Puisque la figure angélique du mythique Gagarine est partout à la une, permettez-moi de vous parler d'un autre homme sans qui le vol de Gagarine n'aurait jamais eu lieu: Sergueï Korolev, la tête pensante de la conquête spatiale soviétique. ➡️
Nous sommes en 1938. Gagarine a 4 ans. Korolev en a 32. Issu de la petite bourgeoisie ukrainienne, est un des ingénieurs les plus prometteurs de sa génération dans le domaine de l'aviation. Son équipe de recherche est arrêtée et condamnée pour sabotage trotskiste ➡️
Korolev prend 8 ans et part en camp à la Kolyma. Sa santé se dégrade terriblement. Sa mère et sa soeur font des pieds et des mains pour la révision de son procès. La révision a bien lieu en 1940, mais pas pour le disculper, car il sera condamné à nouveau. ➡️
Cependant, un miracle a lieu: Korolev sera envoyé purger sa peine dans le TsKB 29, encore appelé "Charachka Tupolev". Qu'est-ce qu'une charachka (charaga)? Il s'agit d'une prison-institut de recherche. Les détenus y travaillent en tant qu'ingénieurs, pour le bien de l'URSS. ➡️
La charachka Tupolev était un atelier-prison dirigée par Andrei Tupolev, un autre géant de l'aviation soviétique (ayant donné son nom à des avions), lui aussi détenu depuis 1937. L'atelier a conçu des avions de guerre et des armes ayant servi à l'URSS pendant la guerre. ➡️
La vie dans un institut de recherche-prison, où l'on travaillait le jour en dormant en cellule la nuit a sauvé la vie de ces hommes talentueux. Mais c'est effrayant de penser la dimension humaine de l'expansion de l'aviation de l'Union soviétique. ➡️
Tupolev sortira de la charachka en 1941, Korolev en 1947, mais sans que leur condamnation soit levée. Ils ne seront réhabilités qu'à la mort de Staline. Ils se consacreront ensuite en liberté à ce qu'ils faisaient déjà en prison. Et ça aussi, c'est assez effrayant à penser. ➡️
Korolev sera adulé pour ses projets spatiaux, dont le lancer de Gagarine dans l'espace en 1961 dans une fusée dont il est le concepteur. Mais c'est sur une note tragique que cette histoire s'achève ➡️
5 ans plus tard, Korolev meurt sur une table d'opération. Les médecins avaient tenté de l'intuber, sans succès. Il avait la mâchoire abîmée, cassée lors d'un interrogatoire en 1938.
En contemplant le sourire radieux de Gagarine, n'oublions pas la mâchoire fracassée de Korolev. ⏹️
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1,05 millions de personnes ont été mobilisées et servent aujourd'hui dans l'armée ukrainienne, a affirmé hier Oleksandr Litvinenko, secrétaire du Conseil de défense et de sécurité nationale d'Ukraine (institution relevant directement du président). 1/14 youtube.com/live/Z7ggedTKv…
Il n'est pas clair dans son allocution s'il s'agit de l'effectif des forces armées sur le front (mobilisés + contractuels) ou seulement de l'effectif des mobilisés. Supposons que c'est la première option: l'effectif total des forces sur le front.
2/14
Les statistiques officielles chiffrent à 11,5 millions le nombre d'hommes ukrainiens de 18 à 60 ans, à la veille de l'invasion russe.
L'armée compte aussi des femmes, mais on parle de quelques dizaines de milliers, faisons le calcul sans elles. 3/14stat.gov.ua/uk/datasets/ch…
Ne pas lire cet article superficiellement (comme un témoignage de défaitisme des Ukrainiens).
