Le triangle de U est une théorie génétique formulées par Woo Jang-Choon en 1935. C'était un botaniste et agronome nippon-coréen et c'est son nom japonisé : Nagaharu U qui est resté dans les articles qu'il a écrit.
Le triangle de U établit les relations génétiques entre 6 espèces de Brassica :
3 espèces "parentales" diploïdes
Brassica rapa : navet, pak choï
Brassica nigra : la moutarde noire (un des ingrédients de la moutarde - le condiment)
Brassica oleracea : les choux, brocolis etc
3 espèces "filles" tétraploïdes
Brassica juncea : la moutarde brune (qui rentre aussi dans la composition de la moutarde - le condiment)
Brassica napus : Colza et rutabaga
Brassica carinata : le moutarde d'Abyssinie ou d'Ethiopie
Il a été choisi de noter les 3 génomes des espèces diploïdes comme suit
Brassica rapa : AA
Brassica nigra : BB
Brassica oleracea : CC
(Elles ont toutes les 3 un ancêtre commun mais on y reviendra peut être dans un autre fil)
Le triangle de U montre donc les relations génétiques qu'il existe entre ces espèces :
Brassica juncea (génome AABB) est issue d'une hybridation entre Brassica rapa ou campestris (AA) et Brassica nigra (BB)
Brassica napus (génome AACC) est issue d'une hybridation entre Brassica rapa ou campestris (AA) et Brassica oleracea (CC)
Brassica carinata (génome BBCC) est issue d'une hybridation entre Brassica nigra (BB) et Brassica oleracea (CC)
Cette théorie émise en 1935 a été maintes fois confirmée depuis grâce aux analyses modernes des génomes. Mais alors d'ou vient cette idée d'affilier ainsi ces espèces ?
Nagaharu U a formalisé des données préexistantes sur les hybridations au sein du genre Brassica et a montré qu'on pouvait crée un hybride synthétique B. rapa (AA) x B. oleracea (CC) et que cette hybride était interfertile avec les variétés modernes de Brassica napus (génome AACC)
Les premières tentatives connues d'hybridations au sein du genre Brassica datent du début du 20e siècle : en 1927 M. Sinskaia publie une investigation systématique des compatibilité de croisements au sein du genre Brassica.
Il détermine la liste des espèces qui ne donnent pas de descendance , celles qui se "croisent difficilement" (faible nb de descendant), celles qui se "croisent aisément".
Il décrit notamment que le genre Brassica peut être classé en 3 groupes :
- le groupe Chou
- le groupe Navet, Colza
- le groupe moutarde
Même si imparfaite (et probablement aussi liée a des problèmes de classification botanique de l'époque), ce sont les prémisses d'une affiliation telle que formalisée plus tard par Nagaharu U.
On peut y voir également le début des réflexions sur les critères qui fondent la notion d'espèces et ses limites (coucou @Prof_D_sciences )
C'est T. Morinaga en 1934 qui analysera les croisements au sein de ce qui sera plus tard le triangle de U. Il publie plusieurs articles pour in fine décrire la classification suivante avec la nomination ABC des génomes.
Mais comment ? On va prendre un des exemples et attention on va enfiler des chaussettes !
Morinaga regarde comment se déroule la méiose de la descendance d'un croisement entre Brassica nigra (BB) et Brassica juncea (AABB)
Alors pas de panique si vous êtes perdu, l'introduction sur la méiose et la métaphore des chaussettes c'est ici
C'est bon ? Alors on y va , on va prendre 2 parents théoriques
Le parent N (2 paires de chromosomes B) et
le parent J (3 paires de chromosome A et 2 paires de chromosomes B)
Regardons la production des gamètes des parents N & J , facile si vous avez bien révisé , la méiose est une division cellulaire qui consiste en la division par 2 du stock de chromosomes (stock par paire rétabli lors de la fécondation).
La séparation équitable des chromosomes se fait via un mécanisme ou les chromosomes se reconnaissent par paire (et forment ce qu'on appelle un bivalent) avant de migrer chacun de leur coté.
Que se passe t il si on crée un hybride J x N et qu'on regarde sa méiose ?
Cet hybride possède bien 2 paires de chromosomes B qui vont se reconnaitre , mais les 3 chromosomes A n'ont pas leur alter ego et se retrouvent a former ce qu'on appelle des univalents.
Rappelez vous que Morinaga ne connait pas au moment de l'étude de ces hybrides le statut de chaque paire dans le parent J (en gros comme s'il voyait ces figures en noir et blanc).
