En préambule, dans ce fil, il va être question de niveau de ploïdie et aussi de méiose. Si vous n'êtes pas familier avec ces concepts, je vous encourage vivement a lire en premier les fils suivants
Et aussi cette video de @Matadon_ sur la polyploïdisation
Le murier noir est originaire d'Asie et possède une place unique au sein des phanérogames (plantes à fleurs et à cônes) car il possède un niveau de ploïdie très élevé (22x), on parle de decosaploïdie ou docosaploïdie (j'ai vu les 2 utilisés indifféremment).
Le murier noir est ainsi la plante a fleur qui possède le plus grand nombre de chromosomes décrit à ce jour avec 308 chromosomes. Les analyses cytologiques du nombre de chromosomes ont permis d'identifier des gamètes avec 154 chromosomes confirmant les comptages précédents
J'ai tenté tant bien que mal de délimiter les 4 gamètes issus de la méiose chez Morus nigra ou les auteurs ont pu dénombrer 154 chromatides
D'ailleurs si vous voulez trouver le nombre de chromosomes de votre espèce préférée , il y a une base de données pour ça : Chromosome Counts Database (CCDB)
Aussi surprenant que cela puisse paraitre faire une méiose (division spécialisée qui permet la production des cellules sexuelles et donc la réduction par 2 du stock chromosomique) avec autant de chromosomes ne
pose pas particulièrement de problème avec une fertilité des grains de pollen de 85% et un % assez faible de méioses anormales.
L'apparition d'un tel niveau de ploïdie chez Morus nigra reste a ce jour difficile à expliquer. On sait que la poylploïdisation (augmenter le nombre de chromosomes) est une processus qui produit des génotypes radicalement différents et l'observation de ces
phénomènes aujourd'hui montre a quel point ces changements ont conférés aux individus qui les portent des avantages sélectifs.
Magnifique illustration de la maxime de Theodosius Dobzhansky
" Nothing in Biology Makes Sense Except in the Light of Evolution "
" Rien en biologie n'a de sens, si ce n'est à la lumière de l'évolution "
Dans le genre Morus, différents niveaux de ploïdie peuvent être observés aujourd'hui ,
Morus alba est diploïde avec 28 chromosomes (14 paires) noté 2x,
Il faut retenir que ces 14 paires de chromosomes vont être le module de base de construction de toutes les espèces de Morus
Morus laevigata (anc. Macroura) est tétraploïde avec 56 chromosomes (2x14 paires) noté 4x (2 fois les paires)
Morus serrata et teliaefolia sont hexaploïdes avec 84 chromosomes (3x14 paires) noté 6x (3 fois les paires)
Morus cathayana est octoploïde avec 112 chromosomes (4x14 paires) noté 8x (4 fois les paires)
Morus nigra est docosaploïdie avec 308 chromosomes (11x14 paires) noté 22x (11 fois les paires)
Ces chiffres sont des grandes tendances en fonction des populations observées mais il existe des variations au sein même des espèces avec par exemple Morus cathayana que l'on peut retrouver sous différents états (4x, 6x, 8x) avec une
ressemblance avec Morus nigra plus marquée au niveau phénotype général pour les octoploïdes.
On a donc a notre disposition une série de ploïdie avec les premiers niveaux ... comment arrive t on a 22x ??
Les hypothèses sont peu nombreuses et il faut avouer que les sources sont parcellaires ... travailler sur le Morus nigra après les années 2000 c'est rare ...
