À Versailles, à l’été 1871, on enferme et on condamne des enfants. C’est ce que racontent aujourd’hui Louise Michel et P.-O. Lissagaray, dénonçant la criminalisation de la misère sur laquelle s'appuie la répression de la Commune :⤵️⚖️🚸 1/
Louise Michel :
« On jugea des petits enfants, les pupilles de la Commune ; ils avaient huit ans, onze ou douze ans, les plus grands quatorze ou quinze.
Combien moururent, en attendant la vingt-unième année dans les maisons de correction ! » 2/
P.O. Lissagaray :
« Qq jours après, devant ce Boisdenemetz, comparaissent 15 enfants de Paris. Le + âgé a 16 ans ; le + jeune, si petit qu’il dépasse à peine la balustrade des accusés, en a 11. Ils portent une blouse bleue et un képi militaire. 3/
"Druet, dit le soldat, que faisait votre père ?
— Il était mécanicien.
— Pourquoi n’avez-vous pas travaillé comme lui ?
— Parce qu’il n’y avait pas de travail pour moi."
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"Bouverat, pourquoi êtes-vous entré dans les pupilles de la Commune ?
— Pour avoir à manger.
— Vous avez été arrêté pour vagabondage ?
— Oui, deux fois : la deuxième fois, c’était pour avoir volé des chaussettes." 5/
"Cagnoncle, vous étiez enfant de la Commune ?
— Oui, monsieur.
— Pourquoi aviez-vous quitté votre famille ?
— Parce qu’il n’y avait pas de pain.
— Avez-vous tiré beaucoup de coups de fusil ?
— Une cinquantaine." 💥
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"Lamarre, vous aussi, vous avez quitté votre famille ?
— Oui, monsieur, c’est la faim.
— Et où avez-vous été alors ?
— À la caserne pour m’enrôler." 7/
"Leberg, vous avez été chez un patron et on vs a surpris prenant la caisse. Combien avez-vous pris ?
— Dix sous.
— Cet argent ne vous brûlait pas les mains ?"
Et vous, homme aux mains rouges, ces paroles ne vous brûlaient pas les lèvres ? Sinistres sots qui ne compreniez pas
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que devant ces enfants jetés ds la rue, sans instruction, sans espoir, par la nécessité que vous leur aviez faite, le coupable c’était vous, ministère public d’une société où des êtres de 12 ans, capables, avides de travail, étaient forcés de voler
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pour avoir une paire de chaussettes et n’avaient pas d’autre alternative que de tomber sous les balles ou de tomber sous la faim. »🧦👨⚖️
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Le 16 décembre 1871, Louise Michel est jugée par le VIe Conseil de guerre à Versailles. Elle répond elle-même à ses juges en réclamant avec effronterie la liberté de tous. Pour toute défense, elle intime à la cour : « Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi. »⤵️💣 1/
« M. le président : Vous avez entendu les faits dont on vs accuse; qu’avez-vs à dire pr votre défense ?
L’accusée : Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue; j’appartiens tte entière à la révolution sociale, & je déclare accepter la responsabilité de mes actes.
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Je l’accepte tt entière et sans restriction. Vous me reprochez d’avoir participé à l’assassinat des généraux ? À cela je répondrais oui si je m’étais trouvée à Montmartre qd ils ont voulu faire tirer sur le peuple ;
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La guerre et la Commune sont un choc énorme pour le grand germanophile Ernest Renan. Il réfléchit aussitôt aux moyens de rétablir la civilisation européenne dans divers textes. Solution de génie (non) : la colonisation, au nom de chaque race à sa place.⤵️🌍 1/
« La colonisation en grand est une nécessité politique tt à fait de 1er ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche au pauvre.
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La conquête d'un pays de race inférieure, par une race supérieure, qui s'y établit pr le gouverner, n'a rien de choquant... 😱
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Le Figaro du 12 décembre 1871 présente en rez-de-chaussée un étrange poème épique et narratif : à Versailles, les députés refusent de regagner Paris et le Palais Bourbon. Comble : ce faux serment du Jeu de Paume pastiche Victor Hugo !⤵️😯 1/
« [...] A Paris chaque jour amène son émeute ;
Belleville et Pantin nous lâcheraient leur meute.
La révolution pour la 3ème fois,
Frères, ébranlerait la patrie aux abois.
Donc jurons, qd bien même aux gds jours de décembre
La neige inonderait la tribune et la Chambre ;
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Qd même le gd roi par la brise affolé
De son cheval d’airain descendrait tt gelé,
Qd même il nous faudrait, pr chauffer l’atmosphère
Mettre Baze lui-même en son calorifère,
Le 24 septembre 1871, René de Pont-Jest plaide en une du Figaro pour la grâce de Louis Rossel, officier rallié à la Commune et condamné à mort par Versailles qq jours + tôt.
L'argument de Pont-Jest ? Tout simplement le racisme de classe.⤵️📰🍒 1/
« […] Mais si cette condamnation, que l'opinion publique avait d'ailleurs prononcée d'avance, ns le reconnaissons, doit être acceptée par tous avec la soumission respectueuse dont nous avons trop perdu l'habitude en France pr les arrêts justement rendus,
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est-ce à dire pour cela que cet exemple donné d'une inexorable application de la loi, les cœurs doivent être fermés à tte pitié, et que Rossel soit véritablement indigne de toute clémence ?
Nous ne le croyons pas quant à nous, et sans nous laisser influencer par cet argument
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Le 14 septembre 1871, la très conservatrice Revue des deux mondes s’inquiète : la Commune de Paris pourrait inspirer les ouvriers du monde entier ! Accidentellement marxiste ?⤵️📰🔥 1/
« […] L’internationale n’est point sans donner des soucis aux gouvernemens. Les apologies de la commune de Paris et de ses + monstrueux excès ont retenti dans des réunions démocratiques. Dans certaines villes et tout récemment à Berlin, il s’est produit des grèves
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qui dénotent une organisation inquiétante. Les populations ouvrières s’agitent, enflammées et enrégimentées par des sectaires. Ce n’est rien peut-être jusqu’ici, demain ces mouvemens en se coordonnant peuvent devenir redoutables si les gouvernemens n’y prennent garde… »
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Le 27 août 1871, Edmond de Goncourt rédige son journal : en vacances avec qq amis à Saint-Gratien, chez la princesse Mathilde Bonaparte, on s’indigne de la Commune, certes, mais tout autant de ces vils républicains qui se permettent de loger à Versailles !⤵️🎩🕶️ 1/
« 27 août — J’ai couché hier, et je passe aujourd’hui la journée à St-Gratien. Maintenant, ici, la conversation se traîne, coupée par de longs silences. Ds sa position actuelle, la princesse n’a plus sa liberté de parole, ces emportements éloquents, 2/
ces rudes coups de boutoir, ces portraits griffés d’une griffe originale. Près d’elle, on sent bien, à un froissement de robe, à un mouvt des pieds, à une révolte du corps, que l’indignation lui monte à la gorge et est prête à jaillir,
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