Nous voilà au Dorothy pour la conférence de JM Sauvé, président de la #CIASE
"La CIASE, et maintenant ?"

Nous sommes plusieurs membres de Agir Pour Notre Eglise, et nous vous proposons un LT des échanges.

La salle est comble !
Présentation du Dorothy, café associatif chrétien qui propose des conférences, des ateliers manuels, des activités et actions sociales Image
L'équipe du Dorothy a pensé cette soirée autour des sujets qui nous invitent le plus à l'action, dans nos paroisses, groupes, lieux de vie, et notamment les questions institutionnelles.
Qu'est ce que faire communion, faire Eglise ?
A partir du rapport de la #CIASE, quelle institution serait fidèle à l'Evangile.
Après une présentation, 3 temps : qu'est ce qui a changé depuis la publication du rapport ? Quelle morale sexuelle ? Quelle institution fidèle à l'Evangile ?
Mélinée nous rappelle les grands constats du rapport :
- analyse statistique très large sur la popfrançaise, pas seulement dans l'Eglise : 10% des français-es majeur-es ont été victimes d'agression sexuelle dans leur enfance.
6% de ces agressions ont lieu dans le cadre ecclésial
Il y a un aspect systémique qui a permis ces abus, notamment avec la loi du silence qui a prévalu jusqu'à récemment.
Dans le cadre ecclésial, les abus sont plus répétés que dans la population générale.
Dans l'Eglise, une vraie culture du silence a prévalu, y compris dans des situations d'abus qui avaient été dénoncés. Seul 10% des signalements ont été suivis d'une réponse institutionnelle
Lacunes propres à l'Eglise :
- peur du scandale, culture du secret et de dissimulation notamment dans les années 60-70
- incapacité à nommer les choses clairement
- évaluation insuffisante des candidats au sacerdoce dans un contexte de baisse des vocations
C'est maintenant au tour de JM Sauvé de prendre la parole.
Trois thèmes : gestation du rapport, place des victimes dans les travaux de la CIASE, comment réparer ?
D'abord, la querelle des chiffres : ce n'est pas un doute cartésien qui a animé les remises en question mais un alibi.
2750 témoignages ont été reçus, ce chiffre monte à 4800 en incluant les archives de diocèse
Alors pourquoi 216 000 victimes ?
Quand le rapport est sorti le 5 octobre, 200 témoignages supplémentaires sont sortis en une semaine.
C'est dire à quel point bcp de victimes n'avaient pas été identifiées
1/3 des victimes l'ont été de laïcs en mission d'Eglise.
Ces chiffres effrayants ne sont qu'une proportion des nombres terribles des abus dans notre société. Leur taux baisse d'ailleurs dans le temps, notamment en raison de la chute de la pratique catholique et des vocations
Dans le temps, le rapport (taux de prévalence) des abus vis à vis de la population catholique a baissé. Mais il n'a pas disparu.
Une cassure s'est opérée dans les années 70, mais depuis le plateau ne descend pas
Le sujet des abus dans l'Eglise N'EST PAS un sujet du passé
Les remises en cause ont seulement eu pour objet de mettre à l'écart les recommandations du rapport
Les travaux de la CIASE ont été une aventure humaine, intellectuelle et spirituelle
Les profils des membres de la CIASE sont extrêmement variés : sciences sociales, théologie, droit. Aucun ne disposait des clés permettant de rentrer dans une compréhension complète, mais la mise en commun de chaque clé a permis d'avancer collectivement
Opinions et croyances très variés :
- catholique (pas tous progressistes !), protestants, juifs, musulmans, athées (qui avaient reçu ou non une éducation religieuse)
Cette aventure a duré 30 mois, il y a eu des désaccords entre les membres, mais tous et toutes se reconnaissent dans le rapport. Aucun paragraphe n'a été un compromis : les constats sont communs pour tous
"J'aurais hésité à faire route avec des personnes qui ont déjà pris des positions très arrêtées sur le sujet. Il était nécessaire de se confronter au réel"
Nous n'avions pas mesuré où ce travail allait nous mener. Il ne suffit pas d'écouter avec bienveillance et de donner son temps (27000 heures de bénévolat !) aux victimes.
