Comment peut-on mourir à 29 ans pour un tube de crème dépilatoire ? C’est la saugrenue question qui se pose depuis mardi aux jurés de la cour d’assises de Seine-Maritime, réunis à Rouen. Le verdict est attendu ce vendredi soir. 👇 
Les faits : Le 4/12/17, Laëtitia Bailleul, 40 ans, tue de deux coups de couteau Julie Villefroy, 29 ans, dans le hall d’entrée de la victime, 11 rue des Alliés au Tréport. Le motif est futile : le mari de Julie a accusé Laëtitia de lui avoir volé un tube de crème dépilatoire.
Laëtitia n’a pas supporté l’outrage. L’Eudoise, originaire du Tréport, comparaît depuis mardi pour assassinat. Un ami, Gérard, 76 ans, casier vierge, répond de complicité pour l’avoir transportée. "Trop bon trop con" convient ce petit homme, abasourdi de se retrouver là
Depuis mardi, Laëtitia fait le show, menaçant 4 fois par jour de quitter l’audience. « Fils de p…, sale grosse m…., je m’en bats les c... moi. Vous voulez me donner 30 ans ? Donnez-moi 30 ans ! Je peux pas le saquer, ce fils de p… » : ça, c’est pour Ludovic, veuf de sa victime
Ses premiers mots, mardi, disent beaucoup des difficultés de compréhension et d’expression de l’accusée : « Je reconnais les effets ». Plus tard, elle indiquera avoir « endommagé » les victimes, plutôt que « dédommagé ».
A sa propre sœur mercredi : « Quand je sors, je vais te crever ! Je vais faire ma peine, je vais régler mes comptes avec ma sœur et je retournerai en prison ». « C’est une bête enragée », commente la frangine.
Laëtitia était un personnage, à la ville d’Eu (76). On a recensé 7 de ses victimes, des femmes victimes de coups de poing, de coups de couteau, de menaces de mort et d’un flot d’insultes. On ne parle pas des mains courantes pour tapage nocturne et voitures rayées…
L’accusée décrit les faits : « Elle m’a dit « monte », je lui ai dit non. J’ai sorti mon couteau et je l’ai frappée au sein. Elle a fait «ah ah». J’y ai mis un deuxième, je l’ai ouverte. Elle est tombée, une jambe repliée, l’autre allongée. Elle a respiré une fois. C’était fini »
A son avocat Me Noël : « Toi, ferme ta g….. Si t’es pas content tu t’en vas ». L’excellente Mme Arzuffi lui fait remarquer : « Quand vous êtes en colère, vous ne m’entendez pas, vous n’entendez pas votre avocat, vous ne vous entendez pas vous-même… »
Et la présidente de fournir à l’accusée – scène surréaliste mais ô combien humaine- des feuilles et des crayons afin qu’elle dessine pour se calmer.
La mère de Julie, hier : « Elle était née le 27 octobre 1989, le jour de mon anniversaire. C’était une petite fille gentille, mon ange, ma petite fleur. Et on me l’a retirée… » Les psys sur l'accusée : « aucun regret, psychotique, égocentrée, brutale, impulsive, dangereuse ».
Le casting. Présidente Julie Arzuffi. Avocate générale Emilie Bourland (requiert depuis 9:05). Défense : Mes Etienne Noël (pour Laëtitia) et Mathilde Sanson (pour Gérard). Parties civiles : Mes Arnaud de Saint-Rémy, Vanessa Malicki, Loïc Le Lay, Vincent Beuxbrère, Victoric Bellet
AG : "Elle (Laëtitia) a voulu laver son honneur et elle n’en a pas démordu. Déterminée. Pas rebroussé chemin dans sa tête" L'alcool a "démultiplié" sa violence mais elle a choisi d'en consommer. Ce n'est pas une circonstance atténuante
Requis contre Gérard pour complicité : 5 ans dont 3 de sursis probatoire et 2 ferme aménageables. L'AG met en avant son âge, son altération, son casier vierge, sa prise de conscience. "Je ne requiers pas qu'il soit incarcéré. L'incarcération doit être l'ultime recours"
Requis contre Laëtitia Bailleul : 30 ans soit le maximum dès lors qu'on retient l'altération. "tenir compte de son comportement depuis 4 ans, pendant l’audience, son absence de regret. « Je ne m’excuserai pas » ce n’est pas audible pour les pc mais aussi pour moi.
AG : "Aucune empathie. Dès 10 :34 mardi elle insultait le mari de Julie. Même pas respecté la parole de la mère de la victime. Dangerosité. Impulsivité, et pourtant pas d'alcool depuis mardi. Vous laisse imaginer à quoi peuvent ressembler ses accès de colère quand alcoolisée"
Laëtitia Bailleul refuse d’assister aux plaidoiries de défense. Audience suspendue. Son avocat Me Noël est descendu dans les geôles pour lui parler.
Retour de l'accusée dans le box. Début de la plaidoirie de Me Mathilde Sanson au soutien des intérêts de Gérard, accusé de complicité. Je pense qu'elle va plaider l'acquittement. Toujours casse-gueule quand on a "bénéficié" de réquisitions modérées...
Me Sanson (pour GC) : "Les éléments matériels (ndlr : de la complicité d'assassinat) sont là. La question, c’est "est-ce qu’il l’a fait sciemment ? est-ce qu’il a adhéré au projet criminel ?"
Pause méridienne. Reprise à 13:00 avec la plaidoirie de Me Noël
Elle refuse de nouveau de comparaître. Une sommation va lui être délivrée par huissier. Audience suspendue.
A 14:00, la présidente prend acte de son refus de comparaître, mais la question va de nouveau se poser pour les derniers mots de l'accusée puis la lecture du verdict. 14:02 : début de la plaidoirie de Me Noël, après 2 h 39 de suspension !
Me Noël : "Jamais je ne me suis senti plus proche de mon serment d'avocat qu'aujourd'hui. Les outrances, intolérances, insultes, je les oublie, je vais vous demander de l’oublier".
A noter qu'hier soir, déjà, Laëtitia Bailleul a été expulsée dès le début des plaidoiries des avocats de partie civile, qu'elle a tenté d'interrompre.
Me Noël : "Elle est incontrôlable. Elle n’est rien, elle n’a pas les armes pour s’insérer en société. Carences éducatives, affectives : elle trimballe tout ça avec elle et ça génère de l’agressivité"
Fin des plaidoiries. L'AG a requis 50 minutes, Me Sanson a plaidé 29 minutes, Me Noël 40 minutes. L'accusé Gérard C n'a rien à ajouter. L'accusée Laëtitia Bailleul refuse de revenir. donc nouvelle sommation. donc nouvelle suspension
L'huissier constate son refus. On passe donc outre. Deux bonnes heures perdues dans cette histoire. Je pense que ce sera le même cirque quand les jurés reviendront avec leur verdict. Début du délibéré : 15:23. (j'adore écrire ça, j'ai l'impression d'être le Dr Ross dans Urgences)
Déjà 4 heures de délibéré.
5 heures...
6 heures...
Verdict : 30 ans dont 2/3 de sûreté pour Laëtitia Bailleul (altération retenue). 5 ans avec sursis pour Gérard C. #Rouen #letréport
Faire quelques courses pour se changer les idées après ce rude procès. Tomber là-dessus juste en entrant dans le magasin…
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
