Emma |-/ Profile picture
Aug 26, 2019 41 tweets 8 min read Read on X
Le jour où je me suis sentie coupable d’avoir été volée – un thread
(@zpz_polbru @policefederale déroulez, ça vous concerne)
Tout commence le vendredi 23/08. Mon amie et moi sommes à la gare de Bruxelles Midi pour y prendre le Flixbus de 23h59 à destination de Londres. Il est environ 22h45 et nous sommes assises dans la salle d’attente de la galerie sud de la gare, proche de l’arrêt de bus.
Il n’y a que peu de personnes aux alentours, quelques unes sur les bancs proches de nous, quelques unes qui passent dans le couloir, c’est calme. Je pose un instant mon téléphone sur le siège vide à côté de moi pour prendre quelque chose dans mon sac à dos à mes pieds.
Vous le devinez bien : à peine le temps de refermer le sac qu’il n’y a plus rien à côté de moi. Le téléphone a disparu. Je me tourne vers mon amie, espérant une mauvaise blague, mais non. Autour de moi, pas de mouvement brusque ou suspect, je n'ai rien senti, rien vu.
La panique s’empare de moi, car dans ma coque se trouvent ma carte d’identité et ma carte de banque. On cherche sous les sièges, autour de nous, on scrute les gens, mais rien. On m’a volé mon téléphone. Première constatation : nous n’irons pas à Londres ce soir.
On essaie d'appeler mon numéro, ça sonne quelques fois puis on atterri directement sur la messagerie : le téléphone est éteint. Ni une ni deux, et comme nous sommes incapables de trouver un policier ou un sécurail dans la gare, nous appelons la police.
L’opérateur est très gentil et rassurant. Il nous explique la procédure à suivre pour obtenir une carte d’identité en urgence et nous invite à nous rendre au commissariat de la police des chemins de fers, non loin de là.
Entre temps, une amie appelle CardStop pour bloquer ma carte bancaire. On se rend donc au commissariat qui semble pourtant fermé. Aucune lumière, une sonnette qui ne semble pas fonctionner. Après plusieurs essais, on se résout à retourner dans le hall principal de la gare.
Miracle : un agent de police ! Il est accompagné de deux hommes et en grande discussion sur son talkie. On reste donc à proximité en attendant qu’il termine, et on comprend vite que nous ne sommes pas les seules victimes de la soirée.
Apparemment, notre vol est déjà le quatrième de la soirée. Les deux hommes se sont fait voler un bagage comprenant un ordinateur. Quand enfin le policier se tourne vers nous, on lui explique la situation, et il admet qu’il ne peut malheureusement pas nous aider.
Il manque d’effectifs et est SEUL dans la gare, et il n’y a personne d’autre au commissariat. Sachant que la gare est un endroit propice aux pickpockets, que cet agent soit seul ce soir est déjà incroyable en soi. Il fait même appel à des agents de sécurité pour patrouiller. Fou!
Malgré son incapacité à nous aider, l’agent est sympathique et nous conseille de nous rendre à un autre commissariat. Il nous invite à surtout bien expliquer les détails du vol, l’heure, l’emplacement exact afin que l’enquête puisse avancer en utilisant les caméras de sécurité.
Seulement, le commissariat le plus proche est à 30 minutes de marche, et ayant peu d’argent sur nous et surtout PEUR de parcourir les rues de Bruxelles seules à cette heure là, nous décidons de nous rendre à Forest en tram, où heureusement une amie en or pourra nous loger.
Elle nous accompagne au commissariat de Forest, donc, et c’est là que le bat blesse.
On sonne, et un agent vient nous « accueillir ». Je lui explique ma situation : téléphone volé, carte d’identité, carte de banque. Sa première question : « Vous avez l’IMEI du téléphone ? »
Evidemment, non. Qui se promène avec le numéro de série de son téléphone ? Surtout à des kilomètres de son domicile ? Je lui dis qu’au pire, le téléphone est le moindre de mes soucis ; je veux signaler ma carte d’identité volée.
Sa réponse : « Ha mais ici on fait tout ou on fait rien. »

