Thread by @cathfournier

Bonjour à tous. L'audience va bientôt reprendre au procès des #AttentatsJanvier2015 Aujourd'hui, la cour d'assises spéciale se penche sur l'assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge

L'audience est ouverte. Elle commence par l'audition de la maman de Clarissa Jean-Philippe #AttentatsJanvier2015

"Ma fille voulait vivre, elle avait beaucoup d’ambition d’être policière, toute sa vie c’était ce qu’elle voulait faire.
Elle a pas pu continuer..." #AttentatsJanvier2015

Clarissa Jean-Philippe "était à l’école en Martinique, ensuite elle a passé son BAC puis a décidé de venir en métropole à l’âge de 19 ans avec ma soeur, c’était une fille impressionnante". C'était l'aînée d'une fratrie de deux enfants #AttentatsJanvier2015

Elle revenait en Martinique pour les vacances. Elle disait "Ma Martinique, ce sera tjrs ma Martinique à moi". Elle avait 26 ans et un compagnon quand elle a été tuée. Avant d'intégrer la police municipale, elle était agent de sûreté à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil

"En 2015 elle voulait passer le concours de police nationale, elle n’a pas eu le temps de le faire car on lui a ôté la vie". Elle a appris la mort de sa fille par un ami à 6h du matin. Il m'a dit 'on a enlevé Clarissa, on tué Clarissa'"

"Je suis tombée". Elle est restée inconsciente pendant deux heures. Au réveil, elle voit plein de monde chez elle, demande ce qu'il se passe. Le maire lui redit que sa fille est morte. "Je pleurais j’avais les jambes qui tremblaient." #AttentatsJanvier2015

"Ma famille et la municipalité de Sainte-Marie m’a aidée pour venir rapidement en métropole." Elle y reste deux semaines avant de rentrer pour les obsèques en Martinique #AttentatsJanvier2015

Clarissa Jean-Philippe, "on l’appelait la petite gazelle, elle faisait de l’athlétisme. On lui a ôté la vie trop jeune" #AttentatsJanvier2015

sa mère ne travaille plus depuis la mort de sa fille (elle gardait des enfants) à cause de pb de santé. "Toute la maladie m'est tombée dessus." Elle a des pb de tension (elle avait 22 en 2015) et deux cancers. Elle n'a pas pu venir plus tôt au procès à cause de la chimiothérapie

"Les gens qui ont fait ça, même s’ils sont morts, ils ont des complices. Moi je cherche la vérité pourquoi ils ont tué ma fille. Pour moi la personne qui a donné l’arme, c’est elle la plus coupable" #AttentatsJanvier2015

"La veille de sa mort, je lui ai parlé, je lui ait dit de faire très attention après Charlie Hebdo. Elle m’a dit 't’inquiète pas', on nous a donné des gilets par balle mais le gilet par balle a servi à rien" #AttentatsJanvier2015

"Depuis cinq ans ans, je bois plus de café car au moment où j’ai appris la mort de ma fille, le café est tombé." Quand elle a vu les images à la télé, "je ne pouvais regarder, j’ai éteint la télé" #AttentatsJanvier2015

Le corps de sa fille n’a pas pu être exposé très longtemps en Martinique comme le veut la tradition, en raison de ses blessures. "ça n’était pas beau à voir, je ne voulais pas que les gens la voient comme ça" #AttentatsJanvier2015

"Elle me manque tout le temps je ne peux pas vivre sans ma fille." Elle lui a consacré une pièce dans la maison. "Dans le salon j’ai toutes ses photos, je fais ma prière pour elle" #AttentatsJanvier2015

Des photos de Clarissa Jean-Philippe sont projetées sur le grand écran. On la voit dans un fauteuil en osier,
en tee-shirt avec un chapeau, à la piscine, en robe de soirée "à la sortie du cinéma", en écolière... #AttentatsJanvier2015

Sa cousine germaine, gendarme de profession, vient témoigner elle aussi : "on a grandi ensemble, passé nos vacances ensemble, on avait des liens de cousines très forts, son premier baiser avec un garçon j’étais présente, c’est injuste, tragique" #AttentatsJanvier2015