Mettre son espace psychique à disposition, au risque de sa tranquillité d'esprit et de son repos.
Chaque audition de victime a duré au moins deux heures d'un récit éprouvant. La somme de l'écoute et de la relecture a été une très grande épreuve personnelle
Posture impuissante, horrifiée, révoltée de celui qui entend sans pouvoir apporter de réponse.
Il peut y avoir celle du psychiatre qui soigne, de l'expert qui fait face, du juge qui arbitre... Mais nous étions impuissants.
La confrontation au mal profond a été terrible.
Nous avons entendu, ajouté quelque chose de singulier : une forme d'alliance avec les victimes, un nouvel équilibre
Le travail de co-construction, mené avec les victimes a nourri la suite des travaux de la commission.
Les propositions ont été élaborées après un travail commun en profondeur avec les victimes.
Nous avons rencontré des vies abîmées, détruites.
Refuser de faire une violence supplémentaire aux victimes en s'érigeant une posture d'expert
L'écoulement du temps doit il conduire à dire que "c'est terminé" ?
Sur le plan pénal (prescription jusqu'à majorité + 30 ans)
Les conséquences peuvent être ravageuses sur les victimes : plaintes classées, non lieu...
JM Sauvé, visiblement ému, raconte une audition de nombreuses victimes aux trajectoires de vies très différentes qui ont toutes pleuré pendant leur audition.
Que faire ?
Les commissions (pour la CEF et la COREFF) désormais mises en place traitent chaque cas, nouvelle épreuve pour les victimes et pour celles et ceux qui vont les écouter
Première question de l'équipe : depuis la publication du rapport qu'est ce qui a changé ? D'abord pour vous ?
On en peut pas faire expérience plus intime de sa vulnérabilité, tous les membres de la commission ayant participé aux auditions ont profondément changé de regard sur l'Eglise catholique.
JM Sauvé témoigne de victimes là où il a été pensionnaire, et se rend compte que "tout le monde savait"
L'aspect systémique ne veut pas dire que l'Eglise a été une entreprise criminelle. On désigne par là que l'institution n'a pas su faire preuve de discernement, n'a pas voulu voir, entendre les victimes, capter les signaux faibles
Quand les situations étaient détectées, cela se traduisait par des déplacements pour éviter le scandale.
Mais le scandale est-il dans la révélation des abus, ou dans le silence ?
L'Eglise ne peut pas suppléer à toutes les faiblesses humaines.
C'est l'ensemble de ces agissements qui crée l'aspect systémique. Ce système englobe des prêtres, des évêques, des supérieurs d'ordre, mais aussi tant de laïcs.
Les enfants savaient ! A 11-12 ans nous nous rendions compte qu'il se passait des choses qu'on ne savait pas nommer : les adultes savaient, tout le monde savait !
De toutes les autres institutions dans lesquelles des abus systémiques ont eu lieu, l'Eglise catholique est la seule à avoir créé une commission indépendante à qui elle a donné tous les moyens et toute liberté.
L'Eglise catholique a su faire ce travail, il est absolument certain que personne ne mènera un travail semblable en France. Les logiques institutionnelles ont protégé du scandale pendant des décennies, mais la flamme de l'Evangile a fait que, quelque chose a changé
La CEF qui s'est réunie à Lourdes en novembre a abouti a des résultats auxquels la commission n'osait pas rêver. Les déclarations ont été faites sur la responsabilité institutionnelle de l'Eglise catholique dans des termes clairs.
Les deux institutions de reconnaissance ont été créé et établi un barème qui tient compte de la réalité des vécus des victimes
Les premières décisions, les plus urgentes, sont de reconnaître la qualité de victime et de déclencher les indemnisations.
Ce sont les questions les plus sensibles qui ont valu à la commission les attaques après la publication du rapport : certains risques identifiés remettent en cause des positions
Notamment la morale sexuelle :
- on ne sait pas, on ne veut pas en parler
- tous les "manquements" à la morale sexuelle catholique ont un même degré de gravité uniforme et très haut.
On ne peut pas mettre sur le même plan une relation hors mariage entre adultes consentants et une relation sexuelle avec un enfant !
Ce type de morale obscurcit le discernement, y compris celui des auteurs.
