Pour commencer, un fait juste (oui, ça vous surprend sans doute aussi et pourtant !)
La Russie bénéficie en effet de la hausse des prix sur le marché de l'énergie et je n'ai guère de doute que ses revenus à l'export ont augmenté depuis le début de la guerre
MAIS
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"Cette hausse des prix est causée par les sanctions économiques contre la Russie"
Cet argument est une affirmation causale. Qu'il faut donc prouver.
Je pose donc la question : où sont les preuves de M. Lenglet ?
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En science économique, et je sais que ça va surprendre Alternatives Économiques, une preuve de causalité ça n'est pas superposer 2 courbes
Une preuve de causalité nécessite un travail statistique et empirique complexe, souvent par des techniques dites d'inférence causale
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Où sont donc les preuves empiriques basées sur ces méthodes empiriques de l'affirmation de M. Lenglet ?
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L'affirmation de causalité est d'autant plus problématique que je vois, pour ma part, une autre cause possible
Accrochez-vous elle est subtile, je comprends qu'elle lui ait échappé
J'ai nommé : la guerre
Oui je sais, c'était pas facile à voir je comprends le choc
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D'une part, les sanctions sont *causées* par la guerre. Pas de guerre de la Russie en Ukraine ? Pas de sanctions.
D'autre part et comme je l'écrivais dans ce numéro, les guerres sont fondamentalement mauvaises pour l'économie
Elles détruisent le capital public (routes, voies ferrées, écoles, etc.) et privé (maisons, usines, supermarchés, etc.)
Elles tuent soldats et civils
Elles introduisent de l'incertitude économique. Que se passe-t-il si ? C'est une question que l'on veut éviter à se poser.
8/31
Peut-être, peut-être je dis bien, que la véritable cause de la hausse des prix sur le marché de l'énergie ne sont pas les sanctions économiques contre la Russie mais… la guerre en elle-même en fait
Je dis ça, je dis rien
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"Les sanctions n'ont servi qu'à remplir les coffres de Poutine"
Alors pour cette seconde affirmation, soit on est dans la désinformation la plus crasse, ou alors M. Lenglet n'a pas fait son travail de vérification minimum des informations
Gênant vu son métier
10/31
Les sanctions économiques contre la Russie n'ont jamais eu pour objectif, au moins immédiat, de détruire ses débouchés pour le gaz et le pétrole
Si ça avait l'objectif, pourquoi n'y a-t-il pas eu… d'embargo ?
Pêle-mêle, ces sanctions ont pour objectif de :
- faire payer la guerre à la Russie, aujourd'hui et demain
- réduire sa capacité de nuisance militaire future. Ce qu'ont déjà réussi à faire les sanctions de 2014 soit dit en passant, vu l'état du matériel militaire russe
12/31
- envoyer un message à la Chine qu'envahir son voisin qu'on considère être chez soi (Taïwan) se paiera très cher
- donner aux occidentaux un outil de négociation pour faire pression sur Poutine et son régime
- etc.
13/31
L'économie RU est partie pour des années de galère
L'économie ukrainienne sera rebâtie, avec l'aide des occidentaux. Qui aidera la RU ? La Chine ? L'Inde ?
Pour le moment, elles profitent surtout de pétrole et gaz pas cher car la RU doit vendre…
Alors oui, pour le moment, la RU a des recettes élevées liées à ses exports d'hydrocarbures
Mais c'est un chant du cygne
L'Europe est en train de massivement investir pour se passer du gaz RU
À votre avis, c'est une bonne nouvelle pour la RU ça ?
Bof hein
17/31
Imaginez votre plus gros client, qui habite juste à côté de chez vous donc pratique pour lui livrer ce que vous vendez, décide de ne plus acheter chez vous
C'est *exactement* ce qui est en train de se passer pour la Russie
18/31
Donc si, les sanctions ont déjà eu des effets — et le pire est à venir
Que M. Lenglet puisse faire pareille information sans que manifestement personne ne soit gêné à RTL en dit long sur la confiance à accorder aux médias sur les questions d'économie
19/31
Je ne sais pas trop à quoi joue M. Lenglet dans cette chronique à la limite de la désinformation
J'ose espérer qu'il n'y a pas d'intentions mauvaises
Je crois plutôt que c'est une tentative de tenir pour pas cher un discours un peu à contre-courant
20/31
Le problème, c'est qu'un discours à contre-courant, ça n'est pas forcément un discours fondé, ni vrai
Dans le cas présent, il n'est ni l'un, ni l'autre
Et on peut débattre de l'effet des sanctions. Mais pas comme ça. Pas avec une telle faiblesse sur le fond.
