On lit tout (et souvent n'importe quoi) sur le #chemsex en ce moment, et ça commence à devenir énervant. Donc on fait le point, garanti sans #Palmade, parce que ce n'est pas la question. Le chemsex pour les nuls ⤵️
Le chemsex n'est pas une drogue. C'est un comportement. Sa définition : "la prise de substances psychoactives dans le but d'initier, faciliter, prolonger et intensifier les rapports sexuels".
Ce n'est pas "juste" faire du sexe sous substances (ça, vous le faites quand vous rentrez du bar avec votre date, ça ne fait pas de vous un chemsexeur).
Dans sa définition, le chemsex est un phénomène communautaire. Il concerne "les gays" (on dit HSH, pour "Hommes ayant une sexualité avec les Hommes"). Des hétéros peuvent avoir les mêmes pratiques sous les effets des mêmes substances, mais ce n'est pas du chemsex.
Pourquoi ? Parce que le chemsex s'inscrit dans une histoire, des pratiques, des fragilités psy, spécifiques aux HSH. Il implique aussi, généralement, du sexe de groupe, une longue durée et une utilisation des apps de rencontre géolocalisées (Grindr).
Alors, c'est qui? Tout le monde. Le phénomène a été documenté dans les années à 2000 et concerne aujourd'hui des HSH urbains ou non, de tous âges, ayant ou non des expériences préalables avec les produits, de toutes CSP, tous pays. Il n'y a plus de profil type.
30% des HSH auraient déjà pratiqué le chemsex, 13-14% dans les 12 derniers mois, 5-7% lors du dernier rapport. Ca fait beaucoup de gens. Parmi eux, des médecins estiment qu'un tiers est en difficulté à cause du chemsex
Les conséquences possibles sont variés : psychologique (dépression, etc.), professionnelle, financière, addictologique, etc. Les autres risques sont la contamination par le VIH/VHC/IST, blessures, isolement social...
Beaucoup pratiquent le chemsex occasionnellement et gèrent ("happy chemsexeurs"). On peut boire un verre sans être alcoolique. Mais chaque produit présente des risques spécifiques et sont plus ou moins addictogènes. Ici, le risque est aussi l'addiction comportementale.
"Les drogues type chemsex", ça n'existe pas. Ce n'est pas une addiction en soi (même si ça peut). C'est comme l'apéro. Il y a des produits (alcool, cahuètes), un moment social ritualisé (l'apéro), des risques d'addiction (l'alcoolisme et le fromage), un groupe social impliqué...
... (le Français), mais prendre l'apéro ne fait pas de vous un alcoolique. Vous pouvez aimer le moment, la substance, ou plus l'un ou l'autre. Désolé la comparaison est moisie mais au moins elle est claire.
Les drogues, justement : En France, les principales sont les cathinones, des nouvelles drogues de synthèse (molécules créées en laboratoire) apparues dans les années 2000. La première à être utilisée massivement était la méphédrone, on entend aujourd'hui plus parler de la 3-MMC
La 3-MMC est un dérivé de la méphédrone. Il existe des centaines de cathinones différentes, chacune avec des effets (et des descentes) différentes. Ce sont des stimulants (comme la cocaïne, qui n'est pourtant pas une cathinone).
Elles sont souvent associées au GBL, qui se synthétise dans le corps en GHB. Ce qu'on appelait autrefois "la drogue du violeur", elle est prise ici volontairement. C'est un dépresseur (comme l'alcool).
Cathinones et GBL se contrebalancent et permettent d'atténuer une partie des effets négatifs des deux. Le GBL se dose au millilitre : ON NE PREND JAMAIS DE GHB/GBL SANS ÊTRE ACCOMPAGNÉ PAR QUELQU'UN D'EXPÉRIMENTÉ.
Les deux sont (entre autres) empathogènes, entactogènes, lèvent les inhibitions et créent un état d'excitation sexuelle. Les cathinones coupent les sensations de fatigue, faim, soif, et peuvent en partie "anesthésier". Elles donnent le sentiment d'un acte sexuel plus intense.
D'autres drogues peuvent être impliquées : la cocaïne donc, mais aussi le crystal meth (aka Tina / méthamphétamine), très répandu sur la scène chemsex dans les pays anglo-saxons, moins en France.
Kétamine et MDMA terminent la liste, mais les risques ne sont pas du tout les mêmes pour ces derniers produits (moins addictogènes, ils ne créent pas non plus les mêmes effets).
On fait quoi ? On en parle. On tend la main aux copains qui ont l'air d'être souvent en ramasse ou qui plantent tous les samedis soirs. On les écoute, on crée une possibilité de dialogue, on leur demande si ça va, et on les aide sans jugement à réfléchir.
Quand le chemsex devient un problème, il y a souvent des comorbidités (difficultés sexuelles, addictives, psychologiques, dépression, angoisses, etc.). Il existe des tas de ressources pour se renseigner :
chemsex.be est un site très complet et très bien fait qui aborde de nombreux points. David Stuart, inventeur du terme (ah oui, chemsex = chemicals + sex), décédé en janvier dernier, a aussi mis beaucoup de ressources sur son site davidstuart.org/chemsex (en anglais)
J'avais écrit ça sur comment aider ses proches, en lien avec les premiers concernés, si ça peut servir :
neonmag.fr/chemsex-commen…
L'asso Aides propose dans plusieurs villes de France des réunions entre pairs, en sevrage ou en recherche de RDR (réduction des risques). Contactez-les, ça n'engage à rien. Leur hotline d'urgence chemsex 24/24, aussi sur Whatsapp: 07 62 93 22 29. Sur FB : Info Chemsex (by Aides)
En cas de trouble addictif, les CSAPA et CAARUD peuvent vous orienter. Il y en a dans tous les départements. Votre médecin traitant, n'importe quel généraliste, peut vous renvoyer vers un collègue psy/addictologue. C'est pris en charge par la Sécu.
Et l'addiction, c'est multiple : aux produits, à Grindr, au sexe, au moment social, à l'intensité du week-end... c'est pas juste "être accro à une drogue".
J'avais fait un petit papier sur la complexité du soin des chemsexeurs, ici
neonmag.fr/comment-sortir…
La question n'est pas de dire "c'est bien ou c'est pas bien". C'est un phénomène complexe. Il y en a qui restent sur le carreau. D'autres qui gèrent. Ne nous voilons pas la face, mais attention au sensationnalisme. Commençons par en parler, posément.
J’ai oublié le @ : contactez @assoAIDES si vous voulez participer à leurs réunions.
J'ajoute quelques ressources. Les centres de santé communautaire connaissent ces questions et accueillent sans jugement. Il y a le @Le190_Paris, Le Spot à Marseille et Paris de @assoAIDES (ils ont aussi d'autres lieux d'accueil en France) ou encore @Checkpoint_P
Je rajoute quelques ressources ici: toutes les brochures de @assoAIDES bien fichues, en bas de cette page : Réduction des risques, GHB/GBL, Cathinones, accompagner ses proches aides.org/chemsex
D'autres brochures aussi très claires ici : chemsex.be/topic/preventi…
Vous pouvez aussi répondre à ce sondage si vous êtes concerné, c'est pour la recherche sondage.app.u-paris.fr/716826?lang=fr

