Il y a qq jours un youtubeur a déclenché une polémique en tenant des propos très problématiques et affirmant ensuite qu’il s’agissait d’une “expérience sociale”.
C’est l’occasion de voir à quoi ça ressemble une VRAIE expérience en sciences sociale. ⬇️
C’est l’occasion de voir à quoi ça ressemble une VRAIE expérience en sciences sociale. ⬇️
Contexte : Le vidéaste vulgarisateur Astronogeek (AG) a raconté de manière provocante dans un thread plusieurs choses illégales ou immorales qu’il a faites, en utilisant le hashtag BalanceTonYoutubeur
Une polémique a suivi, nombre de vulgarisateur·ices ont désavoué publiquement l’attitude d’AG (notamment à cause du tweet ci-dessous).
AG a alors expliqué que tout cela était une “expérience sociale” visant à… euh, bon, le but est pas clair.
AG a alors expliqué que tout cela était une “expérience sociale” visant à… euh, bon, le but est pas clair.
Comme l’a déjà dit @EcoSceptique les recherches expérimentales en sciences sociales ça existe (surtout en psychologie sociale et en économique comportementale il me semble).
Sur leur chaîne @hackingsocialfr @GullHackso et @HViciss vulgarisent régulièrement des expériences de ce genre.
Par exemple celle-ci sur ce qu’on appelle l’effet témoin :
Par exemple celle-ci sur ce qu’on appelle l’effet témoin :
Néanmoins les chercheur·euses n’utilisent pas vraiment l’expression “expérience sociale”, on va plutôt parler de recherches expérimentales ou d’expériences de [insérer nom de la discipline].
D'ailleurs, si on cherche “expérience sociale” sur Google, les premiers résultats ne mènent pas à des choses très scientifiques. Il s’agit souvent de formes de caméras cachées où le but est d’obtenir des réactions étonnantes/touchantes/drôles...
Il ne suffit pas de faire un truc puis d’observer les réactions de quelques personnes choisies pour faire une recherche expé en sciences sociales.
Il faut établir un protocole clair pour tenter de répondre à une question précise et suivre une méthodologie réfléchie en amont.
Il faut établir un protocole clair pour tenter de répondre à une question précise et suivre une méthodologie réfléchie en amont.
Aux questions de méthodes s’ajoutent des questions éthiques.
Il faut l’accord des personnes participant à l’étude, réfléchir aux effets probables de l’expé sur elles ainsi qu’aux possibles implications sociales et politiques du fait de se pencher sur telle ou telle question.
Il faut l’accord des personnes participant à l’étude, réfléchir aux effets probables de l’expé sur elles ainsi qu’aux possibles implications sociales et politiques du fait de se pencher sur telle ou telle question.
Dans le cas d’AG, même si c’est pour provoquer, ces propos sont très violents pour de nombreuses personnes et peuvent contribuer à banaliser ou minimiser la gravité du viol conjugal auprès d’un large public (même si c’est pas son intention).
Dans une véritable recherche, d’un point de vue éthique ce ne serait pas acceptable.
Mais du coup, si on souhaitait étudier sérieusement les réactions à ses propos, comment est-ce qu’on pourrait s’y prendre ?
Mais du coup, si on souhaitait étudier sérieusement les réactions à ses propos, comment est-ce qu’on pourrait s’y prendre ?
Des recherches portant sur Twitter ça existe.
En français il y a par exemple les travaux de @vjulliar autour de débats sur la “théorie du genre” sur Twitter.
journals.openedition.org/questionsdecom…
En français il y a par exemple les travaux de @vjulliar autour de débats sur la “théorie du genre” sur Twitter.
journals.openedition.org/questionsdecom…
Elle explique sa méthode de recherche dans cet article (qui est en libre accès) et on voit que ça ne s’improvise pas.
cairn.info/revue-reseaux-…
cairn.info/revue-reseaux-…
Pour faire une recherche correcte, il faut d’abord préciser l’objet de l’étude.
Dans le cas des tweets d’AG, on pourrait par exemple s’intéresser à l’argumentation construite par diverses personnes qui ont pris part à la polémique.
Dans le cas des tweets d’AG, on pourrait par exemple s’intéresser à l’argumentation construite par diverses personnes qui ont pris part à la polémique.
On pourrait aussi étudier les réseaux qui se sont déployés autour de cette affaire : Qui prend position ? Quels sont les différents “camps” en présence ? Qui retweet ou like qui ?
Peu importe la question de recherche, il faudrait circonscrire un corpus, ç-à-d préciser quel est l’ensemble de données qui vont être prises en compte. Il y aurait donc besoin de mettre en place différents types de délimitations:
D’abord une délimitation du type de contenu (exemple : le corpus = tous les tweets ou threads comportant le mot “Astronogeek” et portant sur la polémique)
Une délimitation temporelle (ex : les tweets publiés dans les 7 jours suivant la publication du thread)
Une délimitation temporelle (ex : les tweets publiés dans les 7 jours suivant la publication du thread)
Éventuellement une délimitation des acteurs (exemple : les tweets et RT des comptes de plus de plus de 1k abonnés, ou uniquement les tweets de vulgarisateurs et de youtubeurs)
Ensuite il faudrait recueillir tous les tweets du corpus, choisir une méthode d’analyse, traiter les données, les mettre en lien avec la littérature scientifique existante… faire des sciences sociales, c’est un vrai travail en fait !
Je ne vais pas détailler plus, voilà juste quelques infos et pistes sur comment on peut travailler un peu sérieusement sur ce genre de questions quand le but est de faire de la recherche.
Concernant AG, invoquer une “exp. sociale” c’est, au mieux, de la méconnaissance totale des sciences sociales, qui conduit à faire de la pseudo-science (ironique pour quelqu'un qui traîne dans le milieu du scepticisme).
Mais je pense plutôt qu’il s’agit d’une excuse bidon pour faire de la provoc’ gratuite tout en se dédouanant de la responsabilité de ses propos et ne pas réfléchir à la dimension éthique de ce qu’on dit/fait.
Bisous ~
Bisous ~