21/31
On peut aussi suspecter une forme d'incompétence
Après tout, moins de 5% des journalistes économiques français ont un… diplôme du supérieur en économie
Et M. Lenglet a une formation en lettres, pas en économie ni en science économique
(Pour ma part, j'ai une double licence économie-sociologie, un master en macroéconomie et politique européennes et je termine mon doctorat en économie. J'ai enseigné la science éco pendant six ans dans deux universités françaises. #jdcjdr)
Dans les médias, la désinformation passe aussi par des journalistes qui, a minima, ne maitrisent pas leurs sujets et/ou se fichent de la précision de ce qu'ils transmettent
On en voit ici un exemple frappant — même si loin d'être isolé
24/31
De la même manière qu'une personne qui parle de santé ou de sciences à la télé n'est pas forcément crédible sur ces sujets, c'est *pareil* pour l'économie — et la science économique
"Les gens qui parlent d'économie à la télé" ≠ "les économistes"
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Il ne s'agit pas seulement d'un problème d'incompétence. Il y a aussi un problème d'incitation. Que gagnent en plus les journalistes qui font correctement leur travail ?
Après tout, la chronique de M. Lenglet est un beau spectacle. Qui dit spectacle dit audience.
26/31
Je n'ai à ce titre aucune honte à vous proposer de vous abonner à ma newsletter — juste ici ⤵️
J'y écris sur la science économique, le scepticisme scientifique et l'économie de l'environnement deux fois par semaine
Je ne prétend pas être parfait mais lorsque j'écris les numéros de L’Économiste Sceptique, j'essaie *toujours* de vérifier mes informations — et si je ne le fais pas, je le dis clairement
Et même si je fais des erreurs, c'est toujours mieux que ce genre de chroniques…
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Un exemple récent : ce rapport de Yale
Je suis un peu mal à l'aise à son sujet, alors je lis et je m'informe avant d'écrire à son sujet. Et quand je serais suffisamment sûr de moi, alors j'écrirai.
Mais je pense que L’Économiste Sceptique a des incitations plus saines à vous fournir du contenu prudent, sourcé et argumenté que les médias traditionnels
Bon week-end à toutes et tous
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C'est lui qui m'aborde, en postant un commentaire sur YouTube où il semble ignorer le concept, pourtant central en science économique, de contrefactuel.
Pour quelqu'un qui donne des leçons de science économique, ça commence mal.
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Je découvre une première vidéo.
Il y prétend que je serais, tenez-vous bien, "climato-sceptique". Moi. Climato-sceptique.
Outre l'absurdité de la critique, la forme est inacceptable — avec des propos orduriers et un manque de respect généralisé.
Elon Musk veut supprimer la fonctionnalité de blocage de Twitter
Oui oui, vous avez bien lu
Il est possible que d’ici quelques semaines, il ne soit plus possible de bloquer des comptes sur Twitter
1/2
Il a fait cette annonce en répondant à un agitateur d’extrême-droite se plaignant d’avoir été bloqué par des militants de gauche
La descente aux enfers de Twitter n’est pas prête de s’arrêter
2/2
Comme je l’écrivais en avril, il est de plus en plus facile de prédire que les externalités de réseau sur lesquelles Twitter est bâti finiront par se déliter
Il manque une alternative crédible pour que ça arrive. Mais elles se construisent.
Fascinantes données qui montrent que l'électorat conservateur britannique est largement plus progressiste que l'électorat conservateur américain — et est même parfois plus progressiste que les progressistes américains !
Je me demande dans quelle mesure c'est pareil en France ?