Et suivre les comptes de ces personnes qui en parlent (bien) : @duroy_david @ThibautJed @Fred_Colby @jeanvictorblanc @laurentKarila
Ah et on me reproche de ne pas insister sur les risques. C'est vrai, j'ai fait rapide, ce n'était pas le sujet et ça vaut un thread complet. Mais, en quelques mots:
- Addiction et toutes ses conséquences
- Difficultés financières, professionnelles, relationnelles.
- Abolition du consentement
- Blessures (dues à des pratiques hard ou à des sessions trop longues)
- Troubles neurologiques (notamment à cause des cathinones)
- Contraction d'IST, VIH, Hépatite C (partage de pailles, seringues, poppers, ou rapports non protégés)
- Déshydratation, carences alimentaires
- Problèmes cardiaques
- Difficultés sexuelles sans produit/ absence de libido
- Overdose
- Oubli de son traitement/ PrEP
- Addiction au sexe
- Dans le cas du slam, problèmes veineux, nécrose et autres problèmes de santé liés à l'injection
- Crises de panique, troubles du comportement, parano
- Disparition de la sexualité "sobre"
- Etc.
Les risques sont nombreux, réels, complexes (selon les pratiques, les produits, l'état psychologique de chacun, les mélanges, etc.) personne ne minimise. Au contraire.
On m'avait parfois reproché d'en faire trop à la sortie de cet article (2020). Ici, pas assez. C'est fatiguant.
neonmag.fr/enquete-chemse…

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Feb 14
Santé publique France publie son bulletin épidémio, ça va bien en France: 13,3 % des 18-75 ans ont connu un épisode dépressif en 2021. +36 % par rapport à 2017. +80% chez les 18-24. #SantéMentale
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Sans surprise, les femmes aussi + touchées, quel que soit l'âge. On prend soin de soi les ami·es, et surtout, on en parle et on n'hésite pas à consulter en cas de besoin. Voir un psy ne doit jamais être une honte.

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