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Bonjour tout le monde ! Suite à l'affaire #Astronogeek, je me suis dit que ça ferait pas de mal de refaire un petit point sur ce qu'est la culture du viol, et sur les malentendus autour de ce terme. [1/x]
Je ne veux bien sûr pas ici accuser Astronogeek de viol (je préviens car certaines personnes semblent penser que dès qu'on ne défend pas Astronogeek, on l'accuse de viol), et mon objectif [2/x]
n'est pas ici d'attaquer Astronogeek mais à certaines idées que lui et ses défenseurs véhiculent, donc je vais simplement reprendre un statut que j'avais écrit sur facebook en 2018 pour rester dans des propos généraux. [3/x]
Il y a souvent un malentendu sur la culture du viol. Une personne peu informée sur les questions féministes se dira souvent : « nonmédidonk, le viol c’est un truc absolument horrible, tout le monde est d’accord pour le dire, [4/x]
d’ailleurs en prison les criminels les plus maltraités sont ceux condamnés pour viol. C’est encore un truc de ces paranos SJW ! »
Le viol, ça dégoûte en apparence à peu près tout le monde. [5/x]
Le problème, c’est que ce qui dégoûte, c’est une conception fantasmée du viol : celle du monstre violent, inconnu de la victime, qui va la forcer physiquement. C’est précisément là le paradoxe qui fait la culture du viol : [6/x]
le viol est quelque chose de si horrible qu’il ne peut pas être vu comme l’œuvre d’êtres humains normaux, que nous côtoyons tous les jours. Le violeur est déshumanisé, et on ne peut donc pas imaginer qu’un humain, avec ses qualités et ses défauts, puisse en être à l’origine.[7/x]
Une telle déshumanisation entraîne deux problèmes majeurs : une mauvaise délimitation de ce qu’est le viol, et le déni du viol lorsque celui-ci a lieu (par les violeurs, les proches/ami-es/connaissances des violeurs, [8/x]
et aussi parfois par les victimes elles-mêmes qui, ayant une vision erronée du viol, ne se rendent pas toujours compte de la gravité de ce qu’elles ont subi, malgré les dégâts psychologiques/physiologiques). [9/x]
Admettre un viol, c’est alors admettre plus ou moins consciemment que le violeur est un monstre, et nous sommes rarement prêts à le faire, surtout lorsque l’on connaît la personne. [10/x]
C’est une raison probable pour laquelle il y a eu construction culturelle de stratégies afin d’admettre le moins souvent possible l’existence des viols.
Cela se traduit d’une part par la minimisation de la responsabilité des agresseurs/violeurs, [11/x]
via une conception très permissive du consentement, et d’autre part par la maximisation de la responsabilité des victimes, grâce à la négation de leur parole ou/et leur mise en accusation (elle a des comptes à régler, donc elle ment ; [12/x]
elle portait une jupe courte/un string, donc elle le voulait, etc.). [13/x]
Conséquence bien « pratique » : il n’y a que les cas les plus incontestables de viol qui peuvent être condamnés, et la plupart des comportements sexuels abusifs, le plus souvent masculins, peuvent continuer à avoir lieu en toute impunité… [14/x]
Le viol est défini à peu près unanimement comme une pénétration non consentie (bien qu’il ne s’agisse pas de la définition juridique en France). Je reviens donc sur la conception permissive du consentement. [15/x]
Cette question est centrale, à tel point que je pense que la culture du viol pourrait aussi s’appeler culture du non-consentement, car cela a des conséquences non seulement sur le viol, mais sur tous les degrés d’agressions sexuelles ou sexuées qui peuvent exister. [16/x]
Pour illustrer le problème du consentement, une étude de psycho expérimentale me paraît utile : 150 hommes de 21 à 35 ans, au Québec, en 2016, se sont vues présentés une situation d’agression sexuelle débouchant sur un viol, mais simplement en décrivant l’événement, [17/x]
sans jamais parler d’agression ou de viol.
Lorsque l’on demandait aux hommes s’ils auraient pu poursuivre des stratagèmes équivalents pour coucher, 50 % répondent par l’affirmative. [18/x]
Lorsqu’on leur demande s’ils seraient prêts à coucher avec la femme en disant clairement « qu’elle n’est pas d’accord », s’ils sont certains que cette dernière ne portera pas plainte, 30 % répondent par l’affirmative… [19/x]
Alors, on pourrait dire qu’un échantillon de 150 personnes est un peu faible pour faire des plans sur la comète. C’est vrai, mais l’expérience avait déjà effectuée à plusieurs reprises dans les années 1980 avec des résultats équivalents. [20/x]
Si, en plus, on considère qu’il y a dû y avoir de l’auto-censure au vu de la question posée, c’est particulièrement inquiétant. Cela montre que beaucoup d’hommes considèrent le consentement comme quelque chose d’optionnel, [21/x]
et que d’autres n’ont pas conscience du non-consentement de leurs partenaires.
