Thread by @juliakatlama

THREAD ERREUR JUDICIAIRE / JUSTICE MALADE AD NAUSEAM

Voilà quelques jours, mon client Salah a été libéré par la Cour d'assises de Bobigny, avant d'être définitivement acquitté, après près de 5 années de détention provisoire,
#erreurjudiciaire #justicemalade #detentionprovisoire

de treize de demandes de mise en liberté, tout autant de mémoires, audiences devant la Cour d'appel, heures d'attente de délibéré, aller et retour au parloir afin de le convaincre de continuer d'y croire quand tout semblait dresser contre lui.

L'ironie a voulu que ce 17 décembre 2017 quand mon client a été incarcéré, les évènements l'autorisaient enfin à rêver de nouveau : et au seuil du perron de la Préfecture il songeait à ses futurs papiers, son droit de travailler, son mariage, le toit qu'il avait enfin sur la tête

La vie pouvait le conduire au delà des chemins de l'exil face aux frères musulmans, de la toxicomanie et de la déshérence en France.

Par les aveux de son frère sur le meurtre de Mme CHAFFA, la Cour d'assises a rendu sa liberté à mon client, dès le deuxième jour d'audience.
Je ressens encore dans ma chair, les larmes de joie de mon client, les applaudissements de la salle, mon émotion indissimulable.

Mais surtout, surtout, sa joie indicible de retrouver la liberté qu'il revendiquait en même temps que son innocence.

Justice lui avait été rendue et l'histoire judiciaire aurait pu s'arrêter là.

Mais c'était sans compter la réalité du broyeur institutionnel dans lequel nous sommes tombés depuis quelques années. Ces roulements à bas bruits qui écrasent toujours inlassablement les plus faibles.

Alors que j'avais expessément sollicité la levée d'écrou dans la soirée et en tout cas avant minuit auprès de l'escorte ;

alors que l'association qui se battait aux côtés de mon client depuis plus de 5 ans avait dépêché une voiture pour le réceptionner à sa sortie;

alors que tout devait humainement satisfaire la remise en liberté de mon client...

Salah a été replacé en cellule à la sortie de l'audience et été enjoint d'attendre...

A 3h30 du matin, ils ont finalement levé son écrou.

Banale confusion et désordre de l' adminstration pénitentiaire me direz vous...

ou pas... et il fallait que la préfecture puisse avoir le temps d'arriver pour sa sortie.....

C'est néanmoins sous une haie d'honneur des surveillants pénitentiaires que mon client a regagné la porte de sortie...à 3h30 du matin.

Et alors qu'il croyait enfin sa liberté retrouvée, trois agents de la préfecture sont venus à sa rencontre.
Je dis "venus à sa rencontre", pour ne pas dire ont foncé sur lui, déjà sur le pied de guerre à l'attendre, alerté par l'administration pénitentiaire de sa sortie.

A peine trois pas dehors.
Trois pas depuis 5 ans.
A nouveau on l'exhortait de justifier de son droit de séjourner en France, qu'il n'avait évidemment pas, et qu'il n'avait jamais pu obtenir ...du fait même de sa détention.

S'en est suivi ce dialogue monstrueux:
- Monsieur vous êtes français?
- Non je sors de détention
- Pouvez-vous nous présenter un justificatif de séjour s'il vous plait.
- Non je suis étranger sans papier. Je sors de détention.

puis à son collègue :
- tiens tiens 800 euros !!, sont pas si pauvres ces étrangers ... gagnent plus que nous-mêmes !

- vas y ouvre les fenêtres, ça pourrait porter des maladies en plus.. ouvre, ouvre !!

A l'arrière Salah menotté, avec ses quatre cabas en plastique sur ses genoux, débordant d'affaires accumulées pendant 5 ans, étouffe.

Il passera la nuit dans un commissariat de l'Haye les roses, en garde à vue pour des faits de non respect de la législation des étrangers.

Alertée au petit matin, j'ai immédiatement menacé de tout ce que je pouvais et ne pouvais pas ...et le parquet, conscient de la situation totalement folle et inhumaine a finalement classé sans suite.

Mon client a finalement regagné la Cour d'assises de Bobigny, ayant marché pendant 2 heures, pliant sous le poids de 40 kilos de sacs,et de son incapacité totale a retrouver une quelconque capacité d'orientation - le tout à pieds en raison de la grève .

La justice est humaine et elle est humainement faillible. Mais la cruauté de cette interpellation, rend fou. De cette même folie qui gangrène nos institutions et ce qu'elles sont en train de devenir.
Je ne pouvais pas taire cette histoire, que je ressasse jusqu'à la nausée.