Voici donc des propositions de scénarios que j'ai pu trouver et émises dans les années 50 : prenez un crayon et si quelqu'un arrive a faire un schéma, je le rajouterai a la fin du fil ... j'ai échoué à en faire un suffisamment clair dans le temps imparti
trop de chaussettes !
l'essentiel se base sur un croisement entre un parent hexaploïde (6x) et un parent octoploïde (8x). Ce croisement donne normalement un individu heptaploïde (7x), ce dernier présente une fertilité réduite (cf fil triploïdie) et un doublement chromosomique est nécessaire pour
restaurer la fertilité (cf fil resynthèse espèce) et ainsi obtenir un individu 14x (7x14 paires soit 196 chromosomes), cet individu pouvant a son tour être le parent d'un croisement avec un individu 8x (et seulement si les 2 gamètes sont non réduits, ie sans diviser par 2
le stock chromosomique lors de la méiose) aboutissant a un individu 22x et 308 chromosomes ... l'ancêtre du Morus nigra actuel.
Un autre scénario tout aussi probable est le passage par la production de gamètes non réduits du parent 8x (cf fil resynthèse espèce) lors du croisement avec un parent 6x donnant un individu 11x qui va subir un doublement chromosomique ayant pour
conséquence de restaurer sa fertilité aboutissant a un individu 22x ... l'ancêtre du Morus nigra actuel.
Ces 2 scénarios sont autant probables. En effet des études sur Morus alba et Morus cathayana montrent qu'environ 10% des grains de pollen produits chez des individus tétraploïdes sont des gamètes non réduits.
On peut donc imaginer que des gamètes non réduits sont probablement a l'origine de variétés cultivées actuelles de Morus alba triploïdes (3x). De tels événements ont pu être constitutifs de la formation de la lignée de Morus nigra.
L'avantage sélectif conféré par cette augmentation très significative du nombre de chromosome chez Morus nigra reste à ce jour inconnu ... du moins pas autant que les autres événements de polyploïdisation qui ont jalonnés l'histoire des
végétaux et qui ont un avantage bien identifié : une nouvelle variabilité génétique utile et nécessaire à toute adaptation, variabilité qui a été largement utilisée en amélioration des plantes.
Mais pourquoi Morus nigra a spécifiquement connu cette augmentation si spectaculaire du nombre de chromosomes ? ...
La découverte de chromosomes surnuméraires en 1907 chez la Punaise américaine de la Floride (Acanthocephala terminalis) est confirmée en 1915 chez le maïs. Il seront nommés chromosomes B en 1928 lors de travaux également chez le maïs.
Les chromosomes B sont présents chez de nombreuses espèces, comme les champignons (environ 10 espèces recensées) , les animaux (environ 500 espèces recensées) et les plantes (environ 1400 espèces recensées).
Bravo a toutes et a tous, les 4 réponses étaient valables, en effet cette nouvelle publication permet d'apporter un nouvel éclairage sur la domestication et la sélection de la carotte
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L'article publié cette année permet de préciser les mécanismes de domestication et de création de variétés cultivées
Je ne m'étendrai pas sur la partie qui parle de l'assemblage & l'annotation d'un génome de référence de qualité supérieure à ce qui était disponible jusque là
1- Identification de la structure des populations de carotte
Les autrices et auteurs ont séquencé 630 génomes issus de
- 95 carottes sauvages
- 533 variétés cultivées (cultivar et variétés de pays)
- 2 espèces apparentées : Daucus syrticus et Daucus sahariensis
La fécondation à l’intérieur d’une fleur fermée est appelée la cléistogamie, elle reste minoritaire dans le monde végétal où la chasmogamie (fécondation d’une fleur plus ou moins ouverte) reste la règle, mais est observée dans de nombreuses familles suggérant un avantage sélectif
Chez la violette odorante on observe ainsi 2 types de fleurs :
les fleurs ouvertes qui sont bien visibles et de couleur très caractéristique
L'agave bleu (Agave tequilana / Agave angustifolia ssp. tequilana cv azul Web) est une des nombreuses espèces d'agave (environ 200) qui sont pour la plupart originaires du Mexique.
Son utilisation très ancienne dépasse largement la seule production d'alcool, si ces considérations ethnobotaniques vous interessent, je vous conseille la lecture de cet article tela-botanica.org/2019/08/lagave…