Fabien Lacouture Profile picture
May 19, 2021 70 tweets 22 min read Read on X
Pour fêter la réouverture des musées en ce 19 mai, je vous propose un nouveau fil artistique sur le thème du ... détail ! Chaque mercredi, je parlerai d'un détail d’une œuvre et de sa raison d’être en quelques caractères.
Thread "#Détails" 👇
Détails - 1

Jan Van Eyck, La Vierge au chancelier Rolin, c. 1436, huile sur bois, 66 × 62 cm, @MuseeLouvre

En arrière-plan, deux personnages de dos regardent le paysage flamand peint par Van Eyck. L'un se penche par dessus un créneau, l'autre regarde vers son acolyte. 1/5 ImageImage
Qui sont-ils ?
LA grande question. Ils portent des costumes de leur temps, peints avec une précision affolante et dont les couleurs renvoient à celle de la Vierge. Sont-ce Jan Van Eyck avec ce turban rouge et son frère Hubert qui tourneraient le dos à leur commanditaire ? 2/5
Quel est leur rôle ?
Ce sont des personnages admoniteurs, face au paysage comme le spectateur face au tableau, ils nous permettent de dépasser le premier plan et d'entrer dans l’œuvre. Placés presque au centre de l’œuvre, leur regard est notre regard. 3/5
Ces deux "guetteurs" creusent l'espace de l'istoria, ils ouvrent sur le paysage au loin, mais aussi au-dessus et au-dessous d'eux. Celui de gauche se penche vers ce que nous ne voyons pas, et nous donne envie de nous pencher nous-aussi. Il met en marche notre imagination. 4/5
Ces personnages ne sont pas plus grands qu'une tête d'épingle et pourtant ils incarnent un regard non plus uniquement porté sur le divin, mais sur un espace dont les propriétés sont identiques à celles de l’espace perçu par le spectateur. Une véritable révolution visuelle. 5/5
Détails - 2

Véronèse, Bethsabée au bain, c. 1575, huile sur toile, 191 x 224 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts (@mbalyon)

À qui appartient donc ce pied ? Il semble que la jeune femme soit Bethsabée, celle dont le roi David s'est épris. Mais quelle étrange chaussure ... 1/7 ImageImage
Développées au début du XVIe siècle et particulièrement populaires chez les femmes vénitiennes, les chaussures à talons hauts appelées "zoccoli" ou "pianelle" avaient une fonction à la fois pratique et symbolique : protéger les pieds de l'eau et de la boue et être vue. 2/7
Entre 1400 et 1500, plusieurs lois somptuaires ont été promulguées au détriment des "zoccoli" : il était interdit d'utiliser de l'or ou de l'argent pour leur fabrication. Leur hauteur - certaines atteignaient jusqu'à cinquante centimètres de haut - était également limitée. 3/7
Dans son récit publié en 1595, le sieur Jacques de Villamont décrit, amusé, les silhouettes des dames vénitiennes "cheminant avec gravité" sur ces chaussures en forme de piédestal (dans le vocabulaire architectural, "il zoccolo" est la partie la plus basse du piédestal). 4/7
Objets de la vie quotidienne des patriciennes vénitiennes du XVIe siècle, objets d'étonnement pour les voyageurs, les "zoccoli" sont aussi très appréciées par les peintres de la Sérénissime et nous permettent de comprendre l'action de ce tableau. 5/7
Contrairement à bien des peintres qui figurent Bethsabée dans toute sa nudité, Véronèse la peint comme Suzanne face aux vieillards, surprise, dérangée dans ce moment si intime. Elle rabat sa robe sur son corps et ne laisse voir que son sein, son avant-bras et son pied. 6/7
Irruption et interruption. Véronèse souligne sa pudeur face à cet homme. Comme Suzanne, cette Bethsabée se voile au regard de l'importun. Et ce pied posé sur la chaussure, qui apparaît sous les lourds plis de sa robe, marque l'interruption de son déshabillage. 7/7
Détails -3

Jean-François Millet, L'Angelus, c. 1857-1859, huile sur toile, 55 x 66 cm, Paris, @MuseeOrsay