Je suis sidérée. Encore sous le choc de ce qui m’arrive, je ne trouve rien à répondre et un silence malaisant s’installe, alors l’agent capitule. « Bon, » et il nous fait rentrer…
A peine ai-je posé le pied dans le hall d'entrée qu'il intime à mes amies d'attendre dehors. Il ne nous laisse pas le choix. Je suis désemparée, et j’ai très envie qu’elles m’accompagnent car je n’ai pas envie d’être seule face à cet homme peu agréable dans une situation pareille
Mais je ne dis rien, parce que monsieur est agent de police, et qu’il sait sûrement ce qu’il fait, pas vrai ?
Je le suis donc dans le bureau, ou il s’installe et me demande mon nom, ma date de naissance, mon adresse, mon lieu de naissance, normal. Il ouvre mon dossier dans le registre national, me demande l’heure de l’incident, puis mon numéro de carte bancaire.
Je ne le connais pas par cœur, lui dit que mon amie doit l’avoir dans son téléphone car elle m’a déjà fait des virements… Il me répond que ce ne sera pas nécessaire. Il tapote sur son clavier pendant un moment, et un de ses collègues débarque dans la pièce.
Pas de bonjour, rien. Il me regarde, regarde son collègue.
«Ha, ouais… Ok… Ouais, bon… » et son collègue fait une mine ennuyée. Je vois bien que je dérange, qu’ils avaient sûrement prévu autre chose que de travailler ce soir.
Le collègue repart donc dans la pièce adjacente, d’où j’entends des rires bien gras. On semble s’amuser, là-bas derrière. Pendant ce temps, pas d’autre mot de l’agent qui tapote toujours sur son clavier. Enfin, il me demande si j’ai une photo.
Oui, je me balade toujours avec une photo de moi-même, surtout quand je pars en vacances. Je lui dis que non, et lui me dit que c’est nécessaire pour la déclaration de vol. Il a pourtant ma photo dans le registre national, qu’il n’arrive juste pas à copiercoller dans le document.
Il appelle un collègue, qui tente de l'aider par téléphone. Après 5min, mon visage apparait. L’agent ne m’adresse plus la parole pendant qu’il fignole la mise en page puis imprime, alors qu’en fond sonore résonnent les cris et rires puissants de ses collègues dans l’autre pièce.
Je me sens de trop, je ne sais pas ce que je fais la, j’ai envie de rentrer chez moi. J’ai l’impression de déranger. Mais voilà, enfin l’agent se lève pour ramasser la déclaration qu’il a imprimée puis cachetée et signée. « Voilà, » il me la tend puis m’indique la sortie.
Il m’accompagne, m’ouvre la porte, me souhaite une bonne soirée, et je lui réponds de même, mais je suis toute engourdie. Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Mes amies m’attendent dehors, et je soupire de soulagement lorsqu’il referme la porte derrière moi.
On inspecte en vitesse le document reçu… et on s’aperçoit que c’est la case « perte » qui est cochée, et non « vol ». Cela nous semble bizarre, d’autant plus que l’agent ne m’a posée AUCUNE question concernant les faits alors que je lui avais bien précisé que c’était un vol.
Surtout, je m’inquiète de la suite de la procédure pour obtenir une nouvelle carte d’identité en urgence, car nous repartons à l’étranger dans moins d’une semaine, et j’ai peur que la case « perte » ne me désavantage dans mes démarches.
Toujours un peu sonnée, mon amie me persuade de re-sonner au commissariat, et l’agent met un peu de temps à arriver. Je lui pose la question, il m’assure que cela ne change rien, que ce n’est qu’un détail. Encore une fois, je semble le déranger.
Mais perdue, j’acquiesce. Il est policier, il sait ce qu’il fait, je ne bronche pas. Je ne réalise même pas que cette case « perte » cochée signifie qu’il n’y aura pas d’enquête. Que tout cela n’aidera même pas à retrouver les voleurs ou à empêcher d’autres victimes.
Je me sens bizarre lorsqu’on retourne chez mon amie. J’ai vraiment l’impression d’avoir été jugée, mise en garde à vue puis relâchée. Dans ce bureau, je n’étais pas une victime, mais une coupable. Coupable d’avoir osé déranger des agents qui avaient autre chose à faire.
Alors oui, j’imagine que ce n’est pas fun de bosser la nuit, et que des vols de téléphone, les agents en voient des centaines par jour. Mais moi, je n’y peux rien, et moi, des vols de téléphone, c’est mon 1er. J’aurais mérité un peu plus d’empathie, de bienveillance, de respect.
Mais ce n’est pas tout. Alors qu’on se dirige vers chez mon amie, les deux filles m’expliquent qu’elles aussi, elles ont vécu quelque chose de bizarre pendant qu’elles m’attendaient à l’extérieur du commissariat.
Peu après mon entrée, deux agents sont sortis en rigolant. « Quelqu’un va arriver, » l’un d’eux leur dit. Elles attendent la suite, imaginent qu’on va peut-être leur poser des questions sur l’incident à elles aussi… mais il continue.
« Pour avoir vos numéros de téléphone. » Oui, cela semble correct, les agents ont besoin d’un numéro de contact, sans doute au cas où l’on retrouve mes affaires… Mais non.

« Pour mon collègue ».
La porte du commissariat s’ouvre alors sur un autre agent. « Ne l’écoutez pas mesdemoiselles, ce n’est pas vrai. »

Puis l’autre de renchérir, « Porte tes couilles ! »
Gros silence. Incompréhension. Malaise. Mes amies n’ont pas réalisé tout de suite ce qui se passait, mais lorsqu’elles me le racontent, elles sont choquées, et moi aussi.
C’est QUOI, cette attitude là ? Ce manque de respect intersidéral, alors que trois jeunes femmes sont désemparées de ce qui vient de leur arriver et cherchent désespérément de l’aide ? Et je n’étais là que pour un VOL. Imaginez si je rajoutais un i.
Avec du recul, je suis dégoutée de l’attitude de ces agents qui n’ont eu AUCUN professionnalisme envers nous, et nous on fait nous sentir encore moins en sécurité alors qu’ils sont censés nous l’offrir. Et en conclusion de cette histoire, je ne retiens que ça.
Le vol, c’est pas grave. C’est matériel. C’est relou, mais ça se répare, et on passe au dessus. Il n’y a pas eu d’agression après tout.
Mais ce comportement… oui, ça ressemblait bien à une agression passive. Toutes les trois, on s’est senties abusées, dans un sens.
Je remercie donc ces personnes qui étaient censées nous protéger de nous avoir fait se sentir encore plus mal qu'à notre arrivée.

• • •

Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh
 

Keep Current with Emma |-/

Emma |-/ Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

PDF

Twitter may remove this content at anytime! Save it as PDF for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video
  1. Follow @ThreadReaderApp to mention us!

  2. From a Twitter thread mention us with a keyword "unroll"
@threadreaderapp unroll

Practice here first or read more on our help page!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3/month or $30/year) and get exclusive features!

Become Premium

Don't want to be a Premium member but still want to support us?

Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal

Or Donate anonymously using crypto!

Ethereum

0xfe58350B80634f60Fa6Dc149a72b4DFbc17D341E copy

Bitcoin

3ATGMxNzCUFzxpMCHL5sWSt4DVtS8UqXpi copy

Thank you for your support!

Follow Us!

:(