Il observe que le nombre de paire dans l'hybride J x N est le même que dans le parent N , il en conclue que le parent J porte 2 paires de chromosomes B et 3 paires de chromosome d'une autre nature.
Voici le schéma dans la publication de 1934
les bivalents sont représentés en noir (8 bivalents = 8 paires)
les univalents sont représentés en blanc (10 univalents)
De proche en proche il arrive donc a décrire les relations génétiques entre ces 6 espèces du genre Brassica, a définir que Brassica juncea , Brassica napus et Brassica carinata sont des amphidiploides (des hybrides entre parents de nombre chromosomique différent)
Les découvertes de Morinaga seront rapidement confirmées par Nagaharu U (son étudiant) en 1935 en créant un hybride synthétique Brassica rapa (AA) x Brassica oleracea (CC),
cet hybride était interfertile avec les variétés modernes de Brassica napus (génome AACC) ouvrant la voie a tout un champ de création variétale.
Il en fut de même pour Brassica juncea en 1943 et Brassica carinata en 1947, confirmant ainsi la théorie du triangle de U.
Ces relations génétiques ont été exploitées durant tout le 20e siècle pour (ré)introduire dans
les variétés cultivées de colza notamment des allèles de gènes de résistance aux maladies, de résistance aux stress abiotiques, de synthèses des lipides etc qui avaient été perdus lors de la domestication.
Ces croisements interspécifiques (ceux décrits ici mais aussi d'autres dont je n'ai pas parlé), accompagnés de la découverte de molécules comme la
colchicine, ou des méthodes comme le sauvetage d'embryon ont largement participé à élargir la base de la diversité phytogénétique des Brassica cultivées.
Vous connaissez surement Norman Borlaug, Yuan Longping était sans conteste son égal
source photo : Adrian Bradshaw
Son œuvre ? Le développement de lignées de riz hybride qui a permis un saut quantitatif et qualitatif sans précédent qui a probablement sauvé de la famine des millions de personnes.
La majorité a été très méfiante en ce week end de 1er avril, jugeant ces croisements avoine x maïs improbables ... mais c'est pourtant bien véridique ,
ces lignées pseudo hybrides sont produites et permettent une étude des gènes/séquences du maïs.
⚠️
Avant de commencer et pour rappeler 2-3 choses, ce que je fais pas forcement a chaque fois (parce que c'est évident pour moi) mais qu'il est bon d'avoir en tête.
Le contenu des fils publiés ici est dépendant de l’acquisition des connaissances qui est par essence dynamique.
Pas de difficultés pour ce quiz ! L'écrasante majorité (proche de 60%) a vu juste, la cisgenèse permet bien l'introduction de gènes/séquences issus d'espèces apparentées
Même si je n'y ai présenté que la transgenèse par Agrobacterium tumefaciens, les considérations ici seront identiques avec d'autres méthodes de transgenèse (biolistique, électroporation ... d'autres fils peut être ?)
Avant de se lancer dans le fil, je souhaite m'assurer que les concepts soient bien définis
1- On va parler ici exclusivement d'espèces autogames
Si vous suivez le quiz c'est un concept que vous devez (re)connaitre, mais un rappel n'est jamais de trop
Les plantes autogames possèdent un mode de reproduction sexuée ou l'autofécondation est exclusive ou ultra majoritaire. Les implications sont importantes d'un point de vue génétique. En effet ce type de reproduction ne favorisant pas le brassage par fécondation croisée,
La "Illinois Long-Term Selection Experiment" a bien été menée sur la maïs comme la majorité l'a trouvé, bravo aux 23% qui ont trouvé que les caractères
sur lesquels la sélection a agit sont les taux de protéines et d'huiles dans le grain !
La sélection qui y est menée depuis >100 cycles a permis de produire 9 populations apparentées qui ont participé à la découverte de nombreux gènes et a la découverte des réponses d'un génome à la sélection artificielle.
Bravo la majorité a vu juste, on estime à environ 40% des espèces de plantes à fleurs qui possèdent un système d'AutoIncompatibilité (nommée AI par la suite)
C'est effectivement plus de 100 familles botaniques qui sont concernées avec des espèces cultivées telles que les choux, les pommes de terre, le tournesol, le café etc...
Pour comprendre ce qui est en jeu avec l'AI, il faut être au clair sur les mécanismes de fécondation chez les plantes à fleur.