Thread by @JurisKine

#teamkine une question qui a fait débat et enflammé mes groupes de TD à l'IFMK :
Un patient vous avoue en séance qu'il a assassiné son voisin car il couchait avec sa femme.
Que faites vous ?

Merci d’avoir participé. Je vois que les réponses vont dans le même sens que celles de mes étudiants.

Vous êtes donc 79% (63 + 16) à vouloir violer le secret médical.

Un petit thread ⤵️⤵️⤵️

Le secret médical est défini principalement par l'article L.1110-4 du CSP.
Le secret couvre l'ensemble des informations qui sont venues à la connaissance du professionnel de par ses activités et s'impose à tous les professionnels du système de santé

L'article 226-13 du Code pénal rappelle que la révélation d'un secret par une personne qui en est dépositaire est un délit (passible de 1an d'emprisonnement et 15.000€ d'amende).
Institué par la loi, seule la loi peut prévoir les exceptions au secret.

Ainsi, outre certaines déclarations obligatoires (naissance, décès, déclaration de certaines maladies à l'ARS), qui ne concernent pas les masseurs-kinésithérapeutes, il existe des exceptions à l'obligation de secret.

L'article 226-14 du Code pénal en prévoit expressément plusieurs :
- l'information des autorités lors de privations ou sévices (y compris sexuels) sur mineurs ou sur majeurs incapables de protéger (âge, incapacité phy ou psy)

- possibilité (récente !) dans le cadre des violences conjugales lorsque les violences mettent la LA VIE de la victime majeure en DANGER IMMEDIAT, ET que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale exercée

- l'information de caractère pour dangereux pour lui même ou pour autrui d'une personne dont on sait qu'elle détient une arme, ou manifeste l'intention d'en détenir une.

Les informations révélées dans les conditions posées par l'article 226-14 du Code pénal n'engagent pas la responsabilité de l'auteur des révélations (ni pénale, ni disciplinaire, ni civile) à condition que la révélation soit faite de bonne foi.

Il convient de noter qu'il ne s'agit que d'une POSSIBILITE de révélation du secret et non d'une obligation.

En effet, les articles 434-1 et 434-3 du Code pénal, ainsi que l'article 109 du Code de procédure pénale précisent que les sanctions pour ne pas avoir informé les autorités judiciaires ou refuser de témoigner ne s'appliquent pas aux personnes tenues au secret en vertu des…

…dispositions de l'article 226-13 du Code pénal (ce qui est donc bien le cas des professionnels de santé).
La seule obligation concerne la non assistance à personne en danger et l'obligation de porter secours, prévue par l'article 226-3 du Code pénal.

Cependant on n'est plus ici dans le même cadre puisque l'on est plus dans le cadre de la connaissance d'information mais face à un péril imminent.
Mon analyse personnel n'est d'ailleurs pas la même que le CNOMK sur le sujet concernant les sévices sur mineurs.

En vertu de la règle specialia generalibus derogant, les privations et mauvais traitements et atteintes sur mineurs sont expressément visées par l'article 434-3 du CP, prévoyant la dérogation pour les personnes astreintes au secret.

Néanmoins, je pense qu'aucun pro de santé face à cette situation s'abstiendrait d'intervenir de son mieux et informerait donc les autorités.

Pour revenir à mon cas concret, les aveux du patients concernant le meurtre de son voisin sont couvertes par le secret. Le voisin étant déjà mort, on n'est pas dans les exceptions prévues par l'article 226-14 ou dans le cadre de 223-6. Le crime ne peut plus être empêché.

Pour éviter d'aller sur le risque de réitération, j'ai bien parlé d'un crime passionnel, ce n'est pas un sérial killer (bien vu @FloriStephane ).

La dénonciation d'un meurtre déjà commis n'est pas une exception prévue par la loi au secret médical. Fardeau lourd à porter pour le professionnel mais cette information est couverte par le secret.
A la justice de faire son travail.

unroll @threadreaderapp