Thread by @lilox85

C’est parti pour cette deuxième conférence organisée par les universités catholiques parisienne, à l’ICP

Comme la dernière fois, nous commençons par la lecture d’un témoignage de victime, extrait du recueil « De victimes à témoins »

https://twitter.com/agirnotreeglise/status/1510660500744556551

Le témoignage parle d’un double abus : abus sexuel et abus d’autorité

« Même en étant une victime, je fais partie du peuple de Dieu »

On rappelle la mise en lumière du caractère systémique des violences sexuelles dans l’Eglise

« S’il faut un village pour absuer un enfant, il faut tout un village aussi pour en abuser »

La #CIASE était donc dans son rôle en interrogeant la gouvernance de l’Eglise : confusion dans l’exercice des pouvoirs, absence de contre-pouvoirs, marginalisation des laïcs et en particulier des femmes

Quelles ressources pour que l’Eglise soit davantage ce qu’elle doit être ?

Dominique Grenier, assomptionniste

Lecture de la lettre du pape François aux peuple de Dieu du Chili

« Il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans les transformations dont nous avons besoin »

« Le cléricalisme, c’est ne pas reconnaître à sa juste place la présence de l’Esprit Saint dans le cœur des baptisés »

Questionnaire proposé par @LaCroix à ses lecteurs en 2019 :
- grande quantité de réponses, grande maturité
- le peuple de Dieu a besoin de médiation pour se faire entendre : il faut les chercher et les construire
- de nombreux répondants veulent savoir qu’ils sont entendus

notamment par les évêques, voire le pape. Pas de retour de la place des responsables de l’Eglise
(Bienvenue au club !)
Dialogue nécessaire en interne à l’Eglise
- se sentir membre d’un même corps, attachement à l’Eglise
- savoir gérer les conflits en Église !

La réalité ecclésiale est faite de personnes, mais aussi de communautés, d'œuvres, de mouvements, de media catholiques : cette richesse doit être incorporée, ce que vivent ces groupes doit être entendu

Petit tacle sur le rôle essentiel qu'ont joué les media catholiques dans la réception, la communication et la compréhension du phénomène des abus "qui n'ont pas toujours été bien reçus par les autorités de l'Eglise"

Au tour d'Anne-Marie Pelletier, théologienne, qui travaille particulièrement sur la place des femmes dans l'Eglise.

" Comment douter que le peuple de Dieu existe ? Qu'il soit actif, prêt à s'engager et prendre sa part de responsabilité ? Ce peuple de Dieu est sur la brèche "

Pour qu'il existe vraiment, il doit être reconnu dans nos théologies et honoré à la place qui lui revient.
Actuellement, ce n'est pas ce qui est enseigné dans les séminaires, ni ce qui se vit dans les relations entre les clercs et les laic-ques

On a trop longtemps identifié l'Eglise à sa hiérarchie, alors qu'elle est d'abord un peuple

Ce nom de l'Eglise, "peuple de Dieu" a une légitimité d'abord scripturaire et donc une nécessité théologique.
Tout au long de l'AT, l'objectif de Dieu n'est pas de mettre en valeur des personnalités, mais de donner corps à un peuple.
Vous serez mon peuple, je serai votre Dieu

Voilà d'où il faudrait partir pour repenser l'identité et la mission de l'Eglise, y ajuster la façon de vivre l'autorité.
Nous avons perdu le sens de cet primauté du peuple de Dieu au cours du temps, au bénéfice d'une Eglise hiérarchique et d'une inflation du sacerdoce

La fonction presbytérale s’est parée d’une sacralité peu évangélique.
Ce qui aboutit à cette scission : il y a deux catégories de chrétiens : les clercs et les laïcs

Ce déséquilibre, cette Eglise inégalitaire est à la RACINE des abus.

Alors que le NT dit sans équivoque que TOUS et TOUTES sont appelés à suivre le Christ et à vivre l'appel "Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés"

C'est un peuple eucharistique qui prie : "fais de nous un peuple saint qui t'appartienne"
Le baptême est le bien premier et le bien commun qui fait de chacun-e un membre à part entière du corps du Christ

Les charismes sont faits A L'EGLISE en la personne de celui qui reçoit un don.
Le presbytérat est l'un des dons qui est fait à la communauté : il le revient de présider à la vie de la communauté, d'être le rappel que la communauté n'existe pas en elle-même

Nécessité de retrouver le commun qu'est le baptême, d'enseigner le sacerdoce baptismal de chaque chrétien-ne

C'est la communauté ecclésiale qui est première, le presbytérat est ordonné au sacerdoce baptismal.
Les besoins des communautés doivent entrer en ligne de compte dans les questionnements sur la gouvernance

La fraternité doit régénérer la vie de l'Eglise comme peuple de Dieu

La fraternité doit être le préalable à tout exercice vrai de la synodalité : se rencontrer, se parler, s'écouter dans une confiance fraternelle.

Remettre au centre l'égalité baptismale, c'est aussi travailler à repenser les relations entre les hommes et les femmes dans l'Eglise.
Les charismes ne sont pas genrés !

