Thread by @KaaliMera_

19 décembre les vacances de fin d'année arrivent à grands pas, je ne m'attendais pas à vivre l'une des journées les plus éprouvantes de ma carrière d'enseignante.
leparisien.fr/hauts-de-seine…

Cela fait plusieurs jours déjà que le lycée dans lequel je travaille est l'objet de blocus de la part des élèves qui protestent contre le hold up fait sur leur avenir depuis quelques temps :

la réforme du baccalauréat place les élèves sous pression permanente en multipliant les périodes d'évaluation sur 2 ans, les contraint à faire des choix déterminants pour leur orientation dès 15 ans sans droit à l'erreur.

Parcoursup la machine à broyer s'assure que nos élèves restent bien à la place que cette société leur a assignée à la naissance : la marge, trop étroite pour laisser leurs rêves et leurs ambitions se déployer.

Le système scolaire comme outil de consécration et de perpétuation des inégalités sociales, malheureusement rien n'est nouveau, mais la dynamique s'amplifie.

Et enfin la réforme des retraites, ou comment la génération de ceux qui ont tout eu, ou presque, dit à la génération suivante : "j'ai mangé tous le gâteau, partagez vous les miettes."

Alors sans trop parfois arriver à le formuler, maladroitement, parfois violemment ces jeunes qui sentent l'entourloupe arriver se révoltent.

Et face à cette colère, c'est par le bruit des matraques contre leurs corps d'adultes en devenir que l'institution leur répond. Mais personne ne regarde on est en banlieue.

Je ne m'attendais pas, le jour où j'ai passé le concours à devoir servir de bouclier humain, pour éviter qu' une pluie de matraques et de lacrymo s'abattent sur mes élèves.

Je ne m'attendais pas en devenant enseignante à devoir courir les commissariats et autres tribunaux parce que la police a pris pour cible un de mes élèves qu'elle arrête et passe à tabac  violemment à 3 reprises pour s'être "rebellé".

Puis quand la colère se sera tue matée par les coups, l'institution me demandera de transmettre à ces mêmes élèves les valeurs de la République.

A ceux, qui se font insulter de "museaux", "bougnoules", "bamboula" par la police je devrais enseigner que la République aime de la même manière tous ses enfants, sans distinction de race ou de religion

A ceux, qui sont injustement pris pour cible je devrais enseigner la notion d'Etat de droit et le principe de justice, alors qu'ils sont quotidiennement confrontés à l'injustice de l'Etat.

Les paroles s'envolent, les actes demeurent, gravés dans les chairs. Ces élèves n'oublierons jamais la violence illégitime de l'État, le mépris des élites à leur égard.

A l'heure où le chef de l'Etat s'est dit bouleversé par le merveilleux  film de @ladjLY "#LesMiserables", c'est par la voix des matraques qu'il continue de s'adresser à nos jeunes.

Comme nous l'a dit Victor Hugo et comme nous l'a rappelé Ladj Ly : “Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.” Au lycée de Colombes ces derniers jours c'est la haine que l'Etat a semé.

Le communiqué fait avec les collègues.

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