Un petit 🧵, à partir de ma formation et de ma pratique de bibliste.
On peut légitimement se sentir frustré de ne pas TOUT savoir sur Jésus, tout ce qu'il a fait et dit. Pourtant, Jn 20,30-31 dit bien qu'une sélection et une organisation furent faites "pour que vous croyiez".

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Il s'agit donc de ce dont nous avons besoin pour connaître Jésus et croire en Lui.
Or, les écrits de Maria Valtorta sont problématiques en ce qu'ils prétendent "combler les trous". Par ex., l'évangile de l'incrédulité de Thomas, tel que MV le rapporte (t. 10, chap. 15).

MV affirme donc que Thomas a touché les plaies de Jésus, ce que l'évangile selon saint Jean ne dit pas. Ce faisant, elle ne contredit pas formellement le texte évangélique, mais elle en restreint les possibilités interprétatives.

De même, dans l'évangile, Jésus se borne à dire: "Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui n'ont pas vu et ont cru". MV lui fait ajouter: «Quelle récompense devrai‑je leur donner si je dois vous récompenser, vous, dont la foi a été secourue par la force de la vision ?…»

Le silence du texte évangélique, avec la liberté d'interprétation qu'il laisse, est ici comblé pour ne pouvoir plus être interprété que d'une seule manière: la récompense accordée à ceux qui croient sans avoir vu, suggérant que les apôtres sont de piètres croyants.

Or, il me semble que Thomas se situe dans un entre-deux: d'abord, il n'a pas vu et ne croit pas ; ensuite, il voit et il croit. La vision du Ressuscité est ce qui fonde la responsabilité apostolique des disciples: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20,21).

Parce que, si l'on y réfléchit bien, lorsque Jésus prononce la béatitude, il est entendu par ceux qui le voient et ne sont donc pas concernés par la béatitude. C'est dans la proclamation liturgique que cette béatitude prend tout son sens:

J'entends alors une parole de Jésus qui m'est adressée par le truchement du témoignage des apôtres, ceux qui ont vu et sur la foi desquels ma foi repose.

En "complétant" les évangiles, MV prétend donc en révéler LE sens définitif, exclusif de tous les autres, s'ils ne concordent pas avec lui. Ainsi, on se détache de traditions de lecture autres qui pourtant, respectent ce que #𝘋𝘦𝘪_𝘝𝘦𝘳𝘣𝘶𝘮_12 exige :

« Il ne faut pas, pour découvrir exactement le sens des textes sacrés, porter une moindre attention au contenu et à l’unité de toute l’Écriture, eu égard à la Tradition vivante de toute l’Église et à l’analogie de la foi. »

Ainsi, selon le point de vue des adeptes de MV, une interprétation différente de la sienne n'est pas authentique. Cela correspond tout à fait à une #gnose.

Autre élément problématique: en Lc 24,27 l'enseignement que Jésus donne aux disciples d'Emmaüs est très brièvement décrit: « commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait »

La tâche des exégètes, des théologiens, des auteurs spirituels est proprement celle d'éclairer cette description, de déployer le sens de l'Écriture dans toute son extension: qu'est-ce que ces textes nous font comprendre de #Jésus_Christ?

En prétendant retranscrire ces paroles de Jésus, que pourrait-on dire de plus? Encore une fois, le sens de l'Écriture se trouve restreint, cantonné à la littéralité de ce qui est transcrit par MV.

Pour en revenir aux silences de l'#Évangile, loin d'être une limite, un manque de sérieux et de précision de la part des évangélistes, ils sont en fait l'espace où notre engagement personnel est appelé à se réaliser ;

le lieu où ce texte rejoint et bouleverse ma vie de croyant, m'invite à la conversion, me fait entrer dans une relation personnelle avec le Sauveur ressuscité, pour qu'en définitive en moi, l'Évangile ne soit plus seulement lu mais vécu.

Comme le dit Ap 1,3, dans l'office des lectures de ce jour: « Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche. »