"L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie. Et elle conçut du Saint-Esprit." Une femme. Un homme. Un champ. Et une église au loin. Qui sonne l'Angelus. 1/8 ImageImage
Comment faire voir le son ? Leon Battista Alberti, dans son De Pictura, affirmait que « ce qui ne relève pas de la vue ne concerne en rien le peintre ». Comment déchirer le silence de la peinture ? Comment dévoiler les sons qui se cachent derrière les formes et les couleurs ? 2/8
Comment faire entendre aux spectateurs les cloches qui sonnent la prière du soir ? C'est la réaction des personnages à cet appel venu de l'arrière-plan qui nous donnent la clé. Nous n'entendons rien, mais Millet nous donne à voir ce que leurs oreilles perçoivent. 3/8
Têtes baissées, immobiles tels des statues, cet homme et cette femme ont interrompu leur travail : la fourche est plantée, la brouette à l'arrêt et le panier rempli de pommes de terre posé au sol, véritable nature morte au premier plan du paysage. 4/8
À l'arrière-plan donc il y a cette église sonnante, l’église Saint-Paul de Chailly-en-Bière. Un détail, à peine esquissé, une petite tache noire à l'horizon, une ombre vespérale sur un ciel qui se partage entre le bleu, le jaune et quelques touches d'orange et de violet. 5/8
"L'Angélus est un tableau que j'ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l'angélus pour ces pauvres morts" 6/8
Point de religiosité chez le peintre mais une ode au monde paysan. Millet peint un souvenir d'enfance, ce qu'il a vu et vécu avec ses grands-parents qu'incarnent ces deux personnages à l'allure monumentale, tels des statues de roi et de reine sur la façade ... d'une église. 7/8
Un moment de vie, une synesthésie, entre les couleurs du soir, les odeurs des champs, le bois des outils dans la main, le goût des pommes de terre crues et le son des cloches qui sonnent l'Angelus. Comment appeler alors un son que l'on ne perçoit que par le regard ? 8/8
Détails - 4

Andrea Mantegna, Madone de la Victoire, 1495-1496, tempera sur toile, 280 × 166 cm, Paris, @MuseeLouvre

Que fait donc un perroquet dans une Vierge à l'enfant de Mantegna ? Et comment cet oiseau exotique nous oblige-t-il à penser une Renaissance mondialisée ? 1/7 ImageImage
Dans trois niches du treillis qui entoure la composition sont perchés trois perroquets, et dans celle au-dessus de la Croix, un cacatoès à huppe jaune (cacatua galerita), un volatile provenant d'Indonésie ou Australie, contrées si lointaines ... encore plus en 1496 ! 2/7
Mantegna a donc inclus un cacatoès à huppe jaune dans sa composition, près de deux-cents ans avant que ces oiseaux ne soient ramenés de l'archipel indonésien par des marchands néerlandais. A-t-il connu l'oiseau à travers un dessin ou a-t-il eu accès à un vrai spécimen ? 3/7
Environ deux siècles plus tôt, on trouve déjà trace d'un cacatoès dans le "De l'art de chasser au moyen des oiseaux", manuel de fauconnerie rédigé par l'empereur Frédéric de Hohenstaufen. Il y est décrit comme un perroquet à crête et parlant, cadeau du "sultan de Babylone". 4/7 Image
Ces cacatoès illustrent la complexité et l'étendue des réseaux commerciaux depuis l'Australie et l'Asie du Sud-Est jusqu'au Moyen-Orient et au-delà, complexifiant le concept de "Route de la soie" qui a pu limiter notre compréhension des échanges entre l'Est et l'Ouest. 5/7
Seuls animaux à pouvoir parler, capables même de réciter des prières, les perroquets étaient considérés comme plus proches de Dieu et supérieurs aux autres espèces, ce qui explique aussi leur présence et leur fréquence dans l'iconographie religieuse de la Renaissance. 6/7
Loin du perroquet du capitaine Haddock, celui de Mantegna est donc un motif historique et iconographique complexe, un détail loin d'être décoratif et qui ouvre sur une Renaissance mondialisée, tant à l'Ouest vers les Amériques qu'à l'Est vers l'Indonésie et l'Australie. 7/7 ImageImage
Détails - 5

Cornelis van Haarlem, Vénus et Adonis, 1614, huile sur toile, 94 x 74 cm, Caen, Musée des Beaux-Arts (@mbacaen)