Et même pour ceux qui se soucient du consentement, nous vivons dans une société qui en donne une conception très large, bien éloignée du ressenti réel. [22/x]
Ainsi, beaucoup de personnes vont considérer qu’être en couple vaut consentement automatique (lorsqu’une personne est violée par son partenaire, elle se verra très souvent répondre : « Mais, vous étiez en couple, non ?... » [23/x]
- alors que près d’un quart des femmes violées l’ont été par leur conjoint, selon l’enquête Virage). [24/x]
[NB 2020 : c'est quelque chose qui ressort chez Astronogeek lorsqu'il se justifie dans un tweet en disant que dans un couple sain, on se désire forcément, semblant considérer inenvisageable de pouvoir se faire "rembarrer", au vu de la question qu'on lui pose.] [25/x]
Qu’une femme qui dit « non » ne veut pas dire « non », mais cherche à se faire désirer.
Lorsqu’un refus n’est pas clairement dit mais que la personne se laisse faire (parfois par sidération – pour en savoir plus : frama.link/yATzywo2 ), [26/x]
on va considérer qu’elle est consentante « par défaut ». De plus, beaucoup de violeurs/agresseurs vont penser être désirés car ils verront de la communication non verbale là où il n’y en a pas. [27/x]
Un autre point qui me paraît important : dire « Oui » à une relation sexuelle ne suffit pas pour qu’elle soit désirée, car les femmes peuvent avoir des pressions de multiples natures (financières dans le cas des prostituées, mais cela peut aussi être [28/x]
par sentiment d’obligation dans le cadre du couple, ou par peur de subir des violences en cas de refus, ou parce qu’un stress post-traumatique entraîne une incapacité au refus, etc.). [29/x]
Et les conséquences psychologiques ou physiologiques d’une relation non désirée sont parfois les mêmes que pour une relation non consentie… [30/x]
Une conséquence qui va de soi : Il ne faut plus que l’éducation sexuelle se limite à « comment ne pas choper de MST ou ne pas tomber enceinte », mais qu’il y ait un apprentissage de ce qu’est le consentement et le désir, [31/x]
de la nécessité de les respecter, des conséquences que peut avoir des relations non consenties ou non désirées (stress post-traumatique, etc.) afin que de nombreux hommes arrêtent de considérer le consentement ou le désir de leur partenaire comme peu important, [32/x]
mais aussi pour que de nombreuses femmes arrêtent de penser que leur propre désir passe forcément après celui de leur partenaire.
Pour conclure, quelques chiffres sur l’ampleur des dégâts.
[33/x]
Dans un sondage Ifop très récent (2018), 12 % des femmes déclarent avoir été violées, dont 5 plusieurs fois, avec 62% d’entre elles affirmant n'en avoir même pas parlé à un proche. [34/x]
L’enquête VIRAGE (2015, France) estime qu’environ 43 % des femmes violées l’ont été dans le cadre de la famille ou des proches (hors couple), 23 % dans le cadre d’un couple, 25 % par un ex-conjoint, 5 % dans le cadre des études, 24 % dans des espaces publics ou autres [35/x]
(le résultat est supérieur à 100 % car de nombreuses femmes ont été violées plusieurs fois). On voit que la plupart du temps, les viols sont le fait de personnes connues par la victime, et, on peut le deviner, [36/x]
aussi par les proches de la victime, ce qui rend d’autant plus difficile le fait de parler du viol ou de le dénoncer. Parmi les hommes violés, beaucoup moins nombreux, on retrouve 57 % de victimes au sein de la famille ou des proches (hors couple), [37/x]
et 42 % dans les espaces publics (les autres lieux/causes étant négligeables).
Nous pouvons alors être sûr d’une chose : nous avons toutes et tous des amies qui ont été violées, que nous le sachions ou non. [38/x]
Et, c’est probablement encore plus dur à entendre, mais nous connaissons probablement aussi tous un ou plusieurs violeurs, qui ne sont pas forcément des monstres et peuvent même être des personnes charmantes, [39/x]
et ça, en général, nous ne le savons pas, car la culture du viol est aussi celle du déni et du silence. [40/40 - Fin]
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