IL Y A DES HIERARCHIES DANS LE MAL
Autre angle problématique : articuler l'ordre de la grâce et du salut, et l'ordre de la rétribution des fautes.
Les aumôniers de prison le savent bien : on peut payer sa dette à la société et être aimé de Dieu.
Mais l'Eglise n'a pas su faire la différence entre ce qui relève de la miséricorde et du pardon et ce qui relève de la faute qui doit être jugé par la société civile
Beaucoup d'auteurs n'ont pas hésité à jouer sur cette corde sensible, obscurcissant le discernement des supérieurs en charge de la gestion des affaires
Question : enjeu sur la prise en compte de la sexualité dans la formation des futurs prêtres et le discernement des vocations
Quelles sont les causes ? Pourquoi y a t-il eu des agressions sexuelles dans l'Eglise ?
Il y a 2 grilles de lecture :
"le célibat est anti naturel et ne peut conduire qu'à des abus".
Mais partout où il y a des adultes en position d'autorité il y a risque d'abus !
La cellule familiale est de loin là où il y a le plus d'abus. Mais aussi le sport, l'enseignement, la protection de l'enfance... Dès qu'il y a des relations d'autorité, il y a une voie pour la réalisation de l'abus
L'accès à la conscience de l'enfant est un privilège mais peut déboucher sur des abus.
Regarder en face ces réalités !
Toutes les instances de socialisation doivent balayer devant leur porte. Tout le monde est bcp plus vigilant aujourd'hui, mais personne ne veut regarder le passé.
Le célibat a pu être générateur de frustration et favoriser un passage à l'acte.
Mais dans de nombreux cas ce n'est pas la cause, mais la conséquence d'un état psychique.
C'est parce qu'il était profondément pédocriminel que le père Preynat a choisi le sacerdoce.
deuxième point d'explication : l'accompagnement des prêtres. Il y a eu plus d'abus dans les régions + catholiques, mais rapporté au nombre de prêtre, le taux est moins élevé que dans la "diagonale du vide catholique"
C'est le signe d'une plus grande solitude, de moins d'accompagnement y compris par la communauté et les familles chrétiennes. L'absence d'un réseau relationnel, amical peut favoriser le passage à l'acte.
Dans plusieurs diocèses, les archives montrent des relations entre l'évêque et la PQR : il y a eu des faits couverts, ou présentés sans parler de la qualité de prêtre.
La lettre d'un procureur à un évêque : "je vais encore classer sans suite mais tu dois faire qqch
C'est un système social.
La conjuration du mal.
Q : Sentez-vous une volonté de faire bouger les choses sur la personne du prêtre ?
Un vrai angle de fragilité dans l'EC.
Il est évident que certaines théologies du sacerdoce faisant du prêtre l'Ipse Christus - le Christ lui même - sont périlleuses.
Et profondément hérétiques ! Ce n'est pas la doctrine de l'Eglise catholique
Tant de récits de victimes montrent à quel point le prêtre a scandaleusement abusé de sa position, voire confondu sa personne avec Dieu !
Dans certaines familles dans lesquelles le père est absent ou transparent, le prêtre a parfois pris son rôle
Une victime se souvient "c'est Dieu lui-même qui venait à la maison"
Comment y résister ?
L'alter Christus n'est pas bcp plus conforme.
C'est l'objet des critiques de l'Académie catholqiue.
Nous ne sommes pas au Ve ou au XVIe siècle ! On ne peut pas se baser sur une doctrine inadaptée à la réalité
S'opposer à la théologie "in persona Christi" ce n'est pas s'opposer à la CIASE... C'est s'opposer à Vatican II !
JM Sauvé est confiant sur les attaques :
Notre rapport n'a pas été lu par ses détracteurs !
Sur une recommandation sur laquelle on nous a attaqué, nous citions le pape François !
Sur des sujets comme le cléricalisme, la théologie du sacerdoce, la réparation due aux victimes, grande cohérence avec les textes des papes.

Lien entre les abus d'autorité, de confiance, spirituels et sexuels : c'est le pape François
Le secret de la confession a été institué, pas pour protéger l'Eglise mais le pénitent !
Ce dont la CIASE a été témoin c'est que des enfants victimes se sentent coupables et viennent en parler en confession. Le secret ne doit pas se retourner contre les victimes
Le secret protège un péché, or être victime d'abus sexuel n'est pas un péché !
