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[Thread] La bataille d'Anoual et la guerre du Rif
Comment Abdelkrim el Khattabi est devenu une des icônes de la résistance marocaine contre le colonialisme ?
Ce thread vous est proposé par @KebabMarx
Contexte :

Nous sommes en 1921, l’Espagne occupe le nord du Maroc dans le cadre du traité de Fès de 1912, qui sépare le Maroc entre protectorat espagnol et français, signé par le sultan du Maroc Moulay Abdelhafid qui était en position de faiblesse à cette époque (révoltes etc).
L'Espagne contrôlait en à ce moment là seulement les zones portuaires (Ceuta, Melilla et l'ouest de Tetouan) et le reste de la région du Rif est inoccupé par les espagnols car leurs troupes se heurtaient continuellement à une résistance farouche de la part des tribus locales.
En 1920, les autorités espagnoles décident d'asseoir leur domination sur l'ensemble du Rif et préparent donc une expédition sous les ordres du général Manuel Fernandez Silvestre (à gauche), appointé par le roi Alphonse XIII (à droite) afin de soumettre entièrement le Rif.
C'est dans ce contexte qu'intervient Abdelkrim el Khattabi: né en 1882, fils d'un cadi local, qui a étudié le droit en Espagne, journaliste pour le "Télégramme du Rif" entre 1908 et 1915 pour ensuite devenir cadi de Melilla en 1915.
(à gauche, Abdelkrim à son poste de cadi)
Cette position clé dans l’administration coloniale espagnole lui a permis de d’obtenir des contacts et des renseignements parmi la bureaucratie du protectorat, ce qui lui sera cruciale pour la suite des évènements.
Après s’est opposé publiquement à une future expansion espagnole dans le Rif, il fut enfermé entre 1916 et 1918 avant de retrouver sa liberté et de redevenir cadi à Melilla, poste qu’il quittera pour retourner dans le Rif en 1919.
Résistance
Depuis le Rif “libre”, il commença à organiser une partie des tribus locales afin de se préparer à l’inévitable arrivée des espagnols avec l’aide de son frère. Ils prirent les armes et se rebellèrent contre les premières incursions espagnoles en 1920.
En 1921, l’expédition militaire du général Manuel Fernandez Silvestre fut lancé. L’objectif était clair: soumettre le Rif libre militairement. Les premières opérations furent lancées précautionneusement et les espagnols construisent des fortins afin de conserver leurs gains.
Cependant en mai, le général Silvestre, connu pour son audace et son impétuosité, s’enfonça profondément avec sa colonne d’assaut dans dans le Rif sans tenir compte de la logistique et se retrouva dans les montagnes du Rif sans soutien du reste de l’armée.
Néanmoins, malgré sa situation précaire, le général Silvestre continua d’avancer vers al Hoceima. Sur sa route reposait le fleuve Amekran, limite du territoire contrôlé par Abdelkrim. Ce dernier envoya au général le menaçant de mort s’il traversait cette rivière.
Le général Silvestre, fidèle à lui même, ria lorsqu’il lut la lettre et qualifia Abdelkrim de fou. Il procéda ensuite à la traversée de la rivière, qu’Abdelkrim a volontairement laissé faire savant que le général et sa colonne d’assaut était isolé du reste de l'armée.
La colonne espagnole installa un avant poste militaire proche du village d’Anoual le 21 Juin avec 5000 hommes. Ils furent immédiatement encerclés et pris d’assaut par surprise par 3000 guérilleros d’Abdelkrim, suite à un coup de génie tactique de ce dernier.
Un commandement confus et un manque cruel de préparation dû à la surprise ont brisé tous les espoirs d’une retraite disciplinées. Les soldats espagnols, sous un feu nourri et en pleine déroute, se sont éparpillés et sont devenus des cibles faciles pour leurs poursuivants
Le général disparut et tout le système de structure militaire espagnol s’écroula dans la région du à une surextension ingérable. Abdelkrim, profitant du succès de l’encerclement à Anoual, déversa sa fureur en assiégeant tous les fortins de la région et en poursuivant les fuyards.
Environ 15000 soldats espagnols seront tués, que ce soit à Anoual, lors de la déroute ou lors des exécutions de prisonniers comme par exemple au fort de Monte Arruit où 2000 prisonniers espagnols seront massacrés pour venger les pillages et viols commis par l’armée espagnole.
On comptera que quelques centaines de morts rifains . 20 000 fusils, 400 mitrailleuses, 200 canons, un stock important d’obus et des millions de cartouches, des camions, des vivres, des médicaments et du matériel médical ainsi que 2 avions furent également capturés.
Victoire
Après ce désastre pour l’Espagne et cette victoire éclatante pour les rifains, Abdelkrim proclama en 1922 la république du Rif, afin d’unir tout les tribus pour mener la lutte et établir un gouvernement indépendant.
Il conserva néanmoins son allégeance au sultan du Maroc Moulay Youssef (les discours de la prière du vendredi était toujours faites au nom du sultan) même si ce dernier avait les mains liées par les français et qu’il ne pouvait pas soutenir Abdelkrim.

(Moulay Youssef)
La guerre du Rif continua et Abdelkrim va prouver sa maîtrise à la perfection de l’art de la guérilla et du leadership. Malheureusement, à partir de 1925, une coalition franco-espagnole avec l’aide du sultan rassemblant un demi-million d’hommes fut formé afin de le vaincre.
Il fut vaincu en 1926, date à laquelle il se rendit afin d’épargner la population civile les bombardements de gaz chimiques de combats qu’elle subissait. Il fut envoyé à la Réunion et en 1947, il réussira à s’enfuir en Egypte où il décédera en 1963.
Malgré les propositions pour le retour d’Abdelkrim du roi Mohamed V après l’indépendance du Maroc en 1956, il refusa de retourner dans son pays natal, considérant que la famille royale l’a trahi en 1925. Mohamed V le rencontra tout de même au Caire
Il ne cessa jamais d’aimer le Maroc néanmoins. Abdelkrim fut un également modèle de la guerre non conventionnelle (guérilla) pour de nombreux combattants y compris Che Guevara, Ho Chi Minh ou Mao Zedong (dans l'ordre).
La bataille d’Anoual fut la première défaite majeure d’une puissance coloniale en Afrique et marquera les esprits. En Espagne, ce “désastre” provoqua même en 1923 un coup d’état de la part du général Primo de Rivera, désireux de revitaliser l’Espagne.
Fin:
Caid = juge musulman
Fortin = petit fort, souvent temporaire

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