"Ma tante qui est dans la police nous a peut être donné cette impulsion professionnelle pour se tourner vers ces métiers de forces de l’ordre. Clarissa était vraiment fière, elle devait recevoir son diplôme de policière peu de temps après sa mort" #AttentatsJanvier2015

"A ce moment là de sa vie, Clarissa était vraiment épanouie professionnellement. C’était quelqu’un d’exceptionnel elle méritait pas ça". Elle craque. "Excusez moi" #AttentatsJanvier2015

"C’est difficile de laisser toute sa famille et de partir à des milliers de km, ça représente un grand pas pour quelqu’un des DOM, on fait ce pas là en sachant qu’on part pour des choses aussi meilleures, bien, qui vont nous rendre fières, rendre fières nos familles"

L'ex-collègue de Clarissa Jean-Philippe, son binôme, est entendu à son tour. Il revient sur cette journée du 8 janvier. "Nous avons commencé notre service à 6h du matin, nous étions quatre. Puis il y a un accident de la circulation matériel" #AttentatsJanvier2015

"Nous arrivons sur place, nous garons le véhicule. Nous parlons de la veille, de ce qui s’est passé à Charlie, on se demande où ils se sont passés. Vers 7h55-8h, on discutait avec Clarissa j’entends un bruit, un claquement, crrr crrr" #AttentatsJanvier2015

"Je lui dis, c’est bizarre il y a un bruit d’armement. On se retourne et on voit une masse noire, il vient vers nous, on entend encore un bruit et pah ! Je suis assourdi, on se disperse un peu partout, j’appelle tout de suite mes collègues 'on nous a attaqué on nous a attaqué"

"Je vois mon collègue du service propreté se batte avec cet homme et la seule chose que j’ai autour du ceinturon, c’est un tonfa, une bombe lacrymo et des menottes. Je sorts le tonfa, j’arrive vers lui, il se dégage et part vers Chatillon, je le poursuis, je fonçais je fonçais"

Amedy Coulibaly s'enfuit. "Je suis sportif mais il avait une bonne foulée. Je me dis 'ma collègue où elle est?' Je fais demi tour et je vois ma Clarissa à terre." Il craque. "Je lui dit 'ça va aller ça va aller'". #AttentatsJanvier2015

"J'ai dit 'appelez la police, appelez la police'. Puis je dis à Clarissa 'les secours sont appelés, tinquiète, ça va aller'. Je me dis 'c’est pas possible c’est surréaliste'. Ma cheffe m’a dit de refaire la circulation et après j’ai été pris en charge" #AttentatsJanvier2015

"C’était une fille extraordinaire, gentille elle donnait tout. Elle adorait son travail, on était une bonne équipe." #AttentatsJanvier2015

Son collègue a été en accident de travail pendant 6 mois, a vu plusieurs psychologues et psychiatres. "Je pouvais plus revenir sur la commune de Montrouge, j’ai quitté la région parisienne pendant deux mois" #AttentatsJanvier2015

"Aujourd'hui, ce policier municipal travaille toujours à Montrouge. Depuis 2019 les effectifs ont triplé, nous sommes une vingtaine, de 6h à 22h, nous sommes maintenant armés, c’est une très bonne chose. On était nus monsieur le président ce jour là" #AttentatsJanvier2015

Au juge d’instruction, ce policier avait dit "j’ai pas perdu une collègue mais une amie". Il confirme aujourd'hui à la barre, très ému : "C’est ma force du matin pour aller travailler, elle est à côté de moi" #AttentatsJanvier2015

L'avocat de la famille Clarissa Jean-Philippe fait remarquer que les frères Kouachi, eux, avaient dit qu'ils ne tuaient pas les femmes (ils ont tué Elsa Cayat). "Est ce qu’on tue la femme ou le symbole ce jour là ?" "On tue le symbole je pense", répond le policier

Eric, l'agent du service propreté de la ville de Montrouge, devait être entendu ensuite mais il ne viendra pas, fait savoir son avocate. Il a été blessé par Amedy Coulibaly au visage ce 8 janvier 2015 #AttentatsJanvier2015