Vénus, allongée, cherche à retenir Adonis prêt à partir pour la chasse. Elle pose alors sa main droite sur son épaule. Une main aux ongles bien sales. 1/7 ImageImage
Comment expliquer ces mains sales, pas celles de Sartre, mais de Vénus et d'Adonis dans un tableau aussi élégant ? Dans les "Métamorphoses" d'Ovide, Vénus, séduite par le berger, l'avertit des dangers de la chasse et l'enjoint à ne pas la quitter. Mais Adonis ne l'écoute pas. 2/7
Ce tableau oublie toute narration et laisse la place à la sensualité. Le corps de Venus est délicat, sa coiffure est sophistiquée et face à elle, un Adonis au visage androgyne ne peut la quitter des yeux. Seuls détails cynégétiques : la lance et le chien. 3/7 Image
Van Haarlem, peintre délicat, recherche une forme de naturalisme. La gueule du chien prouve que les "extravagances" maniéristes ne l'ont pas totalement détourné de la Nature. Et avec ces mains aux ongles sales, il est dans la lignée de Caravage. 4/7
Le "Bacchus" du peintre italien, conservé à l'@UffiziGalleries, n'a-t-il pas, lui aussi, les ongles noirs de crasse ? Qu'un berger ait les mains sales, pourquoi pas. Mais Bacchus ? Et pire encore, Vénus, la déesse de la beauté ?? Ces peintres vont décidément trop loin ! 5/7 ImageImage
Manifestations de la virtuosité de van Haarlem, ces ongles noircis témoignent aussi de sa coquetterie, de son goût pour la provocation, pour la bravade. Ils mettent à mal l'idéal de beauté et de grâce que représentent les deux personnages. 6/7
Et dans ce dernier moment suspendu que les amants partagent, ces ongles noirs peuvent aussi être lus comme LE détail dysphorique, celui qui, derrière cette tranquillité et cette préciosité, viendrait rappeler le destin funeste d'Adonis et la tristesse à venir de Vénus. 7/7 Image
Détails - 6

Nicolas de Largillierre, La Belle strasbourgeoise, 1703, huile sur toile, 138 x 106 cm, Strasbourg, musée des Beaux-Artss (@strasmusees)

On attend toujours d'un détail qu'il soit petit. Ici le détail est grand, extravagant, un chapeau tel qu'on n'en fait plus. 1/7 ImageImage
Au début du XVIIIe siècle, Nicolas de Largillierre est un portraitiste réputé et l'une de ses plus célèbres toiles est ce portrait de cette jeune strasbourgeoise au magnifique costume d’apparat typique des jeunes patriciennes de la ville aux XVIIe et XVIIIe siècles. 2/7
Mais l'élément qui happe le regard du spectateur est bien cet exubérant bicorne de dentelle noire dépassant les épaules, ce couvre-chef qui aurait rendu jaloux Napoléon Bonaparte, dont les proportions sont si surprenantes que de détail il devient le nœud du tableau. 3/7
Lorsque Strasbourg fut rattachée au royaume de France en 1681, elle devient le lieu de rencontre de l’art de vivre "à la française" et les traditions allemandes. Les cultures se mélangent mais les nouveaux arrivants découvrent avec étonnement ces étranges coiffes. 4/7
Paul Pellisson, historiographe à la cour de Louis XIV, l'avait déjà décrit dès le mois d'août 1673 : "Ce sont des chapeaux extrêmement forts, retroussés et aplatis sur le devant et le derrière de la tête, mais en faisant deux longues cornes ou becs sur les tempes […]." 5/7 Image
Ce bicorne est l'antithèse du turban rouge de Van Eyck, dont la couleur et l’exubérance explosent sur le fond sombre. Mais dans les deux cas, ces couvre-chefs sont plus que de simples accessoires, ils mettent en valeur le visage du modèle et donc le talent du portraitiste. 6/7 Image
En laissant l'imagination divaguer, le chapeau de la belle strasbourgeoise pourrait devenir un OVNI, triangle de dentelle filant dans ce ciel bleu-vert ou encore un trou noir tant il attire le regard et absorbe les couleurs. Ce chapeau est presque d’un autre monde. 7/7
Détails - 7

