Thread by @Julie_Dachez

Je crois qu'on ne parle pas assez du danger que cela représente pour une personne autiste d'avoir un emploi en lien avec son intérêt spécifique (IS). A thread 👇

J'ai observé, en moi et chez les autres, qu'il peut très vite n'y avoir plus aucune limite. On y pense H24, on bosse 50h par semaine. Ca occupe tout notre espace mental, et tout notre temps.

C'est jouissif, bien sûr. Quand l'esprit est tendu comme un fil, que les idées se mettent en place toutes seules, qu'on imagine une solution / un concept / un outil. C'est excitant d'ê en mode bulldozer et de pouvoir abattre une quantité de travail pas possible en peu de tps.

Ca booste une estime de soi souvent très malmenée, qui a besoin d'être regonflée. Mais aussi, ça justifie notre place.

Car tout au fond de nous il y a cette petite voix, ce complexe de l'imposteur, qui nous fait croire qu'on n'est pas tout à fait légitime, qu'on a bien de la chance d'avoir ce boulot, et on va trimer sans cesse pour (se) prouver qu'on le mérite.

Jusqu'à l'usure. Car oui c'est excitant, mais c'est aussi usant. Ce cocktail-là (IS + complexe de l'imposteur et travail qui est une béquille à l'estime de soi), il est explosif.

On est épuisé.e. On est agacé.e contre les collègues qui ne font pas autant / pas aussi bien que nous. On est frustré.e parce qu'on a le sentiment de ne pas avoir la reconnaissance qu'on mériterait.

Et très vite, on n'a plus assez de ressources pour faire face. Si le travail prend toute la place, que reste-t-il dans notre vie pour recharger les batteries ?

Entre notre fatigabilité et le manque de temps / d'espace mental, la plupart de notre temps libre est occupé à faire l'étoile de mer sur le canapé. On est en mode survie.

Combien alternent alors périodes de travail et chômage / arrêt longue durée, car au bout de 2 - 3 ans, le corps dit stop. Et bim l'estime de soi qui est abîmée ("Je suis nul‧le, pourquoi je ne peux pas travailler comme tout le monde ? "). Vous le voyez, le cercle vicieux ?

Le monde du travail est violent pour toustes, il l'est encore plus pour les personnes comme nous. Et il est très rare qu'on puisse encaisser un temps plein (bonjour la précarité à temps partiel) + 5 semaines de vacances ça n'est PAS suffisant.

Perso il me faudrait 1 semaine de vacances après 1 semaine de travail. Enfin, ce qu'il me faudrait surtout, c'est ne plus travailler du tout.

J'ai un rapport amour-haine au travail. Amour car ça me passionne, haine car je me sens aliénée par mon travail. Mon ambition pour les années à venir c'est de travailler beaucoup moins, et de profiter beaucoup plus.

Ca va peut-être vous sembler idiot mais la mort d'Ulliel m'a foutu un coup. Juste parce que j'aurai son âge dans deux semaines. Et qu'il est bien connu que les personnes autistes ont une espérance de vie réduite (fr.wikipedia.org/wiki/Mortalit%…)

Si je meurs à 37 ans, je n'aurai pas appris à faire du kitesurf (je le veux très fort), je n'aurai pas eu l'occasion de me marier (je le veux très fort aussi), ni d'avoir le plaisir de faire du longe côte à 60 balais. (oui bon, on a les ambitions qu'on a)

J'ai une vie à vivre, bordel de merde. Et je crois qu'il est temps.

(La grosse blague c'est qu'en lisant vos réactions je me suis dit "Ah purée il faut absolument que je fasse une recherche sur IS en emploi + burn-out" 🤡🤡🤡🤡 Non Julie, va te reposer.)