On doit donc espérer pouvoir trouver un moyen de conciliation avec l'obligation de dénonciation
Q: quel lien avec la démarche synodale ?
Il y a une exigence forte pour toute institution de mettre en place des procédures de contrôle interne, d'évaluation des risques.
Le risque le plus grave est de faire du mal aux enfants qu'on a mission de protéger
L'Eglise catholique n'est pas dispensée de mettre en place des dispositifs de prévention, de cartographie des risques, d'évaluation.
Tout ce qui est mis en place dans les institutions est un héritage historique de l'Eglise... qui semble avoir oublié
Beaucoup d'affaires sont restées sur le registre de l'oral, se sont passées d'évêque à évêque : il faut des dossiers, des traces, sinon pas de traitement efficace
Ce qui peut aider l'Eglise catholique, d'un point de vue croyant, c'est son essence divine !
L'Eglise, ce sont les témoins de la résurrection.
Petit cours de caté par JM Sauvé sur la chronologie de l'Ecriture :)
Bientôt les questions de la salle : nous pouvons essayer de transmettre les vôtres si vous le souhaitez (à poser en réponse en MP)
On raccroche sur l'Eglise qui est une institution mais pas seulement : c'est ce qui peut lui permettre de sortir de la prostration dans laquelle de nombreux croyants se trouvent.
Décision de la tolérance zéro : 1998 pour l'éducation nationale, 2000 pour l'éducation catholique.
Ca a été + long pour l'Eglise, et il a fallu attendre 2010 et l'affaire Preynat.
Il y a d'abord eu le déni absolu : le pécheur était la victime.
Il y a parfois eu des indemnisations quand l'évidence était trop énorme. Mais c'était en échange d'un serment - sur l'Evangile !- de ne rien dire
En dépit de toutes les fautes, de tous les torts accablants, l'Eglise détient bcp plus dans sa dimension eschatologique qu'institutionnelle les clés du sursaut et du salut.
Elle doit utiliser tous les moyens humains à sa portée, elle est capable de poser des gestes prophétiques
Applaudissements très nourris de la salle après cette intervention très riche.
Clarté et franchise
Question : on parle bcp des réparations monétaires et financières, 99% des plaintes pour viol sont classées sans suite : l'Eglise a t-elle un rôle à jouer vis à vis de la société ? Pourquoi ce focus sur l'aspect financier et pas sur la justice pénale ?
Bcp de précautions sur la réparation civile, monétaire. Au fond les victimes ne veulent pas recevoir un chèque pour voir la consigne de ce tête. Un chèque peut être injurieux.
Ce qui compte c'est le reconnaissance : à ce moment là seulement on peut indemniser
La commission sur l'inceste (CIVIISE) fait un travail sur le travail pénal des plaintes : pourquoi un taux de classement aussi massif ?
Il y a des dysfonctionnements de la justice, et en même temps un part de fonctionnement normal. On ne peut condamner que s'il y a des preuves matérielles suffisantes
Des dizaines d'années après, les violences sexuelles sont difficiles à prouver.
Les violences sexuelles sont des crimes qui ne laissent pas de traces physiques.
Au sein de la CIASE il n'y a pas eu de recommandations d'allonger le délai
On ne désigne aucun coupable, ce qu'on ne peut faire pénalement
Mais on reconnaît des victimes.

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Apr 28
Question sur la gouvernance, la place des laïcs et des laïques

Pour avoir de la gouvernance, il faut de l'altérité. Il ne faut pas s'entourer des conseils que des personnes qui pensent comme eux.
Il peut y avoir pire que le cléricalisme des prêtres : celui des laïcs...
Q: Au moment de la publication du rapport, c'est surtout le chiffre de 330 000 qui est sorti. Au détriment du reste ?

On était conscients que le rapport risquait d'être réduit à un chiffre.
Les recevoir a été une déflagration mais ils sont très cohérent
Je ne regrette pas ce travail. Je pense qu'il était nécessaire.
Tous les pays qui se sont lancé dans ce type de travaux, quelque soit la forme, ont fait des constats du même type.
Un seul pays a fait une étude transversale analogue : les Pays Bas.
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