Domenico Ghirlandaio, Portrait d'un vieillard et d'un jeune garçon, c. 1490, tempera sur bois, 62 x 46 cm, Paris, @MuseeLouvre

Ce détail est un roc, un pic, un cap, que dis-je, une péninsule et se voit, si vous me permettez, comme le nez au milieu de la figure ! 1/7 ImageImage
Qu'est-il arrivé à ce vieil homme pour hériter d'un nez comme celui-ci ? Et que cherche Ghirlandaio par ce détail à la limite du grotesque : la moquerie ? Le contraste face au visage angélique du petit garçon ? Le réalisme des détails à la manière des peintres du Nord ? 2/7
Ce bourgeois florentin aux riches habits est victime de rhinophyma, pathologie qui rend le nez large, bulbeux et sanguin. Et le portrait est sans concession : la lumière révèle aussi bien le nez que les rides autour des yeux, la verrue sur le front et les cheveux blancs. 3/7
La maladie et la laideur du modèle posent un problème esthétique et moral : à la Renaissance, l'apparence physique était le signe de l'âme. Or ce nez est une véritable signature. On le retrouve, toujours par Ghirlandaio, dans un dessin peut-être posthume. 4/7 Image
Comment parvenir à dégager la grandeur morale du modèle tout en respectant l'exigence de ressemblance du portrait ? C'est là que l'enfant prend son importance. De profil comme sur une médaille, ce petit garçon aux boucles blondes et au visage d'ange voit mieux que les autres. 5/7
Leur affection mutuelle est aussi forte que sincère. Pur et innocent, il n'éprouve aucune répulsion face à la difformité du vieil homme et perçoit, au-delà de sa laideur, toute la bonté de son âme. Est-il son petit-fils ? A-t-il seulement existé ? 6/7
Ghirlandaio fait de ce détail caricatural la clé de son œuvre. Point de dégoût ! Ce nez ne parvient pas à dissimuler la beauté de cet homme, révélée par le regard de l'enfant. Derrière cet appendice disproportionné et difforme, c'est bien un éloge que le peintre veut figurer. 7/7
Détails - 8

Giovanni Boldini, Le comte Robert de Montesquiou, 1897, huile sur toile, 116 x 82 cm, Paris, @MuseeOrsay

De cette toile à l'atmosphère argentée émerge avec indolence le comte Robert de Montesquiou, et dans sa main une longue canne au pommeau d'un bleu irréel. 1/7 ImageImage
"Voici le printemps et je veux apparaître, sur cette terre de boue, comme un demi-dieu sans le nuage qui le cachait". Incarnation de la vie mondaine du Paris fin de siècle, le comte aurait pu faire siens ces mots de Jules Barbey d'Aurevilly, l'inventeur du dandysme. 2/7
So chic ! Ces gants blancs, cette redingote gris colombe, cette chemise blanche et cette lavallière noire tombent parfaitement sur la silhouette svelte et aristocratique du comte. Et la pose altière est contrebalancée par la diagonale de la canne couronnée d'un éclat bleuté. 3/7
Cette canne est un objet historique et un attribut plastique. Elle appartenait à Edmond de Goncourt et Robert de Montesquiou l'acheta lors d'une vente des biens de l'écrivain à l'hiver 1897. L'objet était tellement associée au comte qu'on l'entendait avant qu'il n'apparaisse. 4/7 Image
Alors qu'elle fait partie des attributs du comte dans d'autres portraits, comme celui-ci de Whistler, seul Boldini donne au pommeau cette teinte azurée qui, comme le discret bouton de manchette, vient faire vibrer cette atmosphère aux fifty shades of grey. 5/7 Image
Portrait ironique ? La canne fait de l'aristocrate un roi, qui contemple cet appendice comme s'il s'agissait d'un sceptre surmonté d'un saphir. Un signe de royauté pour ce roi des dandys, ce roi de Paris qui a inspiré certains des plus grands personnages de la littérature. 6/7
Car si vous êtes amateurs de lettres, vous le connaissez déjà. Des Esseintes chez Huysmans, c'est lui. Le baron de Charlus chez Proust, sans doute lui également. Mais c'est lui-même qui se définit le mieux dans un de ses poèmes: "Je suis le souverain des choses transitoires". 7/7 Image
Détails - 9

