[Thread] En fait, il y a plein de choses à dire sur ce livre, qui met Michel Foucault, Guy Debord et Jean Baudrillard dans un shaker et qui secoue très fort... 🔽
Le "Bloom" c'est selon les auteurs, l'air du temps dans lequel nous baignons. Une époque dominée par le Biopouvoir de Michel Foucault, et la Société du Spectacle de Guy Debord, caractérisée par plusieurs traits :
- L'ennui
La tonalité fondamentale du Bloom. On est en recherche de « sensations fortes » ou de « l'intensité vécue ».
- L'isolement
Le Bloom est cette « indifférence saine et polie », où nous devenons de « parfaits étrangers » les uns pour les
autres.
Exemple : les transports en commun, le TGV, où l'on vit côte à côte sans interagir ni se perturber.
- L'absence de sens commun
Dans cette société anonymisée et individualiste, nous ne reconnaissons plus de « puissance commune, devenue inqualifiable car anonyme ».
- La socialisation totale de la sphère privée
Nous ne vivons pas un repli sur la sphère privée, mais le contraire : notre vie privée est définie par ce que nous consommons, notre personnalité calquée sur les séries Netflix, etc.
Et l'on sort faire ses courses en pantoufles.
- Un rapport à soi altéré
Le rapport de consommation s'étend désormais à l'intégralité de l'existence et de l'existant.
Chacun se fait marchandise, travaille davantage sur son image que sur soi.
Instagramisation de l'humain.
- L'impersonnalité
Notre époque, le Bloom, est avant tout impersonnelle. Il n'y a entre nous que des différences d'image, dénuées de fond.
Nous sommes plongés dans une rivalité mimétique où est célébré un « fétichisme de la petite différence ».
- L'absence d'expérience
« Les hommes ne font jamais l'expérience d'événements concrets, mais seulement de conventions, de règles ».
Nous n'avons plus aucun rapport direct avec le réel. Notre expérience de vie est composée à 90% de jeux-vidéos et de séries Netflix.
Tiqqun aborde ensuite les deux derniers traits caractéristiques du Bloom, surement les plus importants, et qui définissent le mieux notre époque :
l'identification à des pseudo-rôles et l'absence de racines.
- L'identification à des pseudo-rôles
Aujourd'hui, après les mutations de l'organisation du travail (notamment au cours des trois dernières décennies : flexibilité, polyvalence, 'autonomie'), il est impossible pour l'homme de s'identifier à sa fonction sociale.
Personne ne se définit sérieusement comme "chef de projet", "brand architect", "chief happiness officer" ou "community-manager".
On s'identifie donc à de pseudo-rôles, pour combler ce vide.
Là, on touche le point fondamental de notre époque, où les gens ajoutent leur race / genre / sexualité / religion dans leur bio Twitter, car il n'y a plus que ces breloques pour les définir.
Plus personne n'est réellement quoi que ce soit : on joue au père, à la mère, au cadre supérieur, au prof de philo, à la caillera.
- l'absence de racines
Là ils deviennent un peu christiques.
"Et cette vérité, c’est que nous sommes les locataires d’une existence qui est un exil dans un monde qui est un désert, //
// que nous y avons été jetés, dans ce monde, sans mission à accomplir, sans place assignée ni filiation reconnaissable, en abandon. Que nous sommes à la
fois si peu et déjà de trop."
En conclusion, "le Bloom est la pauvreté au sens métaphysique du terme, l'homme du nihilisme accompli".
Leur constat est très Baudrillardien :
« Il est tout simplement grotesque de vouloir s'établir en
deça du Spectacle. »
« Tous les ailleurs vers quoi nous pourrions fuir ont été liquidés, nous ne pouvons que déserter à l'intérieur de
la situation. »
En revanche, leur solution potentielle, à travers Tiqqun et le Comité Invisible de Julien Coupat, est un véritable manifeste accélérationniste : le système porte en lui les graines de sa propre destruction, et il convient d'accompagner le mouvement.
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Les campus US pratiquent une psychothérapie inversée sur leurs étudiants : ils leurs inculquent des théories qui renforcent leurs idées négatives, et les rendent dépressifs et impuissants 🧶⤵️
Et c'est la santé mentale des "jeunes femmes de gauche" qui s'est effondrée le plus vite à partir de 2012, année-charnière... Pourquoi ?
Les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) sont une forme de psychothérapie où l'on cherche à reconnaître et corriger les ruminations et les schémas de pensée automatiques négatifs.
Des "sensitivity readers" sont repassés sur l'oeuvre de Roald Dahl, en supprimant tous les mots dangereux dans Charlie et la Chocolaterie ("gros" et "fou" par exemple).
Et ces versions révisionnistes seront les seules disponibles dorénavant...
Comme on peut le voir, non seulement ils ont supprimé tous les gros mots qui pourraient blesser les feelings des lecteurs (comme "pistolet"), mais ils ont carrément réécrit des phrases entières (en les dénaturant, évidemment).
Thread complémentaire : les 18-25 ans sont en train de réenchanter le monde (c'est à dire qu'ils ont parfaitement intégré que c'est normal de tuer quelqu'un qui "a mal parlé" sur la "religion") :
Lorsque vous créez une oeuvre, demandez-vous toujours si elle aurait pu être remplacée par autre chose : par exemple, Apocalypse Now ou le Parrain auraient pu être des opéras.
Si ce que vous êtes en train de faire pourrait être un tract, faites plutôt un tract.
Autre sujet : lorsqu'on voit les budgets accordés et le nombre de films sortis en un an, l'Etat a la capacité de bâtir un mini-Hollywood, une Cinecitta II.
Mais il faut d'abord mettre en place une machine rentable, ça attirera les cinéastes talentueux et ambitieux.
Sur les 3633 emojis existant en 2022, 131 ont chacun 6 variantes pour les couleurs de peau.
Ça veut dire que plus de 20% du lexique de ce néo-langage est dédié au concept de « race humaine ».
Les emojis vous incitent à penser le monde dans un cadre explicitement racialisé.
Ironie : à l’origine les emojis s’inspirent du Smiley, visage simpliste de couleur jaune qui doit justement son succès au fait que c’est une couleur neutre, donc universelle.
Plus la représentation d'un personnage est simple et abstraite, plus un nombre important de personnes peut s’y identifier.
Plus on va vers le particulier, moins on touche de monde, plus on sépare, plus on cloisonne, plus on tribalise.
Le 15 septembre 1921, il y a 101 ans, était exécuté Roman von Ungern-Sternberg, le "Baron Fou".
Un aristo Autrichien qui va se tailler un empire en Sibérie en voulant reformer la Horde d'Or de Genghis Khan.
Il apparaît notamment dans "Corto Maltese en Sibérie".
Le 13e dalaï-lama décrivait Ungern-Sternberg comme une émanation de Mahakala (divinité courroucée du bouddhisme tibétain).
Lui-même se surnommait le Dieu de la Guerre...
Vétéran de la WWI (en Galicie) et de la guerre civile russe (côté Blanc), il réussira à fédérer une"Division de cavalerie asiatique" : 2000 cinglés venus de toute la Steppe, Cosaques, Mongols, Bouriates, Kalmouks, Kazakhs, Bachkirs et même Japonais.