Thread by @edwyplenel

THREAD #VeldHiv « La police de Vichy était républicaine. » C’est ainsi que commence en 1949 la déposition de René Bousquet devant la Haute Cour chargée de juger les faits de collaboration avec l’occupant nazi. Bousquet était le patron de la police nationale sous Vichy. 1/14

Bousquet ne fut condamné qu’à 5 ans d’indignité nationale mais immédiatement relevé de cette déchéance. Il est le premier responsable des rafles antisémites de juillet 1942 menées par la police française pour arrêter et envoyer à la mort des juifs parce qu’ils étaient juifs. 2/14

Bousquet fit ensuite carrière à la Banque d’Indochine et, surtout, fut jusqu’à son assassinat en 1993 un proche de François Mitterrand qui l’a toujours protégé. En 1958 il fut même candidat malchanceux aux législatives avec le soutien de l’UDSR, le petit parti de Mitterrand. 3/14

Proche de la famille Baylet et de son groupe de presse (La Dépêche du Midi), Bousquet fit partie d’un des cercles qui accompagnèrent la conquête du pouvoir par Mitterrand. Tout comme son adjoint à Vichy Jean Leguay, auquel Mitterrand rendit un hommage privé à sa mort en 1989 4/14

Haut fonctionnaire brillant de la IIIe République, Bousquet n’était aucunement d’extrême-droite mais fit une politique d’extrême-droite. Il est emblématique de « L’étrange défaite » française (Marc Bloch): la collaboration sous Vichy d’élites républicaines avec le nazisme. 5/14

Entre autres crimes (il y eut aussi Marseille en janvier 1943), René Bousquet est le premier responsable des rafles antisémites des 16 et 17 juillet 1942 à Paris. C’est lui qui demande à l’occupant nazi de laisser agir la police française et, aussi, de rafler les enfants. 6/14

« La police française est susceptible de rendre les plus grands services, écrit Bousquet le 18 juin 1942 au général nazi Oberg. Je suis certain qu’elle peut faire davantage encore. » Il s’y dit prêt à « tout mettre en œuvre pour entreprendre dans un esprit de coopération… 7/14

… étroite et loyale la lutte contre le terrorisme, l’anarchisme et le communisme, ennemis communs de nos deux pays. » Les rafles du #VeldHiv seront la mise en pratique de cette participation active au génocide des juifs. Une réunion préparatoire du 2 juillet 1942 le prouve. 8/14

C’est Serge Klarsfeld qui a exhumé ce document décisif. À de cette réunion Bousquet demande à l’occupant nazi que la police française reste maîtresse chez elle, autrement dit qu’elle commette elle-même le crime contre l’humanité. Le compte-rendu de la réunion est explicite 9/14

«Bousquet se déclare prêt à faire arrêter sur l’ensemble du territoire français et au cours d’une action unifiée le nombre de Juifs ressortissants étrangers que nous voudrons.» Bousquet recommanda aux Allemands, qui n’en demandaient pas tant, de ne pas oublier les enfants. 10/14

Le matin du 17 juillet, second jour du #VeldHiv, se tint une réunion franco-allemande au sommet. Compte-rendu: « Les représentants de la police française ont exprimé, à plusieurs reprises, le souhait de voir les convois à destination du Reich inclure également les enfants.» 11/14

Le 11 septembre 1942, le pasteur Boegner, responsable de la Fédération protestante de France, fait part de son indignation à Bousquet. Réponse du chef de la police française: «L’impopularité actuelle du gouvernement sera un de ses plus beaux titres de gloire dans l’avenir.» 12/14

L’itinéraire de Bousquet, qui se disait républicain et fut proche par Mitterrand, résume la leçon de Vichy : l’idéologie criminelle d’extrême-droite gagne par effondrement des digues éthiques et politiques au nom du souci de parvenir ou rester au pouvoir quoi qu’il en coûte 13/14

La gauche, qui n’a toujours pas fait l’inventaire radical de Mitterrand (de Vichy au Rwanda en passant par l’Algérie), comme la droite, qui flirte aujourd’hui avec les obsessions de l’extrême-droite, devraient toutes deux méditer cette histoire française. 14/14

* rectificatif : j’ai ici confondu Jean Leguay et Jean-Paul Martin, autre proche collaborateur de Bousquet au secrétariat général de la police nationale. C’est à lui que Mitterrand rendit hommage lors de sa mort. fr.m.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul…

* Rectificatif : j’ai confondu dans ce thread Jean Leguay et Jean-Paul Martin, autre proche collaborateur de Bousquet au secrétariat général de la police nationale. C’est à lui que Mitterrand rendit hommage lors de sa mort en 1986.
fr.m.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul…

Post sriptum : sur René Bousquet, le livre de référence est l'enquête biographique de Pascale Froment ⤵️
fayard.fr/histoire/rene-…