Comme on aime bien les chiffres au gouvernement, ainsi que les milliards à trouver, j'ai envie de vous parler de quelque chose qui me fait craquer depuis longtemps, mais que le grand public ne connait pas assez : le Crédit Impôt Recherche et ses 7 milliards d'euro par an. [1/?]
Vous pouvez en avoir entendu parler, ou pas, mais le #CIR représente la première niche fiscale des entreprises en France.
Son but est noble : encourage l'innovation des entreprises françaises en défiscalisation la recherche. Plutôt cool, non ? [2/?]
Mais ça c'est dans le principe.
Dans la pratique, cette incitation à la recherche directement par les entreprises coûte environ 7 milliards par an.
En face, le CNRS (le truc qui a "recherche" dans son nom), c'est 3,82 milliards en 2022. La moitié. [3/?]
Alors, est-ce que ça aide la recherche ?
BAH OUI, c'est quand même un minimum. Si vous lancez une entreprise pour sauver le climat, en passant par de la recherche et de l'innovation, il y a des chances que vous en bénéficiez.
Mais il y a des hics. [4/?]
Le premier hic, j'y reviendrai un peu plus tard : l'impact n'est pas quantifiable. Ou en tout cas, pas quantifié.
Le second hic, c'est que vous voulez sauver le monde, mais vous n'êtes pas seul.e sur Terre. [5/?]
Flashback : le CIR, ça existe depuis avant ma naissance. Mais avant Nicolas Sarkozy, ça avait culminé dans les 1,5 milliards d'aide par an.
Raisonnable ? Qui sait, je vous ai dit que les résultats ne sont pas quantifiés. [6/?]
Nico, il s'est dit "Hey, faut stimuler la recherche, on élargit le système d'éligibilité".
De mémoire Nico et ses potes, ils estimaient que ça augmenterait le budget de 500 ou 600 millions par an je crois.
Là il s'est passé un truc. Et pour la même raison que la non quantification des impacts, j'aurais du mal à vous expliquer quoi avec des vrais chiffres, puisqu'ils n'existent pas trop.
Là, je peux vous parler de mon expérience. [8/?]
De base je suis ingénieur informatique, et j'ai passé quelques années dans une grande entreprise du milieu (qui fait aussi des sondages), et là-bas, eh bien on m'a demandé de rédiger des dossiers pour obtenir des CIR.
Le début d'une longue blague. [9/?]
En 12 ans dans le métier, je n'ai jamais vu UNE SEULE FOIS un projet de l'une de mes entreprises rentrer dans les cases de ce qui constituerait de la recherche ou de l'innovation.
PAS. UNE. [10/?]
Je ne peux pas trop donner de détails mais concrètement, les dossiers qu'on m'a demandés d'écrire concernaient des projets de techno et méthodes éculées. Quand j'ai objecté, on m'a demandé de montrer dans le dossier que c'était une utilisation innovante pour le client... [11/?]
Parce que tout repose sur (et ça ne va pas vous surprendre) : un cadre ultra flou.
Bah oui, si déjà on quantifie pas les résultats faut pas s'attendre à une rigueur au top... mais surtout aux moyens engagés. [12/]
Ce qu'on m'a expliqué à l'époque, c'est qu'il y a un système (assez léger) de pré-acceptation des dossiers, et ensuite le gouvernement a en fait globalement les moyens de contrôler 1 dossier sur 50 🤣
Si ça passe, ça passe. [13/?]
Étonnamment, les CIR pour l'industrie du service on explosé c'est 15 dernières années.
Normal, c'est bien plus abstrait à présenter, et donc à contrôler que l'innovation technologique des secteurs primaires et secondaires [14/?]
Mais les entreprises telles que celles dans laquelle j'étais ne soumettent que rarement leurs dossiers directement. Elles passent souvent via des entreprises de défiscalisation qui ont fleuries elles aussi ces 15 dernières années. [15/?]
Le principe de ces entreprises c'est de bétonner vos dossiers pour que ça passe bien la pré-acceptation. Et en échange ils demandent juste un pourcentage de ce que ça vous fait gagner en impôts.
Franchement c'est sympa et altruiste. [16/?]
