Thread by @reorens

Inondations - L'exorcisme.
#inondations #Wallonie

Vendredi, #Investigation #RTBF retournait dans la vallée de la #Vesdre,... où tout le monde ou presque reste convaincu de la part de responsabilité du #barrage d'#Eupen.

Pourquoi ?

Thread [1/32]

rtbf.be/article/invest…

[2/32] Un an s'est pratiquement écoulé et les plaies sont toujours à vif :

💬 "Ce ne sera jamais plus comme avant"
💬 "Au courant de la moindre petite alerte, ça nous met tous [...] en état de stress"
💬 "Je ne sais pas où aller, je ne sais pas quoi faire"

[3/32] Après son reportage du mois d'octobre, le journaliste Alain Vaessen est reparti à la rencontre des habitants de la vallée pour la version "Podcast" estivale du magazine #Investigation.

Revoir l'émission d'octobre ⤵️
rtbf.be/auvio/detail_i…

[4/32] L'audio est captivant, poignant, parfois ; et très réussi.
Il intéresse car, au-delà des récits, des stigmates ou des explications, il concrétise cette dimension psychologique du drame et touche à la dimension sociale du traumatisme.

[5/32] À #Trooz, Étienne, président du CPAS et par ailleurs psychologue, confirme les sentiments de lassitude et d'inquiétude dans la population.
Les demandes d'aide matérielle et financière ont fait place au désarroi face aux démarches, aux questionnements sur la reconstruction.

[6/32] La détresse est aujourd'hui psychologique, et le soutien davantage "moral".
"Dès que vous avez un orage, ajoute-t-il, l'idée revient [...] c'est une angoisse, une inquiétude sourde [...], les gens sont intranquilles"...

[7/32] Ce qui les aurait préservés jusqu'ici, selon lui, c'est la solidarité collective qui s'est cristallisée autour du drame : les gens se réunissent, parlent de leur problèmes...

[8/32] Nous avions déjà évoqué le phénomène ici, en lien avec l'obsession dont font l'objet les barrages immédiatement après une inondation à l'aval.

https://twitter.com/reorens/status/1423607684721426432

[9/32] À #Trooz, où 500 habitants sont définitivement partis et 2500 temporairement délocalisés, où il n'y a plus de locaux, de matériel pour l'événementiel, faire perdurer et reconstruire - sur d'autres bases - du "collectif" est perçu comme un besoin d'autant plus fondamental.

[10/32] Pourtant, dans la vallée, tout n'irait pas si mal.
"C'est incroyable, mais le marché, confie un agent immobilier, est exceptionnellement bon."
Aucun problème pour trouver acheteur ou locataire.
Nous y reviendrons, mais passons d'abord par #Eupen pour mieux comprendre...

[11/32] Ce qui frappe, surtout, c'est l'omniprésence du barrage dans les discours, dans les esprits, et dans le reportage lui-même.
Alain Vaessen discute avec tous ceux qu'il croise et "on [lui] parle presque à chaque fois d'une 'erreur humaine'".

[12/32] Malgré la commission d'enquête et les explications avancées, le doute - ou l'intime conviction - persiste.
Pour Marc, premier témoin interrogé, "quand on a vu monter ça, ce n'est pas possible, il y a une erreur humaine quelque part, ils ne veulent pas l'admettre".

[13/32] Plus en amont encore, à Dolhain, Chantal en est "quasiment certaine" :
"Oui oui oui oui oui [sic], c'est impossible que le barrage ne soit pas en cause, c'est impossible".

[14/32] Le problème, pour sa bourgmestre, Valérie Dejardin, c'est qu'"à aucun moment, aucune autorité publique n'a dit 'voilà ce qui s'est passé'"...

[15/32] Le journaliste, lui, semble pourtant aujourd'hui convaincu sur le barrage :
"On l'avait accusé d'avoir relâché de l'eau brutalement. On sait aujourd'hui que la seule eau qu'il a laissé passer [...] parce qu'il était à saturation, c'était la pluie elle-même, rien de plus".

[16/32] Tellement convaincu qu'il livre cette lecture simplifiée des choses comme un fait parfaitement établi ("on sait aujourd'hui"), et qu'elle sera livrée à l'auditeur à trois reprises.

