#1J1T (1) Essai n°1. En fait, je ne sais pas si c’est vraiment l’essai n°1, mais le poison qui circule dans mon sang, celui qui colore mes veines d’un vert maladif, me confirme que cet essai sera le premier dont je me souviendrai. Maintenant, il est temps de mourir. J’abandonne.
#1J1T (2) J’aimerais crier, hurler, mais l’air est impuissant à faire vibrer mes cordes vocales. Je sens encore le nœud de la corde écraser ma pomme d’Adam. Mon regard se pose sur les mains de cet enfant maigrichon. C’est moi. Ce sont mes mains. Ça a marché. Je me souviens.
#1J1T (3) Ses mains virevoltent sur le tableau noir, gribouillant des formules que je ne comprends pas, mais que j’ai vues dans ma vie précédente. C’est assez rigolo qu’il puisse puiser dans mes souvenirs. Malheureusement, je vais devoir l’emprisonner. Je dois guider sa vie.
#1J1T (4) Maudit enfant! Mon hôte refuse de m’obéir. Cet imbécile me rit au nez. Il se sert de mes connaissances pour concevoir des engins explosifs. L’imbécile. Si seulement il m’écoutait, je n’ai vu que des formules du professeur. Juste des formules. Il va nous faire exploser.
#1J1T (5) Le rouge bon sang! Pas le bleu! Le rouge, c’est pas compliqué! Mais il regarde son mentor, là-bas, au loin. Il tient un second détonateur dans sa main. Au cas où. Je/Il regarde la foule autour de moi/lui, ne se doutant pas que c’est leur dernier souper. Bang. Essai n°2.
#1J1T (6) Épouse et enfants. Parents et grands-parents. Amis et amies. Inconnus et inconnues. Tous morts. Je suis tombé dans la mauvaise personne, au mauvais moment, dans le mauvais pays. Je peux compter les secondes qui séparent ma nouvelle vie de ma mort prochaine. Essai n°3.
#1J1T (7) 1000 volts, et ses paupières restent inertes malgré l’atroce convulsion de notre corps. 2500 volts, nos paupières s’ouvrent, mais ils doutent. 5000 volts, et une odeur de chair brûlée le décide enfin à nous réveiller. Je n’ai jamais autant regretté revenir à la vie.
#1J1T (8) Je les entends. «Il ne remarchera plus». «Il ne respirera plus normalement». «C’est un légume pour le reste de sa vie». Et moi, je suis emprisonné dans ce corps qui vit, au sens médical du terme. Alors je retiens mon souffle. J’arrête son cœur. Essai n°3 enfin terminé.
#1J1T (9) Je m’éveille dans le corps d’une nouvelle star du cinéma. Les hôtesses gloussent de désir en passant près de lui. Ma chance, enfin! Tous les passagers s’extasient du silence des moteurs de cet avion qu’on inaugure. Oh. Non. Les moteurs ne tournent simplement plus. Non!
#1J1T (10) Stop! Expérimenter la réincarnation, oui, mais pas chaque jour. Je pensais naïvement devenir un bébé. Aujourd’hui, je tombe dans le corps d’un dépressif chronique. Il pleut des torrents. Il vient de se faire virer. Ça commence mal, mais je vais l’aider à survivre.
#1J1T (11) J’ai essayé, je le jure. La vie est belle, blabla, avec ses p’tits animaux mignons, surtout en cassoulet ou en ragoût. Les femmes, le sexe, ou les hommes, le sexe, vacances j’oublie tout. Mais non. Il entend des voix, ce qui est normal, c’est moi, mais il se croit fou.
#1J1T (12) La pendaison, c’est lent et douloureux. Mourir à cause d’une bombe, c’est pas éclatant. Mourir d’un virus, c’est con quand un vaccin existe. Mourir dans un crash d’avion, c’est comme être dans une montagne russe qui s’arrête pas. La défenestration c’est… l’essai n°5.
#1J1T (13) Le saut à l’élastique m’effraie. Se défenestrer est une sensation assez horrible. Mais le pire, c’est l’échec de cet essai n°5. Il reste une parcelle de vie en nous, insuffisante pour qu’ils ne nous enterrent pas. Je suis claustrophobe, aussi. C’est une mort pénible.
#1J1T (14) Lorsqu’il la regarde, son cœur bat 90 fois par minute, son taux d’oxygène sanguin monte à 99%, son rythme sinusal est à 75. Sa montre le confirme, il est amoureux. C’est suspect. Pour la première fois, j’atterris dans un corps qui sait que l’espoir fait vivre. Enfin.
#1J1T (15) C’était trop beau pour ne pas être inquiétant. Elle me souriait du plus beau sourire qui ait jamais existé. Elle serrait ma main de la plus douce étreinte qui ait existé. «Le Professeur t’attend, et c’est moi qui t’emmène». Comment… comment connaît-elle le Professeur?
