Thread by @pierresautreuil

[THREAD] Il y a six mois, j'ai commencé à enquêter sur une étrange affaire de disparitions dans l'Est de la France. Pas de personnes, mais d'arbres…

Ces dernières années, des dizaines de petits propriétaires forestiers de Moselle ont découvert sous le choc que leurs bois avaient été rasés à blanc. Les chênes, dont le prix s'est envolé dernièrement, semblent une cible privilégiée.

La valeur financière est élevée : près de 10.000 euros de préjudice pour 28 chênes chez l'un des petits propriétaires. Mais c'est aussi un déchirement de voir détruits ces trésors transmis de génération en génération. Il faut plus d'un siècle pour faire pousser une chênaie.

L'affaire m'a intrigué. Voilà quelques temps qu'on entend parler de vol de bois en France. Ces affaires seraient "de plus en plus courantes", selon certains, et dissimuleraient même un trafic "plus rentable que la drogue"... J'ai voulu prendre la mesure du phénomène.

Or, l'affaire de Moselle est inédite. De mémoire de vieux forestier, on a "toujours un peu volé", mais jamais des volumes pareils. Surtout, il apparaît vite que le suspect principal est un jeune employé d'une agence publique chargée d'aider les propriétaires à gérer leurs bois !

Jusqu'à son interpellation fin 2021, le jeune homme aurait gagné des centaines de milliers d'euros en abusant de sa position privilégiée. Le procureur de Thionville estime à 500.000€ le préjudice total. Trois véhicules de luxe et quatre caves à vin sont saisies.

L'homme aurait agi seul. Mais ce cas n'est pas qu'un simple fait divers. Il vient en effet mettre en lumières les fragilités qui rendent la forêt privée française vulnérable à de tels agissements.

D'abord le morcellement de la forêt privée, qui fait que beaucoup de propriétaires n'entretiennent pas leurs bois, et ne s'y rendent presque jamais. Et plus récemment, l'explosion de la demande chinoise.

Premier acheteur mondial de bois, la Chine provoque une telle hausse des prix que certains forestiers parlent d'une "ruée vers l'or vert". La demande chinoise offre aussi un débouché pour écouler des bois d'origine douteuse, qui auraient plus de mal à se vendre en France.

Pour en profiter, certains forestiers se feraient moins regardants, ou emploieraient carrément des "méthodes de cowboys". Pas de dérive généralisée de la filière bois, mais quelques cas extrêmes qui viennent renseigner une tendance et un contexte plus larges.

Car globalement, c'est notre méconnaissance de la forêt que met en lumière cette affaire, alors que s'accumulent les menaces économiques et écologiques. C'est tout cela que j'ai cherché à vous raconter dans ce long format, à lire dans @LaCroix Hebdo !
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