La désinformation sur les EnR est un problème majeur en France, sinon, un fil aussi peu nuancé ne pourrait pas générer autant de RT.
Pourquoi celui-ci, en apparence factuel, diffuse de nombreuses contre-vérités ? 🧵
Le fil parle de "prototype idéal" pour un système 100 % EnR, c'est pourtant tout le contraire. Une île isolée est la pire configuration pour les EnR variables.
Pourquoi ?
Du fait du foisonnement de la consommation et de la production.
Attention à ne pas me faire dire ce que je ne dis pas, le foisonnement ne permet pas à lui seul de gérer la variabilité des EnR... mais il aide beaucoup. Voyons comment 👇
Entre la France isolée, et la France interconnectée du scénario de référence de RTE de l'étude "Futurs énergétique 2050", les interconnexions permettent de gérer 40 GW de flexibilités. Sans celles-ci, il faudrait donc par exemple 40 GW de stockage en plus.
L'intérêt ne repose pas uniquement sur les appels en puissance, mais aussi sur la partie énergie. Les interconnexions permettent ainsi de diviser par plus de deux le besoin de gaz décarboné utilisé dans le fameux "back-up".
Source des trois graphs : assets.rte-france.com/prod/public/20…
Ces avantages d'une production à l'échelle d'un continent ne peuvent être minorés, et contrairement aux arguments avancés par beaucoup d'anti-EnR, le foisonnement joue bien un rôle important. Il ne s'agit pas d'un mythe des "escrolos".
Sur une île comme El Hierro, pas de foisonnement => le cas est donc bien plus complexe à gérer, plus encore qu'une France isolée, puisqu'il y a également un foisonnement à l'échelle de la France.
Le problème du fil de @vbenard, c'est qu'il essaie de généraliser le cas d'El Hierro pour dire : "c'est un échec, ça le sera donc partout". Il s'agit ici d'un sophisme, on ne peut pas conclure sur la base de ces seules données.
Afin de source son propos, @vbenard cite deux études, une de 2012, une autre de 2015... autrement dit des analyses très anciennes dans un domaine qui évolue aussi rapidement.
En 10 ans le coût du PV a été divisé par 10, ce qui était vrai en 2012 ne l'est plus aujourd'hui.
De même, les travaux scientifiques sur le sujets ont considérablement évolué depuis cette époque. La science avance, et ce que l'on pensé vrai avant ne l'est plus forcément aujourd'hui.
Au-delà du sophisme, il y a également beaucoup de choses à nuancer sur El Hierro.
Tout d'abord, l'auteur oublie de préciser deux points fondamentaux.
1⃣ Les centrales fossiles étaient déjà là bien avant les EnR, celles-ci ont justement permis de diminuer leur production et donc les émissions de CO2.
2⃣ Les centrales fossiles sont subventionnées sur ces zones non interconnectées.
Ainsi, produire à partir d'une centrale à fioul sur une île aussi petite coûte extrêmement cher. Un exemple avec les Îles du Ponant en France. Source : ecologie.gouv.fr/sites/default/…, p381
Le coût variable est aux alentours de 200 €/MWh, deux à 4 fois plus cher que le coût d'une production éolienne ou PV ! Pour El Hierro ce coût variable serait aux alentours de 100 €/MWh, là aussi bien supérieur au coût des EnR récentes.
Source : iea-pvps.org/wp-content/upl…, p39
Donc contrairement à ce qu'indique l'auteur du fil, ajouter des EnR permet bien de maîtriser les coûts.
Alors pourquoi celles-ci sont elles subventionnées ?
Tout simplement parce que les groupes fioul le sont aussi. Si ceux-ci ne l'étaient pas, des EnR récentes seraient compétitives sans subvention... mais vu qu'on subventionne le fioul, eh bien il faut aussi subventionné les EnR pour conserver une compétitivité.
Ce calcul est donc complètement à côté de la plaque. Pour calculer le coût du CO2, il faudrait comparer au coût du système réel, pas aux subventions versées, les subventions au fioul créant une distorsion de concurence :
Étrange également de critiquer les subventions versées à des EnR bas carbone, sans parler des subventions versées pour soutenir les groupes fioul fortement émetteurs de CO2. Un poids deux mesures 🤦
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais résumons quelques derniers points. Avec leur coût actuel, les EnR permettent de diminuer le coût du système électrique dans les zones non interconnectées.
En effet, les EnR viennent remplacer une production au fioul, bien plus coûteuse. Il y a donc un intérêt économique et écologique à développer ces énergies dans ces îles.
La question du 100 % EnR est un autre enjeu : là aussi, attention au sophisme de la solution parfaite.
Tant que le réseau peut accueillir des EnR, il faut les développer. Toutefois, au-delà d'un certain seuil dépendant du territoire, il faut développer du stockage.
La STEP n'est pas la seule technologie, ni même la meilleure. La plupart des projets visant le 100 % se basent également sur des batteries et de l'hydrogène.
Mais rappelons une chose, on part d'un système 100 % fossile, tout ce qui peut être fait pour décarboner rapidement est utile.

Par ailleurs, quelles sont les autres alternatives bas carbone déployables rapidement ? Des SMR peut être ? Mais à quel coût ? Quand ?
Pour compléter sur le sujet, je vous conseille vivement de lire ce rapport de l'IEA : iea-pvps.org/wp-content/upl…
Et pour ceux qui contestent le terme "désinformation". L'auteur du fil a l'habitude de partager des thèses climatosceptiques. Peu probable donc que toutes ces erreurs ne soient pas un minimum intentionnelles.
Quelques précisions sur ce tweet et ce graph un peu complexe à analyser.
La vision présentée ici est à l'échelle européenne. Contrairement à ce que beaucoup ont cru comprendre, RTE ne considère pas des imports magiques, mais estime bien la disponibilité des imports en fonction des moyens de production dans chaque pays.
Dit autrement, lorsqu'un pays n'est pas en capacité d'exporter, le modèle de RTE ne permet pas d'import.
Entre une Europe pour laquelle chaque pays fonctionne en système isolé, et le scénario de référence de RTE (39 GW de interconnexions pour la France)...
... Le besoin de capacités pilotables diminue de 160 GW à l'échelle de l'UE. C'est autant de centrales à gaz ou de batteries en moins qu'il faut donc installer.
Pour le cas français, et pour préciser mon tweet, les 39 GW d'interconnexion ne permettent pas forcément de supprimer 39 GW de capacités pilotables. En effet, les interconnexions ne sont pas disponibles à 100 % en permanence, il y a des moments où les imports sont impossibles.
De ce fait, si l'on supprime toutes les interconnexions, il faut moins de 39 GW de capacités pilotables pour les remplacer. La valeur exacte correspond à la partie orange du graphique de RTE que l'on peut estimer entre 20 et 30 GW à vue d'œil.

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