La forêt est un super puits de carbone, qui atténue nos émissions. Mais avec des années aussi chaudes, qu'en sera-t-il dans le futur ?
Un 🧵 qui n'apporte pas vraiment de bonnes nouvelles 👇
Pour apprécier les tendances, on va s'appuyer sur le rapport SECTEN édité chaque année par le CITEPA. C'est le thermomètre des flux de carbone en France.
La référence de la comptabilité carbone.
Les puits de carbone c'est tout à la fin du rapport. Un "Puits" c'est quand la quantité de carbone sur terre augmente, en fixant du CO2 qui se baladait dans l'atmosphère, réduisant ainsi l'effet de serre. Cela atténue le réchauffement climatique.
Le seul secteur qui représente un puits aujourd'hui porte le doux nom d' UTCATF pour "Utilisation des terres, changements d'affectation des terres et forêt". Beaucoup plus sympa en anglais : LULUCF (land use, land use change and forestry)
Je vous reparlerai une autre fois de Lulu, et donc du carbone des sols. Aujourd'hui on va plutôt s'intéresser à la biomasse forestière, qui est en France notre principal puits de carbone, et de loin.
Déjà, une forêt n'est pas systématiquement un puits de carbone. Elle l'est si la quantité de biomasse augmente d'une année sur l'autre, et c'est globalement le cas en France où la majorité des forêts sont jeunes.
Dans une forêt "mature" on atteint un plafond du stock de carbone : les émissions des arbres qui meurent et se décomposent compensent la séquestration par les arbres qui poussent. Mais pour en arriver là à climat constant, ils faut des siècles.
Les puits net dans la biomasse forestière se calcule ainsi :
Chacune de ces variables étant susceptible d'impacter le bilan.
Commençons par l'accroissement naturel : il augmentait sagement jusqu'en 2010 du fait de l'augmentation des surfaces de forêt, et aussi de l'effet fertilisant du CO2 (👇).
Mais depuis 2010, et bien cela stagne voir diminue.
Les surfaces de forêt augmentent toujours, mais les conditions sont moins favorables à la croissance, notamment le déficit en eau. Et "l'effet fertilisant" semble plafonner.
On a ensuite les prélèvements, qui sont plutôt stables sur les années 2010, avec des pics en 2000 et 2010 à la suite des tempêtes, qui font parties des "perturbations naturelles", dont la filière bois essaie d'écouler les bois affectés.
Puis vient la "mortalité de fonds", et là les 5 dernières années ont vu augmenter de manière très significative la mortalité de fond, principalement du fait de dépérissements liés aux sécheresses. Le bilan est sans appel : le puits forestier diminue significativement.
Et les impacts des été chauds récents ne sont pas encore totalement comptabilisés : ce données s'appuient sur des campagnes de relevés de l'IGN sur 5 ans, ce qui a pour effet de lisser les résultats. L'été 2022 va donc avoir un impact sur les données jusqu'en 2026…
Bref, le puits chute dangereusement, et c'est assez nouveau, cela ne ressortait pas si nettement des derniers inventaires. Notre stratégie 🇫🇷 bas carbone comptait pourtant bien sur ce puits pour atteindre la #neutralité#carbone…
Et pour rappel, la neutralité carbone c'est quand le trait gris et le trait vert auront la même taille. Sans le trait vert, ça va être trèèèès difficile.
(Et on ne présente pas ici l'ensemble de l'empreinte carbone des français, juste les émissions territoriales).
La 🇫🇷 va-t-elle rejoindre les nbx pays ou la forêt est un secteur d'émissions à cause de la déforestation, alors que la surface de forêt ↗️ ?
Les leviers pour éviter cela sont rares, nous ne pourrons pas irriguer nos forêts… C'est un énorme défi pour les forestiers.
Merci de m'avoir lu.
Promis, j'essaie de vous trouver un sujet plus positif pour mon prochain thread, pour retrouver les précédents, c'est par là :
Comment la forêt française va se comporter avec des mois de juin à 40° ? C'est une question flippante, à laquelle on ne sait pas trop répondre, et c'est ça qui fait peur.
Un thread 🧵
Un arbre ça a besoin d'eau, et même beaucoup : un beau hêtre de 35 m transpire jusqu'à 137 l/jour, un épicéa de 25 m jusqu'à 175 l/j !
chaud + sec = transpiration ↗️
Malin, un arbre peut refermer ses stomates, ses "pores" en quelque sorte, et serrer les fesses le temps que ça passe en limitant la transpiration. Mais ça a ses limites, et lorsque elles sont dépassés, des bulles d'air dans ses vaisseaux de sève provoquent une embolie.
Fatigué de lire que les prairies stockent plein de carbone…
Petite mise au point sur le principe de séquestration #carbone
Un thread 🧵
La séquestration carbone, c'est l'inverse des émissions : c'est du carbone qu'on capte dans l'atmosphère. Et du coup c'est un bon levier pour atténuer le changement climatique, en créant un puits de carbone.
C'est indispensable pour atteindre la neutralité carbone, parce que nos émissions ne seront jamais complètement nulles, il faut bien les compenser.
La question agite la filière et ses détracteur. On lit qu'il est neutre en carbone ou pire que le charbon, avec de bonnes vielles règles de 3 et toute la mauvaise foi de ceux qui en abusent…
Thread🧵
En fait, ça se joue dans la nuance, et ça dépend de pleins de facteurs qui vont faire varier le bilan de manière très importante. Petit article d'introduction à ces facteurs que je complèterai pour les plus motivés.
Comme le dit le collègue Sylvain Doublet @Solagro_asso : On avait un gisement d'un produit quasi standard, le pétrole, mais avec la biomasse c'est une multitude de ressources correspondant à moult itinéraires techniques différents. Complexe mais passionnant !
Pourquoi les émissions de CO2 du bois énergie sont elles considérées comme (presque) nulles dans les bilans carbone, alors que c'est le combustible le plus émetteur ?
Petit thread sur le monde merveilleux de la comptabilité carbone... 🧵
Lobbying du redoutable cartel des faiseurs de bois bûche et leur montagne de sylvo-dollars ?
Et bien non, c’est bien plus « simple » que ça, c'est juste la manière de compter, mais rassurez vous on compte bien ces émissions
En réalité, les émissions de CO2 du bois énergie sont comptabilisés lorsqu’on prélève ce bois en forêt : on calcule le puits de carbone de la forêt en soustrayant les prélèvements de l’accroissement naturel.