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Jan 25 25 tweets 9 min read
Avec le froid qui s'installe, je vous propose un fil sur l’histoire des températures intérieures au XXe siècle, alors que les appareils modernes de chauffage (radiateur, chauffage central) se diffusent dans les logements 1/25 #histoire #énergie #chauffage #19° #confort
Dans la 1e partie du XXe, des températures précises sont évoquées, on a entre 15 et 18°C (salon/salle à manger). Pour les chambres autour de 14 (même 10°C quand elles sont associées à un cabinet de toilette). Pour les pièces que l’on ne fait que traverser 12-14°C suffisent 2/25
Les spécialistes comparent alors chauffage et alimentation, considérant qu’il ne faut pas se chauffer à des températures constantes. Le maître mot est la variété pour renforcer le corps et ses défenses 3/25
C'est le cas d'A. Missenard qui publie bcp sur ces questions de chauffage dans les années 1930-1940, notamment un Que sais-je en 1947 et pour qui il importe de provoquer des variations de température 4/25
La question du confort thermique s’invite aussi chez les techniciens : les installateurs garantissent une température de 18°C par -5° comme le rappellent un manuel pratique du chauffage en 1928 5/25
On retrouve cette norme (18° par -5°) dans des publicités pour le chauffage électrique (1924) ou le chauffage central (1933) 6/25
Il était difficile de faire respecter cet engagement comme le souligne cet article publié en 1933 dans la revue du personnel de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité et il était donc nécessaire d'être vigilant lors de l'installation 7/25
Et déjà, définir une température garantie soulève de nombreuses questions : par quelle température extérieure ? dans quelle(s) pièce(s) ? dans quelles conditions d’utilisation ? et surtout, à quels coûts ? 8/25
En 1938, le conseil municipal de Paris s’interroge : 18° toutes portes ouvertes ? dans toutes les pièces ? Le Directeur des services d'Architecture de la Ville précise : "on ne vise que les pièces pourvues de radiateurs" 9/25
Ce qui apparaît comme une première forme de confort connaît un certain recul pendant les années de guerre et d’occupation. Le combustible manque et les logements sont moins chauffés : un mal pour un bien ? 10/25
C’est en tout cas le point de vue de certains au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme : après les restrictions de l'occupation, "on peut très bien accepter que dans les des chambres le thermomètre descendre à 8 ou 9°" 11/25
Dans les années 1960, les températures intérieures commencent à s’envoler, même s’il faut rappeler que le chauffage central est encore loin d’être majoritaire, il concerne 20% des résidences principales en 1962, 35% en 1968, avec des nuances régionales importantes 12/25
Et même quand il y a un chauffage central, on peut avoir très froid : quelques degrés au Bois de Lochères à Sarcelles en janvier 1963 13/25 lemonde.fr/archives/artic…
Le confort était-il devenu une norme ? une attente des habitants ? On peut le penser et c’est ce qui expliquerait les études réalisées pour EDF et GDF en 1965 par la SODIC. Les habitants sont interrogés sur le confort, le mode de chauffage, le combustible, les températures 14/25
Le chauffage central satisfait tout le monde ou presque. L’une des personnes interrogées se plaint quand même du gaspillage : on chauffe trop longtemps (11 mois sur 12) surtout ses voisins sont trop chauffés, 29° pour l'une d'elle (il a l’air sympa ce voisin) 15/25
Pour les autres, malgré quelques couacs durant les hivers très froids, il n’y a rien à redire : certains annoncent 25-26°, souvent plus de 20° et plusieurs ouvrent les fenêtres quand il fait trop chaud ! 16/25
On connaît la suite : 1973, le choc pétrolier et les restrictions de la conso d’énergie qui touchent le chauffage, l’éclairage, la vitesse de circulation.... Pour le chauffage, c’est la température intérieure qui paraît être le meilleur levier, ce n’est pas l’avis de tous 17/25
Un projet de loi sur la limitation de la température de chauffage est présenté au comité consultatif de l’utilisation de l’énergie. La définition d’une température moyenne paraissait trop vague et les membres du Comité proposèrent des modifications 18/25
L’application effective de cette moyenne posa problème, en particulier dans les immeubles avec un chauffage central : en fixant 20° certains logements allaient être chauffés plus, d’autres moins (du fait de la situation du logement dans l’immeuble, l’orientation, etc.) 19/25
Le décret du 3/12/1974 fut discuté fin octobre par le Comité, son vice-président J. Syrota, M. Trichard du ministère de l’Aménagement du territoire, de l'Équipement, du Logement et du Tourisme et P. Bertrand, président du Syndicat national des exploitants de chauffage 20/25
Trichard reconnut que le décret avait été rédigé vite. Syrota ne cacha pas l’urgence "on m’a demandé de préparer un projet de décret, fut-il imparfait pour mardi". Pour Bertrand "la baisse de température est une mesure immédiate" "Il ne faut pas la retarder" 21/25
Ce décret allait contre les évolutions observées. Le Commissariat général du Plan considérait en 1970 que les températures seraient amenées à augmenter (tout comme la saison de chauffe et le volume habitable) : 19° en 1962, 20,5° en 1968 et jusqu’à 21,5° en 1985 22/25
La mesure ne sembla pas déranger les habitudes. Elle était celle qui était le mieux acceptée… d’autant plus que 70% des logements étaient (apparemment) chauffés en-dessous de 20° 23/25
Cette norme s’est aujourd’hui imposée, cf. le code de la construction et de l’habitation :
"Les équipements de chauffage du logement permettent de maintenir à 18° C la température au centre des pièces du logement" 24/25 legifrance.gouv.fr/codes/section_…
Elle n'est plus seulement un synonyme du confort, mais de sa limitation, pour des raisons économiques, mais aussi écologiques 25/25 cc @ademe

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Apr 23, 2022
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