Leur objectif c'est de faire du chiffre, et donc de trouver le maximum d'entreprises et de dossiers. Les entreprises elles y gagnent en payant moins d'impôts, et concrètement dans l'histoire vous avez enrichi des opportunistes.
Une merveille du libéralisme. [17/?]
Mais du coup vous commencez à comprendre que si vous lancez votre petite entreprise pour sauver le monde, bah vous avez en face de vous une machine très grosse et très riche pour vous concurrencer dans la bataille de subventions et CIR. [18/?]
Aparté : un système qui favorise l'évasion fiscale des plus riche en compliquant les plus pauvres, ça me rappelle un truc. [19/?]
Bon vous avez compris c'est opaque et biaisé cette histoire. Maintenant on passe sur deux éléments à venir sur lesquels il faudra faire attention. Des amendements 2023. [20/?]
Le premier amendement (enfin le 4 mais j'ai pas mis les autres), il dit en gros qu'il faut peut-être envisager d'adapter le CIR pour la transition écologique, en incitant encore plus les entreprises dans ce sens. [21/?]
La défiscalisation verte ça existe déjà en dehors du CIR, là on voudrait y élargir ce système, qui je le rappelle est déjà bien flou, et qui je le rappelle est déjà la première niche fiscale de France.
[22/?]
Si ça fait flipper, c'est parce que les dérives du Green Washing, on connait déjà. Si vous êtes anglophones je vous invite à mater John Oliver sur le sujet des déjà très grosses dérives du système aux USA. [23/?]
En résumé, les entreprises se dédouanent en payant de grosses sommes à des organismes certifiés qui leur disent "hey c'est bon vous sauvez des arbres".
Sauf que ces entreprises certifiées ça fonctionne à peu près comme la pré-acceptation des dossiers de CIR chez nous. [24/?]
Au final on se retrouve avec des cas où vous vous dédouanez en payant le propriétaire d'une forêt, qui n'aurait dans tous les cas pas coupé sa forêt, pour ne pas la couper.
Non vraiment il y a des cas où ça concernait même des parcs nationaux. [25/?]
Je découvre qu'on ne peut pas threader plus de 25 tweet alors je reprends.
Le second amendement (le 5, si vous suivez), il dit qu'en 2023 ça serait bien de commencer à faire des rapports et quantifier tout ça, quand même (ndlr : oui, pas bête). [26/?]
Mais il nous apprend aussi que le système aurait pu s'arrêter fin 2022, mais que dans le doute comme on a jamais regardé les résultats, bah on continue.
Ca ne risque pas du tout d'inciter les entreprises à bourrer 2023 de CIR.
Non, pas du tout. [27/27]
Bonus :
- ce que je n'ai pas dit c'est que dans l'entreprise pour laquelle j'ai réalisé mon premier dossier de CIR, je n'ai bossé presque que pour des ministères.
Donc vos impôts ont payé mon boulot une première fois, puis mon entreprise a eu un crédit d'impôt dessus. (sic)
- pour info j'ai passé une journée à convaincre mon N+2 que ce n'était pas un dossier légitime, puis trois jours à le rédiger honnêtement, ET IL A ETE REFUSE !
(après quoi on m'a demandé une fois de le refaire, et ça a enclenché un long process vers ma démission)
- je vous invite à regarder le métier de ma source sur les nouveaux amendements 2023, c'est rigolo.
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Alors que je n'en peux plus d'attendre le Mission Impossible nouveau que tout le monde a déjà vu sauf moi (ouin ouin), j'ai commencé à me replonger dans une de mes séries cultes des années 2000 via sa huitième saison, et il est temps que je vous parle du Ethan Hunt télévisuel.
Et j'ose la comparaison car, oui, dans sa version ciné Mission: Impossible est bien plus proche du côté over the top de 24 (Heures Chrono) et ses menaces toujours plus grandes, que de sa série originale.
Quand Ethan Hunt fait une course poursuite en voiture après avoir été réanimé suite à une noyade, Jack Bauer nique des terroristes à la pelle après avoir été électrocuté à mort (et réanimé) il y a déjà 15 ans de cela. Le monsieur est mort deux fois dans la série, a la Buffy.