Avec une guerre qui s'installe dans la durée et les ressources qui arrivent au compte-gouttes, la question de l'engagement combattant change de nature. 1/10 lemonde.fr/international/…
Il ne s'agit plus de mobiliser toutes les ressources disponibles sur un temps court pour repousser l'ennemi en un mouvement. Il faut à la fois continuer à combattre sur le front, et continuer à vivre et faire marcher le pays à l'arrière. Ce qui génère une tension prévisible. 2/10
La mobilisation ou l'engagement volontaire qui ne prévoient pas de démobilisation avant la fin de la guerre génèrent un fort sentiment d'injustice. Il est inacceptable aux Ukrainiens de partir combattre avec leur mort comme seul horizon temporel, alors que d'autres... 3/10
Le drapeau rouge et noir, initialement celui du mouvement nationaliste ukrainien, a été endossé par le bataillon Pravy Sektor dès 2014. Ce bataillon a servi de figure de repoussoir aux médias russes (avant qu’Azov ne prenne sa place). Dans les faits, … 1/
… Pravy Sektor a été très divers dans son recrutement (j’ai fait plusieurs entretiens avec ses membres a l’époque), avec certaines branches assez idéologisées et d’autres pas du tout; des ukrainophones et russophones mélangés, et même une « unité juive » au sein du bataillon.2/
Des parties du bataillon sont désormais intégrées à l’armée, mais l’attachement au drapeau est bien là, ce qui explique sa présence sur les tombes des combattants de PS.
L’ancien drapeau nationaliste est donc bien relégitimé, tout comme le sont certains slogans. 3/
La ville de Lviv est loin de la zone de front. A peu près aussi loin qu’on puisse l’être en Ukraine. Mais tous les jours - tous les jours! - dans cette ville, on dit adieu sur la place centrale à un ou plusieurs combattants tués au front. 1/
Sur la place centrale - Ploscha Rynok - , des panneaux annoncent qui sera inhumé ce jour-là, avec une biographie du soldat. Une cérémonie a lieu dans l’église à côté, liée à l’armée et devenue un lieu de commémoration, avec de grandes affiches énumérant les victimes. 2/
En fin de matinée, le centre-ville s’arrête pour quelques minutes. Le cortège funéraire marque l’arrêt devant l’hôtel de ville, les passants se mettent à genoux, les serveurs sortent des cafés, et le trompettiste joue un hymne à l’honneur des combattants défunts. 3/
Une nlle mobilisation à venir en Russie?
Cet article est une bonne synthèse.
J'y ajouterais la question de l'envoi de jeunes conscrits au combat.
Contrairement à ce que l'on pense souvent, la législation permet à l'Etat russe d'envoyer des conscrits...1/7 theins.ru/en/politics/27…
... au combat. Sans aucun décret ni aménagement supplémentaire nécessaire.
Ne pas envoyer ouvertement en Ukraine les 260 000 jeunes hommes annuellement appelés sous les drapeaux est un choix purement politique, car le pouvoir connaît l'extrême sensibilité de la question. 2/7
Par exemple, cette enquête de Russian Field (mai-juin 2024) montre que 82% des Russes interrogés jugent inacceptable la participation de conscrits à la guerre. (Alors même qu'ils sont 57% à soutenir l'idée d'une seconde vague de mobilisation.) 3/7
Ces derniers temps, on entend à nouveau la petite musique de "plus d'Ukrainiens sont prêts à négocier avec les Russes"; "les Ukrainiens sont fatigués".
Ne transformons pas une description des évolutions de la société ukrainienne en désinformation. 1/
Les enquêtes donnent des chiffres différents d'Ukr en faveur de discussions avec la Ru.
L'enquête de Democratic Initiatives /Razumkov de juin 2024 évalue à 20% le nombre d'Ukrainiens qui sont prêts à DISCUTER avec la Ru sans conditions préalables. 2/ dif.org.ua/en/article/war…
(Le terme ukrainien "переговори" me semble être très imparfaitement traduit par "négociations". "Pourparlers de paix" me semble plus juste.)
La moitié des Ukr interrogés posent des conditions à ces discussions. 18% pensent qu'on ne peut pas du tout discuter avec la Russie. 3/