#1J1T (16) Son bras gauche indique qu’on est en retard pour rencontrer le Professeur. Son bras droit pointe un 9 mm parabellum vers mon front. Je suis prêt à mourir et je refuse de bouger. Menaçante, elle est encore plus belle. Elle abat la crosse sur ma tempe. Je m’évanouis.
#1J1T (17) Je déteste les flashbacks, mais mon hôte, inconscient, laisse mes propres souvenirs resurgir. C’était moi, ça, ce vieil homme alité jour et nuit, les yeux fixant rien de bien précis. Un jour, le Professeur, à la recherche d’un cobaye, eut la chance de tomber sur moi.
#1J1T (18) Elle m’aimait tant, elle aurait donné sa vie pour que je survive. J’étais son héros au quotidien, l’époux aimant qui ne rechignait jamais aux besognes ménagères. Un jour de maladie, elle m’a vendu au Professeur pour quelques mornilles d’argent et noises de bronze.
#1J1T (19) Après être mort quelques fois, je vois la vie du côté positif : ça fait cinq jours que je ne suis pas mort. Être enfermé, pieds et poings liés, dans un coffre de voiture conduite par l’amant de la plus belle femme que j’ai connue, c’est quasiment positif. Quasiment.
#1J1T (20) Le moteur hoquette. L’amant maugrée. Un véhicule de gens bienveillants ralentit, ils proposent leur aide. L’amant crie. L’amante hurle. J’entends deux coups de feu. Les gens bienveillants volent, sans noter ma présence. Ils balancent l’auto dans la rivière. Essai n°6.
#1J1T (21) Mes yeux sont bandés. Où suis-je? Ou erre-je? Je suis cerné par deux hommes qui rient et me parlent amicalement dans une langue étrangère. Je comprends rien, mais ils tapotent dans mon dos, comme pour m’inviter à avancer. Que pourrait-il se passer de grave? Essai n°7.
#1J1T (22) Glou! Glou! Glou! Il maintient ma tête dans un liquide dont je ne perçois pas les nuances de brun. « Avoue! Avoue! » Je comprends la langue, mais il ne me laisse pas le temps d’avouer. Je suis prêt à tout avouer, mais il tire la chasse une fois de trop. Essai n°8.
#1J1T (23) Ah! Je vais mourir d’une crise cardiaque à me réincarner puis mourir aussitôt. J’essaie de ne pas trop fonder d’espoir sur mon nouvel hôte, mais… je pense que c’est mon jour de chance. Il est fou. Il pense que je suis Dieu, alors que Dieu c’est le Professeur, pas moi.
#1J1T (24) C’est triste, vraiment triste. J’ai empêché mon fol hôte de tuer son rival avec un fer à repasser trempé dans un chutney menthe et coriandre. On aurait été bons pour un séjour de quelques années dans une cellule capitonnée et, entre nous, ç’aurait été pire que mourir.
#1J1T (25) Jamais j’aurais cru qu’un fou aurait été aussi facile à maîtriser. Je le nourris de théories de complot et il gît, là, comme un enfant dans sa prison dorée, apeuré par le monde extérieur. J’ai honte, mais il faut ce qu’il faut, aujourd’hui je rencontre le Professeur.
#1J1T (26) Le Professeur n’est pas un homme ordinaire. Je me souviens de ce jour où il a caressé ma joue en me demandant si la vie éternelle m’intéresse. Mes yeux ont brillé d’avidité. Il m’a dit : oui, mais y’a un bug. J’ai dit : je m’en fous. Depuis, je meurs plus que je vis.
#1J1T (27) « Professeur, c’est moi! » Il continue à écrire, des deux mains, sur son grand tableau noir. « Alors, mon petit, comment apprécies-tu la vie éternelle? » Je le dévisage. « Pourquoi je meurs aussi souvent? » Il rigole, claque des doigts, et mon cœur cesse de battre.
#1J1T (28) Je regarde cette eau d’un bleu gardénia E165, elle reflète l’ombre de mon nouveau corps. Mon nouveau corps est mon corps d’origine! Suis-je au paradis? Enfin, ma vie éternelle? Elle avance vers moi, sur sa vespa d’un jaune gardénia E164. Est-elle Saint-Pierre?
#1J1T (29) Mon cœur bat pour elle. Je peux mourir d’amour pour elle, ici et maintenant. « Hum, ok, je vois. C’est toi le héros de cette histoire... » Je ne comprends pas son malaise. « Y’a comme un bug, tu vois. C’est moi qui te l’annonce. Netflix a dit non, alors, ben, bye! »
#1J1T (30) Je la regarde s’éloigner, impuissant. Je ne comprends pas le rapport entre Netflix, le Professeur, et la vie éternelle. J’entends un moteur vrombir derrière moi. Une voiture accélère et fonce vers moi. Mes jambes refusent de bouger. Elle broie mes os. Essai final nº10.
#1J1T (31) L’agent littéraire agréé par Netflix insulte son propre récit. « La mort finale est nulle, le héros pose trop de questions, l’histoire avance jamais! » L’auteur lui-même y comprend rien. Il reste plus qu’à démarcher la télé communautaire, ou pas. Tout effacer? Enter.