Son collègue Laurent, chef d’équipe au service propreté de la ville de Montrouge, vient de raconter d'une traite à la barre comment il s'est battu avec Amedy Coulibaly. Je vous retranscris son témoignage incroyable #AttentatsJanvier2015

"Je sens comme si quelqu’un est en train de fouiller dans ma poche, la manche gauche de Coulibaly me touchait il était juste là, j’ai vu l’écusson de sa doudoune, j’avais la même, je le vois faire un petit pas en arrière et sortir une arme de guerre" #AttentatsJanvier2015

"Il a tiré immédiatement, je me rappelle avoir été focalisé sur le bout du canon car il y avait des étincelles j’avais jamais vu des armes de guerre tirer, c'était plutôt type feu d’artifice pas des flammes comme dans les films" #AttentatsJanvier2015

"Pour moi c’était une blague, avec la main droite j’ai tapé sur le canon de l’arme, j'ai dit 't’es con ou quoi tu fais des blagues comme ça avec ce qui s’st passé hier'"? #AttentatsJanvier2015

Là, il voit son collègue blessé au visage. "Il avait la tête ovalisée, avec des bouts de mâchoire qui pendaient, il pissait le sang, sa tête était explosée. Je comprends pas que c’est un attentat, j’était en état de haine" #AttentatsJanvier2015

"Je me trouve face à Coulibaly, je me suis dis 'si je fais demi tour, il est à la distance pour m’abattre donc il faut que je lui fonce dedans'. Dans mes souvenirs, j’ai la main gauche accrochée au canon, il tire, je tire le gars est balaise" #AttentatsJanvier2015

"Il est sur le trottoir et moi je suis sur la voie de bus, je vais me retrouver à genou avec la kalach dans ma main, le me dis 'si tu lêches t’es mort, si tu lâches t’es mort'. C’est là qu’il a prononcé la seule phrase 'tu veux jouer tu vas crever'" #AttentatsJanvier2015

"Avec une autre main, il a plongé sa main dans sa doudoune, comme j’avais plus la force de saisir son poignet j’ai attrapé la bas de sa manche je me suis aperçu qu’il sortait un pistolet automatique" #AttentatsJanvier2015

"Dès qu’il amenait l’arme vers moi, je voyais le canon du pistolet qui passait devant ma tête, ça lui est monté à la tête, il arrivait pas à se défaire de moi, il a tiré son bras et m’a mis un gros coup sur la tête" #AttentatsJanvier2015

"J’ai pas perdu connaissance mais il m’a quand même assommé, j’avais les mains a terre pendant deux secondes, j’ai regardé le canon et après je l’ai regardé dans les yeux, je me suis dit que c’était fini, ça a duré une ou deux secondes" #AttentatsJanvier2015

L'arme s'est enrayée. "Il a rangé ses trucs, a fait demi-tour, et il est parti en courant. J’ai vu Clarissa" #AttentatsJanvier2015

"A votre avis qu’est-ce qu’il venait faire ?", lui ont demandé les policiers. "J’avais déjà cogité sur quelle pouvait être la cible. J’ai tout de suite dit la seule cible qu’il y’a dans le quartier c’est une école juive" #AttentatsJanvier2015

"Dès le départ, j’y ai pensé l’horaire correspondait, la direction dans laquelle il descendait correspondait.
Pour moi, je pense qu’il avait repéré les lieux à l’avance et qu’il avait repéré les lieux trop tôt." #AttentatsJanvier2015

"En admettant qu’il doit arrivé à 7h30, y’a personne à 7h30 devant l’école. Je pense qu’il est arrivé à l’avance, il a vu qu’il y avait personne, s’il restait statique, il y avait une grande chance qu’une patrouille de police le contrôle avec sa kalach sous sa doudoune"

"Il a fait un tour pour laisser passer 10 -15 minutes et redescendre vers sa cible initiale. Il y a du terrorisme opportuniste mais on peut pas comparer ça avec les attentats de janvier. On peut pas venir dans un quartier comme ça sur-armé en se disant je verrai sur place"

