Thread by @DominiqueReynie

.@paulmozur, @muyixiao et @JohnLiuNN ont publié un article remarquable dans le @nytimes du 25/06/22 sur les nouveaux développements du système répressif chinois: «‘An Invisible Cage’: How China Is Policing the Future» [ma synthèse: 1/25] Cc @Aurelie_JEAN. nytimes.com/2022/06/25/tec…

2) 1,4 Mds de Chinois sont désormais l’objet d’un contrôle constant, sous l’œil de 600 millions de caméras (rues, métros, halls d’hôtel, immeubles…). Les téléphones sont tracés, les achats enregistrés et les échanges en ligne censurés.

3) C’est maintenant leur futur qui est sous surveillance. La police chinoise se dote en effet d’une technologie fondée sur l’exploitation de données massives et supposée «prédire» les délits et les mouvements d’opposition. #MinorityReport

4) Un algorithme a été créé pour cibler les personnes dont l’attitude ou les caractéristiques sont suspectes, même si ces personnes n'ont commis aucun acte répréhensible. Elles en sont jugées capables et pour cela mises sous surveillance.

5) Sont considérés fauteurs de troubles potentiels ceux qui ont un passé de délinquant, mais aussi les membres des minorités ethniques, les travailleurs migrants et ceux qui ont des antécédents de maladie mentale.

6) Ces technologies intensifient le contrôle, fouillent de plus en plus intimement la vie des individus, assumant un espionnage étouffant, à la chasse des moindres parcelles de vie privée, automatisant la discrimination et la répression.

7) Ces algorithmes, que les autorités présentent fièrement comme autant de performances technologiques, intègrent des biais racistes, ce que révèle le profilage des personnes à surveiller ou placées en régime de liberté conditionnelle.

8) La police utilise ce système dans l'opacité et l'impunité. Les personnes ne savent pas qu’elles sont surveillées. Les autorités chinoises n’ont besoin d’aucun mandat pour recueillir et stocker les données personnelles. Hong Kong subit désormais ce régime totalitaire.

9) Selon les experts chinois, quand bien même ce système échouerait à anticiper les comportements, il resterait efficace, l’idée d’une surveillance totale étant supposée inhiber par elle-même la protestation et la délinquance.

10) Le logiciel promet "une base de données multidimensionnelle stockant les visages, les photos, les voitures, les cas d’incidents" dans le but d’évaluer la culpabilité potentielle de chaque personne et d’étouffer dans l’œuf les protestations.

11) La police de Tianjin a acquis le logiciel Hikvision de prédiction des protestations. Le système collecte des données sur les "pétitionnaires", ceux qui tentent de porter plaintes contre des fonctionnaires locaux incompétents ou corrompus. ipvm.com/reports/hikvis…

12) Hikvision est supposé définir la probabilité que les pétitionnaires se rendent à Pékin pour protester. Les responsables locaux et le pouvoir central utilisent ces technologies pour étouffer les scandales et pour que ces protestations n'atteignent pas la capitale.

13) En 2017, Zekun Wang demandait réparation pour avoir été victime d'une fraude immobilière. Il a été intercepté à Shanghai alors qu'il tentait d'acheter des billets pour Pékin, avec d'autres pétitionnaires. Les autorités espionnaient leurs communications sur WeChat.

14) Hikvision définit la probabilité qu’ont les individus de protester en fonction de leurs relations sociales et familiales, des voyages effectués, etc. Il génère des profils de pétitionnaires «paranoïaques», «méticuleux» ou «colériques».

15) Je souligne l’ironie sinistre de ce système fondé sur une surveillance absolue au service d’un pouvoir obsédé par le contrôle, qui soupçonne sa population de «paranoïa» tout en l’espionnant à chaque instant.

16) Nombre de ceux qui pétitionnent dénoncent les fautes du gouvernement. Hikvision recommande d’augmenter "le niveau d'alerte précoce d'une personne relevant d'un statut social inférieur ou ayant subi une tragédie majeure".

17) Ces systèmes ciblent les individus souffrant de maladie mentale, condamnés, fugitifs, toxicomanes, pétitionnaires, terroristes présumés, activistes politiques et ceux soupçonnés de menacer la stabilité sociale.

18) Sont aussi visés les travailleurs migrants, les adolescents «désœuvrés» (déscolarisés et sans emploi), les minorités ethniques, les malades atteints de V.I.H. Les autorités décident qui figure sur les listes. Il n'y a pas de procédure informant ceux qui s’y trouvent.

19) Ces systèmes peuvent alerter chaque fois que deux personnes avec des antécédents de consommation de drogue entrent dans le même hôtel ou lorsque quatre personnes avec des antécédents de protestation entrent dans le même parc.

20) L'article cite le cas de M. Zhang qui a demandé réparation au gouvernement, sa famille ayant été torturée pendant la Révolution culturelle. Depuis, avec sa famille il fait l’objet d’un ciblage policier harassant, contre lequel il a déposé une autre plainte.

21) Pour se rendre à Pékin, il a éteint son téléphone, payé plusieurs tickets, en espèces, pour des destinations différentes, puis payé des automobilistes afin de contourner les points de contrôle.
Chaque fois qu'il éteint son téléphone des agents se présentent chez lui.

22) Une fois entrés dans une base de données, les noms sont rarement supprimés. Les experts estiment que ces technologies renforcent les inégalités sociales (déjà abyssales) en imposant une surveillance extrême aux plus modestes.

23) Ces technologies encodent des listes de personnes que le système de surveillance doit ignorer. Cette fonction «V.I.P.» est évidemment un privilège réservé aux membres du gouvernement.

24) Xi Jinping l’annonçait dans un discours prononcé en 2019 : "Les méga-données joueront un rôle moteur dans le développement innovant de notre sécurité publique ainsi que pour l’accroissement de nos capacités de combat".

25) En 10 ans, Xi Jinping a renforcé et centralisé l'État sécuritaire, déployant un totalitarisme high tech inédit dans l’histoire. Mais la mobilisation d'un tel système de contrôle et de répression est aussi le signe qu'une autre Chine s'éveille.