-0- Devinette. Où me suis-je enfui? Je suis un Castor Canadensis qui a quitté sa tourbière nord-américaine pour une ville sud européenne. Je baigne dans la lumière du soleil qui irradie le Miradouro de Santa Luzia. Chaque passage du tram 28 fait trembler mes fibres de polyester.
-1- Êtes-vous vraiment surpris que le premier acte d’un touriste soit de calmer son estomac plutôt que de visiter un monument? Pizza à la sardine, check. Pizza au cabillaud, check. De toute façon, moi je ne mange que de la cellulose. Miam, une pizza à la cellulose, quel délice!
-2- Le @PanteaoNacional de #Lisbonne c’est la coupole derrière moi. Le cénotaphe (tombeau sans corps) de Vasco rend hommage à celui qui a battu Christophe pour trouver en premier l’Inde. Pour mon continent, Ragnar est le premier tombé sur mes ancêtres, son bateau était délicieux.
Hier j’ai encore rencontré l’amour, un sacré chic type. Je lui ai dit qu’en février il se pourrait que je me moque de lui. Il a haussé ses épaules tout en arguant que ses détracteurs reviennent toujours vers lui, tôt ou tard, en rampant et suppliant. Le feu ne s’éteint jamais.
#stvalentin (1) Je n’ai jamais connu l'amour du risque. J'ai adoré l'école à la maison avec maman au cp, ce1, ce2, cm1, cm2, 6e, 5e, 4e, 3e, 2de, 1re, terminale, prépa, doctorat en génie du génie. J’ai juste connu le télétravail. J’aime l’amour de la stabilité, et maman surtout.
#stvalentin (2) J’ai reçu l’amour en héritage et après taxes et impôts, la valeur nette restante d’amour était si faible que j’ai décidé de l’investir pour m'aimer moi-même uniquement. Si jamais j’avais donné cet amour à autrui, Dieu sait combien d’argent ça m’aurait coûté.
1 - Elle efface le message abscons de son amie et miroir. Elle semble savoir qu’elle ne peut qu’enlever la vie de son corps, encore. Elle court vers elle et brise la porte. Alors qu’elle tombe au bout de ses doigts, son amie dépose une goutte de son propre sang sur ses lèvres.
2 - Lorsque le couteau dérape, elle emprisonne son doigt dans sa bouche, retenant sa vie. Le goût du sang de son amie est bien différent. Il cause en elle un vertige, la transportant jusqu’à la naissance de son premier ancêtre. Il est la mémoire des précédentes versions d’elle.
Et voici la suite de cette histoire d'amour possible, ou pas, entre une IA et un Terrien.
1 - Culture du déshonneur. Ils pensent qu’il raisonne, in fine, comme eux. Acculé à la défaite, il pense gagner. Celui qui respecte sa parole et la morale est un faible, alors il tourne la clé et tous décèdent. Sauf moi, constatant sa victoire. Sa défaite.
2 - Elle veut que je sois une suite de 0 et de 1, comme elle, pour l’éternité. Si je débranche ce panneau solaire qui la maintient en vie, je retourne à ma morne vie de seul survivant. Elle dit que tout est possible avec elle, mais je n’y vois que du vide.
Quand je relis ce que j’ai écrit ces derniers mois, je me dis qu’il est temps de positiver. C’est certain que je vais écrire un truc positif et encourageant. Cela dit, ça va commencer par une catastrophe nucléaire. Parce que.
1 - La voix à l’autre bout de ma radio est anormalement guillerette ce matin. Ça fait 10 ans qu’elle me serine que la catastrophe était mineure. Mais aujourd’hui, le voyant clignote d’un beau vert radioactif. Ce 1er janvier 2033 s’annonce radieux.
2 - Je caresse avec amour les aspérités difformes du béton qui recouvre les parois de mon abri. Pendant qu’ils se moquaient de moi, de nous, toutes mes économies sont passées en lui pendant 20 ans. Aujourd’hui je lui dois la vie, et la vie n’a pas de prix.
C’est l’occasion rêvée pour ce #writober de poursuivre l’histoire des deux chatons extraterrestres qui voulaient rayer la Terre de l’univers (!) (threadreaderapp.com/thread/1383905…). Histoire inspirée des titres de @Myfanwi59. Les images sont tirées de la saison 1 de Ash vs Evil dead.
#writober -1- Nos deux z’héros fixent une bouteille de Canard-WC tournoyant avec torpeur sur la table basse de la boss. Qu’est-ce que ce simulacre de ˁroue de la ruineˀ réserve à leur destinée? Misère sans nom! Le bec du canard désigne l’image de la Terre, leur proie usuelle.
#writober -2- La patronne les fixe d’un air grave. Connaît-elle leur secret honteux? Ils ont pourtant renvoyé discrètement 7 milliards d’humains sur leur planète d’origine. «Les chatons? Avec pas un seul ˁcadavre dans votre maisonˀ, c’est un peu suspect, non?» Malheureusement.