"Ce qu’il a fait le lendemain (l'Hyper Cacher), c’est une preuve de plus. L’accident qu’a eu cette femme, c’est ce qui a fait qu’il a pas pu atteindre sa cible initiale. Son timing était plus le bon" #AttentatsJanvier2015

"J’avais encaissé l’attaque, le lundi à 6h du matin j’étais à mon poste de travail. Mais le 13 novembre, j’ai sombré psychologiquement. J’ai appris que le seul survivant du commando (Abdeslam) s’était caché dans une cage d’escalier à 200 m de chez moi à Montrouge"

Après "j’apprends que la ceinture d’explosifs est laissée à Montrouge. Je pensais que Daesh ils avaient un bureau dans la rue, ils habitent ici ou quoi ?" #AttentatsJanvier2015

Lui aussi en veut aux "médias qui ont balancé mon nom de famille, mon lieu de travail. Depuis le 9 janvier, il se sent une cible" #AttentatsJanvier2015

"J’ai plus vraiment de vie, de passion, je faisais beaucoup de chose avant ça, maintenant dès que j’ai du temps libre je suis sur internet, je regarde des histoires de terrorisme, y’a plus rien d’autre qui m’intéresse, j’arrive plus à me sortir de ça" #AttentatsJanvier2015

En plus de "l’hypervigilance, j’ai un rapport à l’agressivité qui a changé. Avant, j’étais le diplomate au boulot maintenant je peux monter très rapidement en pression, dès que je me sens menacé, s'il y a un accrochage en voiture, j’arrive pas à gérer" #AttentatsJanvier2015

"ça a changé tellement de choses je vis constamment dans ce sujet là j’ai été obligé de quitter mon ancienne compagne de 25 ans, j’étais quelqu’un d’autre, on devient un caillou du jour au lendemain, au bout d’un an je suis parti, je pouvais plus la voir souffrir"

"J’ai essayé d’aller voir des psys mais je suis pas un bavard à la base, j’enterre. ça me refaisait penser (aux faits) à chaque fois. Je n’ai pas encore trouvé la solution pour sortir de ça" #AttentatsJanvier2015

"Je préfère mourir en me battant que de lui offrir ma tête comme ça. Tuer des innocents non armés...J'ai pas peur de ces gens là moi. Je suis contre la guerre en général. Pour moi la vie elle a la même valeur partout, tout le monde devrait penser comme ça"

"Je me suis pas vu lui sauter dessus, c'était un réflexe avec un mélange d’adrénaline, d’hypoglicémie, de haine. Pendant quelques minutes je suis devenu fou, pour moi c’est même pas de l’héroïsme c’est probablement ça qui m’a sauvé" #AttentatsJanvier2015

Sur Clarissa Jean-Philippe, il se dit : "Il y a eu un delta d’une seconde avant qu’il ne tire, on se dit 'j’aurais pu faire mieux'" #AttentatsJanvier2015

Une enseignante de l’école juive lui a envoyé un courrier pour le remercier de son action. A l'époque, il dit qu'on lui avait interdit de penser à cette hypothèse. Mais "quand on a un peu de jugeotte"... #AttentatsJanvier2015

Il décrit Coulibaly ce jour là : "Son visage c’était comme de la cire, il n'y avait aucune expression, mais il avait une espèce de joie dans le regard. J’ai même pas senti de haine dans sa voix qd il a dit 'tu veux jouer tu vas crever', c’était militaire" #AttentatsJanvier2015

"J’en ai marre de cette histoire ça fait cinq ans c’est une des raisons pour lesquelles je suis venu témoigner ici, comme un exutoire. J’attends de retrouver ma vie d’avant, mes passions, me sentir à l’aise avec des gens" #AttentatsJanvier2015

"Ne plus, quand je rentre dans un restaurant, regarder si les cadeaux sont bien pointus pour anticiper une situation. On vit constamment là dedans, j’espère que ça va me faire du bien, retrouver ce côté diplomate d’avant je sais très bien qu’il y aura des séquelles"

L'audience est suspendue, elle reprendra à 14h15 #AttentatsJanvier2015