Vendredi 1er avril démarre en Russie la campagne de conscription de printemps qui durera jusqu'au 15 juillet.
Les hommes russes de 18 à 27 ans sont appelés sous les drapeaux pour un an. Quoi attendre de cette campagne qui démarre en pleine guerre? Petit 🧶 et demande d'aide. 1/8
Le ministre de la défense russe a assuré que les conscrits ne seraient pas envoyés combattre. En réalité, ça ne change pas grand-chose. Au bout de 3 mois de service militaire, le conscrit a le droit de signer un contrat avec l'armée et pourra être envoyé au front. 2/8
"A le droit de signer" est la version prévue dans la loi. Dans la vie réelle, il y a des engagés volontaires, mais on voit aussi fréquemment aussi des pressions plus ou moins fortes sur les conscrits pour qu'ils signent un contrat avec l'armée. Pratique installée et usuelle. 3/8
On pourra donc voir sur le front, dès la fin de l'été 2022, des soldats qui ont rejoint l'armée ou commencé leur service militaire alors qu'ils savaient qu'une guerre était en cours et que la Russie y perdait des soldats. 4/8
Ce qu'il faut observer aujourd'hui, c'est l'intensité des stratégies d'évitement du service militaire. Ces stratégies sont nombreuses, allant du légal à l'illégal, avec une zone grise importante. Trafiquer un certificat médical; s'inscrire à l'université; ... 5/8
... contracter un mariage blanc avec une mère célibataire; se déclarer soutien d'un parent dépendant; donner un pot de vin, etc. Par définition clandestines, ces stratégies sont difficiles à mesurer, sinon par les rapports d'activité des Mères de soldats. 6/8
Ou encore en comparant la recherche par mots-clefs (sur le moteur Yandex) par rapport à la même période l'an dernier. Plus que les sondages de soutien à la guerre, ça peut être un indicateur intéressant du rapport à la guerre des Russes directement concernés. 7/8
D'ailleurs, aide de la salle demandée. Qqn pourrait-il m'aider à sortir les chiffres de comparaison entre les mois de 03/21 et 03/22 de la recherche Yandex en Russie de l'expression "отсрочка от призыва" (report de service)? Cette personne aurait toute ma gratitude🙏. 8/8
Merci pour l'aide de la salle. Les chiffres de mars ne sont pas encore disponibles. Mais rien qu'en février, l'occurrence de la recherche "report de service militaire" est très haute, plus haute qu'au pic de la conscription des années précédentes. A suivre.
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J'ai beaucoup écrit sur la société russe et je continuerai à le faire. Ma grande frustration aujourd'hui, c’est de perdre de la pertinence sur la société ukrainienne. D’être coupée du terrain, mais aussi de voir mes outils d’analyse inopérants en contexte de guerre. Fil 🧶 1/18
C’est un peu curieux d’écrire ce fil au moment où on nous met plus que jamais en lumière, nous les chercheurs travaillant sur la zone. Mais dire où sont nos blocages et nos limites est indispensable. Dire que nous sommes à un moment de questions, pas de réponses. 2/18
Le premier travail d’éclairage était facile, tant il y avait de clichés à reprendre et de connaissances à apporter sur l’histoire de l’Ukraine, la mobilisation de la société, la configuration politique, la langue etc. Mais la guerre transforme déjà radicalement la société. 3/18
Les Russies face à la guerre
On parle souvent de l’attitude de LA population russe face à la guerre, ou alors on établit des distinctions basiques: russes ordinaires / opposants / « oligarques ». ou encore jeunes/vieux. En réalité, il y a beaucoup plus de clivages. Fil 🧶 1/24
Le premier clivage est géo-économique, en termes de centre, périphérie, ultra-périphérie. Pour l’économiste russe Natalia Zubarevitch, ce clivage est tellement important qu’on peut parler non pas d’une, mais de 3+1 Russies. 2/24 opendemocracy.net/en/odr/four-ru…
La première Russie (1/3 de la population) est celle des villes millionnaires. Développement économique rapide, ouverture vers l’international, hauts revenus, haute consommation, population éduquée. La politisation et la protestation y sont les plus élevés. 3/24
On recommence à parler d’une possible attaque de l’Ukraine par les forces armées biélorusses. Pour comprendre ce qui peut se jouer sur le terrain, il est important de ne pas assimiler armée russe et armée biélorusse et postuler le même soutien à la guerre dans les 2 pays. 🧶1/13
Même si Alexandre Loukachenko est aujourd’hui aux ordres de Moscou sur les questions internationales et militaires, les deux sociétés sont très différentes et les deux forces armées également. Je parlerai essentiellement de la première dimension. 2/13
Les Biélorusses ont reçu depuis 2014 une information plus équilibrée que les Russes sur ce qui se passait en Ukraine. Même s’ils se sentaient plutôt proches de la position russe, le sentiment dominant était que cette guerre ne la concernait pas. 3/13 opendemocracy.net/en/odr/whose-s…
La goutte de poison. J’avoue être épuisée de devoir encore et encore, pour la millième fois depuis 2014, faire le point sur l'extrême-droite et les "néonazis" en Ukraine. Des dizaines d’articles et d’interventions de multiples chercheurs. Et il faut recommencer. Long 🧶 1/30
Le régime russe excelle dans la tâche de susciter notre indignation et notre doute. Son arme la plus puissante est de nous emmener sur son terrain, de nous imposer son agenda et ses grilles de lecture. La récente affaire « BHL à Mariupol » a ravivé la flamme. 2/30
Back to basics. Le discours russe sur les « néonazis ukrainiens » se développe à partir de 2014. Il tombe sur le terreau fertile de nos stéréotypes sur les Ukrainiens qui seraient intrinséquement antisémites, qui auraient collaboré avec les nazis. 3/30
En 2021 - un autre siècle, vu d'aujourd'hui - ma collègue Marlène Laruelle a publié un livre intitulé "La Russie est-elle fasciste?" (Is Russia Fascist? Unraveling Propaganda East and West). Que ceux qui y cherchent un pamphlet passent leur chemin. 🧶1/16 ieres.elliott.gwu.edu/project/is-rus…
Le livre est une analyse académique rigoureuse de deux aspects: 1) Le discours sur le fascisme/nazisme comme outil politique à la fois du régime russe et de ses opposants. Qualifier la Russie de fasciste est pour l'Occident une manière de l’exclure de la normalité politique. 2/16
En même temps, la Russie se déclare, bien avant 2022, une puissance antifasciste. Antifasciste dans son passé (WWII) comme dans son présent, l’un nourrissant et légitimant l’autre. Le discours de dé-nazification de l’Ukraine s’inscrit dans ce récit. 3/16
Mon impression du moment est que le pouvoir russe est en train d'accumuler des décisions qui lui font perdre contact avec la population et peuvent miner la loyauté des citoyens consentants ou indifférents. 🧶 1/15
Cette tendance ne date pas de 2022. Le contrôle sur les enquêtes d'opinion et les mesures de l'humeur de la population n'est pas nouveau. Les attaques puis les fermetures des médias libres ont pris un tour d'accélération ces derniers mois. 2/15
Puisque les médias ne peuvent publier que ce qui émane du pouvoir, ils cessent d'être les miroirs de la société pour devenir un miroir du pouvoir. Le pouvoir n'a désormais aucun canal qui lui renvoie un feedback. La société qu'il gouverne est une société imaginaire. 3/15