitaine, depuis promu commandant, puis de colonel, étant dépassé, avec des avancements allant jusqu’à 10 km/jour.
Quand le conflit mondial est déclaré en 1914, l’armée française dispose d’un chemin de fer de campagne efficace, mais insuffisant : Seulement 61 locomotives Péchot-Bourdon !

On en commandera 295 aux industries britannique et américaine.
Mais surtout, on commandera d’autres modèles de machines, plus simples à construire et à entretenir, car ce petit bijou d’ingénierie de temps de paix allait s'avérer plutôt capricieux au front…
On commandera aussi de nombreux locotracteur à essence, plus discrets que les deux fumées jumelles de nos double-Fairlies...
Ce système a rendu d’immenses services entre le front et l’arrière participant à l’efficacité de cette immonde boucherie que fut la « Der des Der », chez tous les belligérants dont chacun avait développé son propre système, au même écartement que la France
ecpad.fr/les-petits-tra…
Lors de la réalisation de la ligne Maginot, ce système continua à être utilisé dans les ouvrages, mais aussi à l’arrière pour participer à leur approvisionnement.
Après la seconde guerre mondiale, l’armée abandonnera progressivement son précieux auxiliaire au profit du camion, comme elle avait avant abandonné le cheval au profit de la Péchot-Bourdon…
La dernière ligne du front de la Somme, reconvertie au trafic sucrier, puis au tourisme, est toujours en service, entre Froissy, Cappy et Dompière, où vous pouvez visiter un superbe musée et faire un tour en petit train de la Grande Guerre.

Pour finir, je vous invite à consulter le mémoire rédigé par le Colonel Péchot lui-même en 1905 à l’attention des élèves ingénieurs des Ponts et Chaussée et des Mines, librement disponible sur le site du @LeCnam

cnum.cnam.fr/CGI/fpage.cgi?…
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