Un collègue de mathématiques (@OtterGreg) s’aperçoit, dès la deuxième semaine de l’année, que 2/3 des élèves d’une de ses classes de quatrième n’ont pas fait leur travail à la maison : écrire une phrase donnée en cours et faire quatre multiplications.
Les réactions ont été si virulentes et si consternantes que j’en ai dressé une petite typologie. Car elles disent quelque chose de la place de l’école dans notre société aujourd'hui.
Il y a d’abord - évidemment - les élèves (ou les anciens élèves) qui, de tout temps, n’ont jamais aimé faire leurs devoirs. Leur niveau de réflexion sur l'école est assez limité.
Il y a aussi les parents qui – on ne sait pourquoi – se sentent accusés : on ne leur demande pas de faire le travail avec leurs enfants, mais de vérifier qu’il est fait. Avec certains d’entre eux, la co-éducation moderne semble mal engagée.
Il y a ensuite tous ceux qui prennent la défense des élèves contre leur professeur. Parmi eux, les procéduriers... qui ignorent que les devoirs ne sont pas interdits dans le secondaire.
Parmi eux encore, ceux qui qui dénoncent, avec les devoirs, une charge de travail inadmissible. Quatre multiplications en quatrième : SE REND-ON COMPTE ?
D’autres dénoncent le rythme de vie inhumain des élèves (mise en cause de l’école, déjà). Et tant pis si l’horaire en quatrième est... de 26h par semaine.
D’autres enfin dénoncent des situations de détresse visiblement généralisées en France. Et quand les enfants sont battus, les coupables sont les enseignants bien sûr !
Mais il y a aussi les pédagogues du dimanche. Ces donneurs de leçon (si l’on peut dire) n’ont jamais enseigné mais sont convaincus qu'ils savent et qu’ils feraient mieux.
Parmi ces pédagogues du dimanche, certains revendiquent même une expertise internationale très poussée (mais mal informée).
D’autres, pleins de certitude, vont plus loin encore dans la réflexion : ce sont les devoirs eux-mêmes qui ne serviraient à rien.
Pire : les devoirs scolaires aggraveraient les inégalités. Et tant pis si Bourdieu n’a pas traité cette question, ou si leur suppression aggrave dans les faits la reproduction sociale.
Et puis il y a ceux qui ne font pas seulement le procès des devoirs, mais celui de l’école : les jeunes ont changé, les contenus scolaires sont dépassés, l’école ne sert plus à rien.
Enfin, il y a ceux qui trouvent toute occasion pour se livrer à l'habituel #profbashing. Les professeurs sont des pouilleux méprisables, des profiteurs haïssables et des méchants qui se plaisent à "faire chier" les enfants et leurs parents.
Bref, on le voit, c’est toute une vision de l’école qui s’exprime. Et elle est désespérante.
Bonus que je n'avais pas anticipé : les anarchistes qui veulent "abolir l'école". 🥱
Pour prolonger la réflexion sur ce fil, j'invite à la lecture d'une étude publiée en 2014 dans l'académie de Marseille : elle montre, en vingt ans, une chute vertigineuse du temps consacré au travail à la maison.
Il a tout simplement été divisé... par deux !
6e-5e : de 6-8h par semaine en 1993 à 3-5h en 2013
4e-3e : de 8-10h en 1993 à 4-6h en 2013
Lycée : de 10-15h en 1993 à 6-8h en 2013
Au collège, l'étude établit une corrélation non pas avec la fréquence, mais avec l'existence même du contrôle parental.
Selon l'étude, les lycéens sont également moins sérieux : "en 1993, 87 % des élèves déclarent "chercher à s’avancer" dans leur travail scolaire. En 2013, ils ne sont plus que 51 % des lycéens à ne pas faire leurs devoirs au dernier moment."
Pourtant "l’élève de 2013 est plutôt bien installé pour faire ses devoirs. Il dispose d’une chambre individuelle et d’un bureau, d’un accès à Internet et peut profiter d’une aide familiale pour son travail."
La conclusion de l'étude est triste : "Le discours récurrent sur l’école qui ne joue plus son rôle d’ascenseur social mais, au contraire, renforce les situations inégalitaires peut conduire bon nombre d’enseignants à limiter le travail de leurs élèves hors temps de cours."
Parallèlement, les grands indicateurs scolaires (DEPP, TIMSS) montrent, à tous les niveaux, un effondrement des compétences des élèves depuis les années 1980.
L'étude académique n'est plus en ligne sur le site du ministère. On peut en retrouver un compte-rendu très critique sur le site du @cafepedagogique, grand promoteur des pédagogies dispersives ! cafepedagogique.net/lexpresso/Page…
Mais une étude nationale de 2016 (DEPP) indique (très incidemment) que 40% des lycéens dédient MOINS DE DEUX HEURES HEBDOMADAIRES au travail scolaire. cache.media.education.gouv.fr/file/2016/18/3…
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🤪 Les petites chroniques de l'#ÉcoleNumérique.
N°11 : les notifications invasives ET évasives de l'ENT.
Nous sommes 2 parents enseignants et avons 3 enfants, soit 11 comptes au total. Et une pluie de notifications envoyées par "ne-pas-repondre@monlycee.net" avec un objet tout aussi évasif ("Réception d'un message"), que le contenu du message n'éclaire pas toujours.
Bien souvent, donc, quand je clique sur "Consulter Dans L'ENT" (sic), je n'ai aucune idée duquel de mes quatre comptes il s'agit. Bien pensé, non ?
1. Les élèves portés par leur milieu social le sont encore plus quand les autres élèves ne sont pas encouragés à répéter, réinvestir et s'approprier les notions vues en classe.
2. Puisqu'à la maison le travail scolaire consiste à répéter, réinvestir et s'approprier les notions, se faire aider par les parents n'aide en rien les élèves.
"Vous avez des enseignants qui pendant le Covid ont été là [...] puis il y a des enseignants - ça a existé aussi - qui ont disparu."
Deux réponses à @EmmanuelMacron ⬇️
1. Non seulement c'est faux (cf la séquence de #profbashing sur les 5% de professeurs dits "décrocheurs"), et même insultant, la totalité des enseignants ayant fait leur travail comme ils le pouvaient dans des circonstances de crise... laviemoderne.net/grandes-autops…
2. ... mais il faut quand même mesurer la violence symbolique de vouloir réformer l'école en se fondant précisément sur ces circonstances de crise.
Excellente "désinfox", @Le_Progres, pour démontrer que les écarts de salaires entre les professeurs allemands et français sont parfaitement justifiés. Bon, quelques observations factuelles s'imposent.
D'où vient d'abord l'affirmation que les professeurs allemands "travaillent plus" ? Du nombre de semaines de cours plus élevé dans l'année scolaire allemande : mais... mais... c'est complètement idiot.
On peut travailler moins de semaines et beaucoup plus d'heures dans l'année. C'est d'ailleurs le cas des enseignants français (source OCDE : data.oecd.org/eduresource/te…).