... le peuple de Dieu est quand même composé de moitié par des femmes, dont malheureusement de nombreuses victimes

Etienne Grieu, jésuite, théologien (et agrégé de géographie)

Propose de réfléchir sur la place et le rôle des ministres ordonnés au service du peuple de Dieu.
Le rapport de la CIASE appelle à y réfléchir, notamment sur l'autorité

Les ministres ordonnés : sont signes de la présence et des appels du Christ pour la communauté.
Altérité qui convoque l'Eglise, et c'est à ce titre qu'il faut penser l'autorité ou la hiérarchie

Pas une hiérarchie de commandement, et encore moins ontologique

Les crimes sexuels sont presque toujours liés à la notion d'autorité : comment repenser cette notion ?

On peut distinguer la personne et la fonction (c'est le ministre qui préside en tant que ministre, pas en tant que lui-même)

Comment l'autorité du Christ peut-elle nous éclairer ?
7 pistes :
1/ n'entre jamais en connivence avec les puissants de ce monde : au contraire, Jésus met en garde les disciples de se comporter comme les puissants de ce monde. Cf le procès de Jésus et ses non-réponses

2/ Autorité avant tout de guérison : combat ce qui étouffe ou emprisonne : c'est là qu'on parle de pouvoir "sur" : sur les esprits mauvais et pas sur les personnes
s'exerce également contre les maltraitances humaines

3/ Invite à accueillir ce qui a une croissance par soi-même : accueil et louange

4/ Lorsque Jésus pose des gestes de guérison, ils sont habités par sa volonté. "refuse" que cela se passe en dehors d'une relation vraiment habitée, avec un acteur présent.
Les paraboles appellent les auditeurs à s'engager plutôt qu'appliquer des consignes

5/ autorité qui n'a pas peur de remettre en cause l'ordre établi : "vous avez appris... moi je vous dit..."
Souvent à rebours : Heureux vous les pauvres !

6/ l'autorité du Christ consiste souvent à reconnaître l'autorité d'autres acteurs et à les désigner pour les autres. Souvent très inattendus (païens, femmes, personnes pauvres, ou de mauvaise réputation). Ce sont ceux qu'on attendrait le moins en position d'autorité !

Ce 6e trait est capital : il interdit de réserver tout ce qu'on a dit précédemment aux seuls ministres ordonnés.

7/ Parfois même, Jésus semble être lui-même déplacé par des acteurs "non qualifiés" : la cananéenne, disciples

Le jeu d'autorité qui se déploie autour de Jésus cherche à libérer, s'appuie sur des personnes inattendues et ne cherche pas à se concentrer sur le Christ. Circulation des rapports d'autorité entre différents acteurs

Voir l'autorité comme un flux à sens unique est une vision étriquée et non évangélique.

Nous devons interroger l'éducation des futurs ministres, leur apprendre à reconnaître d'autres autorités.

Dans la liturgie, lorsque le prêtre préside son rôle est de s'effacer, il n'est pas confondu avec le Christ (les textes de la consécration disent "il prit le pain" et pas "je pris le pain")

La liturgie est également responsoriale : structurée par des appels et des réponses.
Lorsque le diacre proclame l'évangile, c'est lui qui a l'autorité et pas le célébrant

La structure fondamentale de la théologie c'est l'alliance : un appel qui doit être répercuté par une multitude d'acteurs.
Chacun des destinataires doit savoir faire preuve d'autorité mais aussi s'effacer pour donner naissance à un peuple

Les ministres ordonnés sont indispensables mais leur autorité ne se définit pas comme un aller simple : elle permet au peuple de prendre corps pour répondre à Dieu

Ne pensons pas le ministère ordonné à partir de l'épiscopat mais du diaconat : nous risquons sinon de créer des figures mondaines de ministres qui nous emportent loin de l'Evangile (NDLR : et bim)

nb : approfondir le diaconat / la diaconie !

C'est maintenant le temps des questions-réponses (après une discussion entre voisins, manifestement les échanges sont nourris)

Place des laïcs et en particulier des femmes dans les paroisses : à quand des femmes qui distribuent la communion ou prononcent une homélie ? Exemples d'expériences qui font vivre le peuple de Dieu ?

AM Pelletier : La question des femmes, c'est la questions des laïcs... au carré !
Les femmes doivent être estimées, elles sont une pièce maîtresse dans la mission.
Avant qu'une décision soit prise en paroisse, il doit y avoir tout un travail ensemble, avec les laïcs et laïques

Sur le place des femmes dans la liturgie : quand ça se fait, c'est avec avec naturel et justesse. Il ne devrait pas y avoir besoin d'instituer quoi que ce soit
Réfléchir en particulier à la diaconie de la parole et à son partage entre prêtres et laïcs.

