Renée Gailhoustet est morte hier. Certains d'entre vous sont sans doute familiers de son architecture, elle qui a beaucoup travaillé sur le logement social de la périphérie parisienne. Un petit thread sur l'œuvre de cette architecte extraordinaire 👇
Née en 1929 à Oran, elle suit une formation littéraire et s'engage dans les Jeunesses communistes. Elle décide de se tourner vers l'architecture à 23 ans, par conviction sociale : pour elle, le logement décent et l'accès à la nature doivent être des droits inaliénables.
Elle intègre les Beaux-Arts en 1953 dans l'atelier de Lods, Hermant et Trezzini, seuls enseignants de l'époque à accepter les femmes. Elle en sort diplômée en 1961, avec l'un des seuls projets de fin d'études portés sur la question du logement social.
Elle sera l'une des têtes de proue de la rénovation d'Ivry-sur-Seine, au sein de l'agence Roland Dubrulle. S'y dessinent les tours Raspail, Lénine, Casanova et Jeanne Hachette : à l'époque, ce sont des tours modernes, offrant un niveau de confort inédit à une population précaire
Lorsqu'elle prend son indépendance, elle rejette les grands ensembles "dortoirs" et tente de créer une mixité de fonctions, avec des logements, des activités, des commerces dans les mêmes bâtiments. Elle invite la nature en ville, en favorisant les plantations sur ses créations.
Elle est nommée architecte en chef d'Ivry en 1969, et travaille avec d'autres municipalités communistes de la banlieue parisienne, où les cités ouvrières sont en pleine expansion. Elle s'associe avec son compagnon Jean Renaudie, également architecte et urbaniste.
Elle affirme son style : plutôt que des barres aux logements systémisés, elle invente des ensembles aux formes éclatées, offrant des myriades de configurations et d'expositions différentes. Les logements donnent sur des terrasses plantées et baignées de soleil.
Les usages y sont mélangés : on trouve des logements, donc, mais aussi des galeries commerçantes, des locaux associatifs, des salles de sport, des cabinets médicaux. Par ses formes, elle invite l'imprévu, la rupture, les creux et la surprise dans une ville dense et monolithique.
Si ces projets semblent anarchiques, ils répondent en réalité à une logique constructive et géométrique précise, suivant des séries de variations simples. Cela permet de tenir le budget et les délais de chantier, et d'offrir des appartements bien agencés et lumineux.
Son projet le plus connu est probablement le Liégat, ensemble du centre d'Ivry où elle a elle-même vécu. Ses allées et cours intérieures sont devenues des ruelles passantes, à l'abri des voitures, qui serpentent et invitent à se perdre dans un dédale de béton et de verdure.
Dans la cité Jeanne-Hachette, ce principe a été développé avec des passerelles hautes, Renaudie et Gailhoustet cherchant à rendre la rue "habitable", et ne plus la réduire à un lieu de passage stérile. Un concept mal accepté par les autorités, qui craignent la délinquance
Christophe Catsaros parle d' "habitat collectif singularisé", ce que je trouve très juste : par son œuvre, elle parvient à créer un habitat dense, mais où chaque habitant trouve sa singularité, son espace unique. Loin des centaines d'appartements identiques et numérotés.
Renée Gailhoustet et Jean Renaudie ont réussi l'une des plus audacieuses campagnes d'urbanisme expérimental des 70's, avec d'autant plus de mérite pour elle que les femmes architectes étaient alors extrêmement rares.
Leurs projets ont été menés avec l'aide des mairies, puisqu'il s'agissait le plus souvent de concours publics. Ils sont parvenus à proposer des innovations décoiffantes en restant dans des enveloppes budgétaires très serrées, puisque destinées au logement social.
Ils prouvent qu'avec de l'engagement de la part des concepteurs ET des commanditaires publics, il est possible de sortir des systèmes éprouvés et de porter l'innovation urbaine et architecturale. Ce n'est ni un mirage, ni un idéal de d'écolos nantis.
Bref, c'est une grande dame qui nous a quittés, et qui inspire et inspirera des générations d'architectes après elle, sur les problématiques sociales et écologiques que posent la ville. Bon vent Madame
On me demande des vues de l'intérieur des appartements, qui sont difficiles à trouver en ligne. Mais ci-dessous les plans de 2 duplex ainsi qu'une vue de l'appartement de l'architecte, situé (il me semble) dans la cité du Liégat. On y voit notamment sa gestion des angles
Au passage on connaît surtout les façade, certes pas très valorisées, qui donnent sur les rues roulantes. Mais les façades donnant sur les parties piétonnes rendent tout à fait autrement (tweet suivant 👇)
On me parle beaucoup des problèmes du trafic de drogues qui s'est développé dans ces projets. Mais pour rappel c'est également le cas par exemple à Abraxas, projet pourtant beaucoup plus "rectiligne". Doit-on blâmer l'architecture ou l'inaction étatique sur précarité endémique ?