Nicolas Poussin, L'Orage, c. 1651, huile sur toile, 100 x 132 cm, Rouen, @RMM_Rouen

« J’ai essayé de représenter une tempête sur terre ». Lorsque Nicolas Poussin peint un orage qui éclate dans la campagne, les hommes prennent peur et se recroquevillent. 1/7 ImageImage
L'homme dans la Nature, l'homme face à la Nature. Poussin est un maître du paysage. Dans cette toile, l'une des premières du genre à être vues à Paris, il démontre toute son aptitude à peindre et à conjuguer tant les colères de la Nature que les passions de l'Homme. 2/7
Poussin n'est pas le premier à se confronter aux aléas du ciel. Selon Pline, le peintre Apelle représentait la foudre, le tonnerre et l'orage. Léonard a écrit une description d'orage. Et "La Tempête" de Giorgione a marqué l'histoire de l'art par son hermétisme et son éclair. 3/7 Image
Dans ce tableau, le ciel est certes si sombre et menaçant qu'il semble faire nuit en plein jour. Mais comment expliquer cette panique qui gagne les personnages ? Pourquoi l'homme qui lève les bras est-il si effrayé ? Et pourquoi celui de gauche se recroqueville-t-il ainsi ? 4/7
Un éclair, "tonnerre que l'on voit dans l'air", a disparu de ce tableau particulièrement usé. Mais une gravure de Louis de Châtillon nous en révèle la clé : la foudre venait frapper l'arbre et sectionner une branche, provoquant ainsi la terreur de l'homme et de ses bœufs. 5/7 Image
Sur la toile, les désordres du temps qu'il fait n'auront pas résisté au temps qui passe. Le sablier a triomphé du baromètre. Ces signes météorologiques valent donc autant pour eux-mêmes que pour les effets qu'ils provoquent, chez les bergers comme chez les spectateurs. 6/7
Poussin précède les philosophes du Sublime. Au-delà du Beau définit par l'harmonie, la perfection, le Sublime relève de l'immensité et suscite le choc, voire la terreur. Ainsi le plaisir que prend le spectateur vient de l'écart que la peinture instaure entre lui et la Nature. 7/7
Détails - 10

Jan Steen, Comme les vieux chantent, les enfants piaillent, c. 1662, huile sur toile, 94 x 81 cm, Montpellier, @museefabre

Dans cet intérieur bourgeois, les convives s’affairent autour d’un joyeux banquet. Mais que vient faire cette clef au centre du tableau ? 1/7 ImageImage
À la manière de certains de ses congénères flamands et hollandais, Jan Steen aime les scènes de genre, ces "huishouden van Jan Steen", images de joyeuses compagnies où se rassemblent des adultes éméchés et des enfants tapageurs. À moins que ce ne soit l’inverse … 2/7
Derrière cette scène de banquet, Steen met en image un proverbe hollandais que chante la vieille femme sur la droite: "Vieille chanson / Comme on nous l’a chantée / Nous la piaillons à notre tour / C’est ainsi depuis longtemps." Comme les vieux chantent, les jeunes piaillent. 3/7 Image
Mais cela n’explique toujours pas ce que vient faire cette clef au centre du tableau, à l’intersection des diagonales. Steen est adepte d’une peinture qui cache son sens, qui se révèle par petites touches. À la manière d’un roman à clef, il invente la peinture à clefs... 4/7
Dans plusieurs tableaux il use de ce même stratagème, à la manière d’un Edgar Poe qui cache sa fameuse lettre à la vue de tous. Il place une clef à un endroit propice pour nous faire comprendre le sens de sa toile. C'est la "clavis interpretandi", la clé d’interprétation. 5/7
Que nous dit alors cette clef, au centre de la pièce comme le nez au milieu de la figure ? À proximité de la cruche de vin et du verre qui se remplit, elle attire l’œil sur l’alcool et le mauvais exemple que les parents donnent à leurs enfants. 6/7 Image
Ces parents, alanguis pas les effluves d'alcool, ne voient pas leur fils s’enivrer lui aussi, buvant directement au long bec du pichet. Paresse et intempérances sont les deux péchés qui rôdent et qui donnent à cette scène festive une dimension morale. Une morale à clef … 7/7 Image

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