Jusqu'au 13e siècle il existait une délégation de la parole et de la prédication aux laïcs, hommes et femmes.
Si ça s'est fait si longtemps, ça devrait pouvoir se refaire
#EgliseDeToujours

D Greiner : présente Promesse d'Eglise dont l'objectif est de faire dialoguer les clercs et laïcs, les mouvements, les congrégations, les âges... faire circuler la parole
Conviction qu'il faut apprendre à travailler ensemble et se parler

Expérience de Diaconia à Lourdes : "on pensait arriver en ayant déjà fait le tour de la question, mais ceux qui ont parlé en premier étaient les personnes en grande précarité : ça a remis les choses à leur place"

La place des plus vulnérables et fragiles est précieuse. Leur ouvrir nos oreilles c'est les ouvrir à tous.

Q : On constate un écart entre ce qui est dit ce soir et ce qui se vit dans la paroisses : autorité de certains prêtres, participation du peuple de Dieu...

Q : Comment accompagner la compréhension que le peuple de Dieu a de lui même ?
L'un des vecteurs de la formation ordinaires des chrétiens c'est la prédication : fait remonter la question à la formation du presbytérat, comment former de véritables pasteurs,

qui accompagnent non pas comme des experts mais comme des croyants.
Le prêtre n'a pas autorité par ses réponses aux questions : il doit au contraire les activer et partager le chemin de la foi

Sur cette Q : une manière de réduire l'écart c'est d'ouvrir ensemble la parole de Dieu, prêtres et laïc-ques. Prendre conscience que cette Parole est adressée à chacun-e, dévoile chacun-e. Sur cette expérience, on est à égalité !

https://twitter.com/lilox85/status/1511419483507810314?s=20&t=wVs2zSxNYi0PvDNk9u-hTw

Ainsi on fait l'expérience de la fraternité, et aussi d'une synergie où chacun-e aide les autres à avancer à partir de là où il-elle en est

Q : Tentation du pouvoir pour les prêtres ?
D Greiner : j'ai tjs travaillé sous l'autorité d'une femme, et j'ai aussi eu des responsabilités dans ma communauté : le pouvoir doit être régulé, quand on est en responsabilité avoir conscience c'est pour le bien de la communauté

Dans la vie communautaire, on n'est pas tout seul.
Changer de missions permet aussi d'apprendre à trouver sa juste place.
E Grier : s'il n'y a pas d'instance de régulation, ça laisse la voie libre à tous les excès

Pointé par le rapport de la #ciase : peu de contre pouvoir dans la vie ecclésiale (alors qu'il y en a dans les communautés, dans les facultés notamment par les visites). Il y a des lacunes à corriger dans l'Eglise pour réguler l'exercice du pouvoir

Questions autour de la gouvernance. Distinguer pouvoir d'ordre et de juridiction ? L'ordination et les responsabilités ?
Il n'y a aucune raison que ça ne puisse pas avoir lieu ! Un évêque pourrait être placé sous l'autorité d'un prêtre, ou d'un-e laïc-que

(réponse ci dessus pas E Grier)
AM Pelletier : on en peut pas les déconnecter complètement : ça vient renforcer une figure sacerdotale au détriment de la figure du pasteur : penser la délégation d'un certain nombre de responsabilités

Q : Pourquoi la commission CIASE n'a toujours pas été reçue par Rome ?
D Greiner : Certains dans la curie reprochent à la CEF de ne pas avoir pris de distance avec les recommandations de la CIASE. Certaines sont provocantes, "on" aurait préféré que la CEF prenne ses distances

(et comme chacun sait, "on est un con")

La réforme de la Curie va dans ce sens : missions limitées dans le temps, renouvellement pour éviter l'entre-soi, laïcs en responsabilité

Q : Le peuple de Dieu a besoin d'exprimer sa grande peine pour et avec les victimes : où peut-il le faire ?
Propositions qui commencent à se structurer (journée mémorielle notamment) : les laïcs doivent s'en saisir eux-mêmes

L'Eglise (et les chrétiens en général) doit aussi mettre son oreille au travail : on a bcp de mal à entendre la colère. "Puisque c'est marqué par la colère, ça ne peut rien porter de bon"
Accepter d'écouter une expression forte et déstabilisante.

C'est aux fidèles de ne pas attendre les réponses de l'institution ecclésiale. Le peuple de Dieu ce ne sont pas que les individus, la culture ecclésiale doit se nourrir aussi de l'ensemble des médiations, réalités et difficultés qu'il vit. Prendre soin de toutes les relations

Cette théologie du peuple élargit nos relations et notre vision : incorporer toute la richesse ecclésiale dans le "polyèdre" dont parle le pape François (@Blue_Pingu pour les maths)

Q sur la synodalité et le synode en cours : quelles réponses sur le gouvernement ? Cette forme permet-elle d'aller assez loin ?
D Greiner : Nous devons devenir des "êtres + synodaux" : le processus n'en n'est qu'à son début. Dynamique à mettre en place

La conférence se termine par la lecture d'un texte de C. Bobin "Ressuciter"
Dans la file de communion, toute l'humanité
"J'ai su alors ce que serait la résurrection"

La conférence sera disponible en replay sous peu : visionnage chaleureusement recommandé.
Prochain rdv, le 9 mai aux Bernardins : "L'éthique sexuelle, une responsabilité sociale"

(et toutes mes excuses pour le flood de vos TL !)