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Lundi on a accueilli une petite stagiaire de 3ème, apparemment persuadée qu'elle allait passer sa semaine à décorer des maisons de luxe, et qui a bégayé devant les plans de gros-oeuvre d'une chaufferie : "mais... Mais du coup vous vous êtes des architectes d'extérieur ?"
My sweet summer child.
Bon, comme je suis pas vache je lui ai proposé de dessiner la maison de ses parents et de tout péter dedans pour faire son projet idéal à partir des contraintes de l'existant. Là elle est en train de faire des moodboards Pinterest de jolis canapés 🥹
Je vais pas la blâmer, j'ai moi-même fait mon stage de troisième en cabinet d'archi, et j'en étais sortie en affirmant que JAMAIS DE LA VIE je ferais ce métier, c'était tout naze ils passaient leurs journées sur Legifrance et des logiciels moches
Sinon nous sommes allés voir Oppenheimer dans un petit ciné indé de Morlaix, et matez-moi un peu cette pépite
C'est "La Salamandre", installée dans au sein du SEW, un centre culturel morlaisien regroupant cinéma, théâtre, concerts, restauration et librairie. Un joli lieu que j'ai adoré découvrir, avec un staff très sympa, ce qui ne gâche rien
Le lieu est situé au sein de l'ancienne Manufacture des Tabacs, construite en 1740 par Blondel et fermée en 2004, et sa reconversion a été imaginée par les architectes Loïc Julienne, Alice Périot, Giulia Tellier (Construire / Paris) et Amélie Loisel (Laab / Lannion)
THREAD-CONCOURS : l’écologie et l'habitat, en 4 points fondamentaux : rénovation, isolation et chauffage, pérennité et bioclimatique, et choix des matériaux.
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RENOVER PLUTÔT QUE CONSTRUIRE NEUF
La maison la plus écologique, c’est celle qu’on ne construit pas.
Les politiques urbaines tendent de +en+ à la reconversion des bâtiments et à la densification de la ville, plutôt qu'à l'étalement urbain que provoquent les constructions neuves
Pour les particuliers, de la même façon que l’on peut privilégier Vinted pour les fringues ou Backmarket pour son smartphone, la “maison d’occasion” permet de réduire considérablement l’impact environnemental de son habitat.
Petit aparté matérialité : voici 5 isolants parmi les plus utilisés de nos jours. Leurs épaisseurs respectives correspondent à l'épaisseur nécessaire pour chaque matière pour atteindre une résistance thermique similaire. Un petit thread qui les détaille, de gauche à droite 👇
En 1er, la fibre de bois, le produit le plus écolo de cette sélection. C'est aussi celle qui demande le plus d'épaisseur pour être efficace, mais elle a l'immense avantage de protéger aussi bien du froid que de la chaleur, car elle a une forte inertie thermique ☀️
Elle est fabriquée à partir de fibres de résineux pressées en panneaux rigides. Elle est perméable à la vapeur d'eau et elle peut être utilisée en isolation intérieure et extérieure, sous enduit ou sous bardage, comme tous les isolants présentés ici
Ces jours-ci je travaille sur la rénovation thermique de grands ensembles HLM, pour plusieurs centaines d'appartements. On refait toute l'isolation en façades, on change tous les systèmes fluides, on retravaille l'accessibilité. Ça pose plein de questions 👇
Déjà, le budget. Je ne le dévoilerai pas ici mais il est minuscule, financé par un bailleur social. Comment faire de la performance, de la qualité esthétique et environnementale, sur de telles surfaces quand il n'y a pas d'argent ?
Quelle marge est laissée quand la moitié de ce budget est déjà siphonnée par la rénovation "technique" (élec, ventilation...)?
Et surtout, quels matériaux choisir pour une isolation par l'extérieur (ITE), qui suppose plein de contraintes techniques ?
Par ce dimanche pluvieux, je vous propose une petite promenade ensoleillée dans le vieux Barcelone, pour découvrir les différentes techniques architecturales imaginées par les Catalans pour se protéger de la chaleur estivale ☀️👇
1ère stratégie : les ruelles piétonnes étroites. En empêchant les rayons du soleil de taper sur le bitume, ces hautes façades créent des ruelles ombragées et évitent la création d'îlots de chaleur en pleine ville ⛱️
2nd stratégie : les arbres. Quand une place s'ouvre au soleil, de grands arbres viennent apporter ombre et fraîcheur aux passants et aux terrasses 🌳🌿