[17/32] À cette "obsession", il avance aussi une autre explication que celle de la bourgmestre de Limbourg.
Persister à incriminer une erreur humaine au barrage, "peut-être que ça rassure"... puisqu'on ne devrait pas la commettre deux fois.

[18/32] C'est aussi ce phénomène qui contribuerait à l'apparente bonne santé du marché immobilier de la vallée.
On le pense, en tout cas, à l'agence : "Beaucoup se disent, même si on n'en a pas encore des preuves, que c'est une erreur humaine, qu'on va en tirer les leçons".

[19/32] À Eupen, c'est Thibaut Mouzelard lui-même, l'inspecteur général des barrages publics wallons, qui attend Alain Vaessen dans les entrailles de l'ouvrage.

Mais l'objectif n'est pas de revenir sur les questionnements qui persistent.

[20/32] Le journaliste prend d'ailleurs soin d'introduire la séquence en rappelant sa lecture des faits "établis", qu'il illustre cette fois par le trop plein d'un évier dont on aurait oublié de fermer le robinet.

[21/32] Ce qui l'intéresse, c'est comment les équipes sur place ont vécu ce qu'il appelle "la polémique de l'an dernier"...
Certes, il n'y a pas que les sinistrés qui ont été impactés, mais présenté ainsi, on occulte la persistance du débat, en même temps qu'on le décrédibilise.

[22/32] Pour une (brève) évocation des manquements, il faut attendre le retour en studio, après le reportage.
Rapporteuse de la commission d'enquête, Marie-Martine Schyns ne dément évidemment pas qu'il y en ait eu. "À chaque étape", même...

[23/32]

⭕️ Alertes
⭕️ Veille hydrologique wallonne
⭕️ Barrages
⭕️ Secours

"À chacune de ces étapes, on a constaté qu'on pouvait mieux faire. Qu'il y avait parfois de petits problèmes, parfois de graves dysfonctionnements."

[24/32] Mais, au-delà des recommandations de la commission, impossible de savoir précisément ce qui a été estimé comme tel.

https://twitter.com/reorens/status/1509201433190703107

[25/32] Il grossit sans doute le trait, mais, selon Fabien Beltran, bourgmestre de Trooz, lorsque le sujet des inondations est abordé, la responsabilité du barrage d'Eupen est pointée du doigt par ses administrés... dans 99 % des cas.

"Si ça permet d'exorciser...", ajoute-t-il.

[26/32] Plus tôt, Alain Vaessen développait en effet l'idée esquissée dans le reportage :
"Se dire qu'il y a eu une erreur humaine permet, d'une certaine manière de s'apaiser un peu [...] et, ma foi, peut-être que ça fait partie de la reconstruction et qu'il faut admettre ça."

[27/32] Le barrage : exutoire ? exorcisme ?
En août, nous avions déjà évoqué le caractère presque universel du phénomène obsessionnel autour d'Eupen.
D'emblée, il avait pourtant été disqualifié, alors que rien, a priori, n'entachait la pertinence des questions qu'il posait.

[28/32] Alors que personne aujourd'hui n'a encore démontré ni l'existence ni l'inexistence du rôle du #barrage d'#Eupen dans l'ampleur de la crue de la #Vesdre, deux positions s'affrontent : le dogme & la critique.

[29/32] La position dogmatique, c'est, dans le doute, se forger une certitude, élevée au rang de vérité.
La position critique, c'est persister à douter, à envisager tous les possibles jusqu'à ce qu'ils aient été valablement écartés.

[30/32] Le dogme repose sur une croyance ; les "infidèles" sont stigmatisés et leur opinion, leurs doutes, systématiquement discrédités.

[31/32] Le reportage inverse en quelque sorte les rôles : apaisés par leur foi, par l’espérance, par exorcisme, ceux qui doutent sont ces irrationnels croyants.
Les autres, suivraient, eux, une vérité respectable, d'ordre quasi "scientifique".

[32/32] Mais la vérité est illusoire. Elle n'est pas unique. Multiforme, elle est tantôt historique, tantôt politique, tantôt scientifique...

Tantôt aussi, elle est judiciaire et, pour acquitter l'accusé, le doute légitime y a alors heureusement toute sa place.

[FIN]