Thread by @ArnaudPhilipp

Bon aller on va parler du scandale du moment. #Fresnes. Un petit 🧵 sur conditions de détention et récidive.👇

Alors commençons par être décevant : je ne connais aucune étude sur l’effet du kart. Désolé. On s’intéresse pas aux vrais questions en science sociale.

Pour ce qui est plus généralement de l’effet des conditions de détention sur la récidive, le problème, comme d’hab, est que les gens placés dans des établissements avec de « bonnes » conditions ne sont pas les mêmes que ceux placés dans de « mauvaises » conditions.

Le plus vieux papier que je connaisse (il y en a sans doute plein d‘autres) à surmonter ce problème est de Chen et Shapiro qui se sont intéressé à 1200 détenus libérés, en 1987, de prisons fédérales US.

academic.oup.com/aler/article/9…

Ces détenus étaient placés dans des prisons de niveau de sécurité différent sur la base d’un score établi à l’entrée à partir d’une grille d’évaluation. Les conditions variaient drastiquement. Par ex les proba de blessures passaient de 14% à 22% selon le niveau de sécurité.

Bien sur les détenus des différentes structures étaient différents mais ce qui est intéressant ici est que l’assignation se faisait purement sur la base du score et évoluait de manière discontinue.

Les détenus ayant un score de 0 à 6 avaient entre 60% et 80% de chances d’être dans une prison de sécurité minimale tandis que ceux ayant 7 ou plus n’étaient à peu près jamais placés dans ces structures.

L’idée des chercheurs a alors simplement été de comparer l’évolution de la récidive par score attribué.

Certes on s’attend à ce que la récidive évolue avec le score (s’il est bien fait) mais il n’y a en revanche aucune raison d'observer un changement brutal entre les scores administratifs de 6 et de 7.

Or, si les détenus avec des scores de 5 et 6 récidivaient a peu près autant (de même que ceux avec 7 ou 8), l’écart entre 6 et 7 s’est avéré très important : +10% à 15% de hausse de la récidive pour ceux placés dans les conditions les plus sévères.

Alors comme toujours on peut dire que c’était il y a longtemps dans un pays qui fait n’importe quoi avec ses prisons. Sauf que non.

En Colombie, Tobon trouve que les détenus assignés aléatoirement (parce qu’incarcéré juste après l’ouverture de l’établissement) à des nouvelles prisons 6 fois moins surpeuplés que les vieilles récidivent 36% moins .
direct.mit.edu/rest/article/d…

(notons une revue de littérature utile dans le papier p30)

En Italie Mastrobuoni et Terlizzese trouvent des résultats allant dans le même sens avec une stratégie similaire.
dropbox.com/s/ivs4i7pc29j9…

(on retrouve aussi des résultats dans le même sens si on élargie la questions aux aménagements de peines mais bon c’est une autre histoire)

Bref il y a une belle unanimité sur le fait que oui, avoir des conditions de détentions meilleures diminue la récidive.

Dans des délits et des peines Beccaria dit à un moment, de mémoire, que la prison est plus dissuasif que la peine de mort car au lieu d’une image fugace vite oubliée les gens font la somme mentale de toute les souffrances de la prison et se rendent compte de la dureté de la peine

A mon humble avis il se plantait. Quand on pense à la prison on peine à imaginer la souffrance généré par le « simple » fait d’être cloitré 18h par jour (en MA) dans une cellule.

Parce que oui être allongé sur son lit et regarder la télé, parfois, c’est cool. Mais parfois on n’a pas envie et on peut faire autre chose. Les détenus non.

Quand on prend conscience de cela ou qu’on en parle avec une personne incarcérée on n’a même plus besoin de rajouter les adjuvants, réels, de l’absence d’intimité, de la qualité de la nourriture, des éventuels rongeurs, des violences des uns et des autres.

Mais c’est un effort de projection difficile à faire surtout que les personnes détenus n'attirent pas la sympathie de la majorité. L’affaire du kart semble indiquer que, chez pas mal de gens, cet effort n’est pas fait.

C’est tout pour moi, merci d’avoir lu.