Vous vous imaginez passer devant une déleguée du procureur qui vous refuse le droit à un avocat, aprés 44h de garde, 60h de privation de liberté, tout ca parce que vous êtes un rebeu, et pas loin d'une manif.

Je vous raconte
#ReformeDesRetaites
#NonAuFauxPv

Alors que je quittais le pont neuf pour rentrer chez moi, un camion de CRS s'arrête à mon niveau et 5/6 policiers me prennent en chasse, sans motif apparent. J'apprends très vite par un agent qu'ils cherchent alors un "rebeu" qui aurait brûlé une poubelle. Ce rebeu ce sera moi

On m'emmène au commissariat du 17ème arrondissement où on me met en GAV, et en cellule collective. Il y fait chaud, et étant donné que je jeûnais, les conditions sont compliquées pour moi. Pour pisser il faut demander la permission, et laisser la porte des toilettes ouvertes.

On dort sur des bancs de béton. La lumière reste allumée, impossible de dormir pour ma part. Pour la bouffe c'est 2 fois par jour, mais du fait que je jeûne, en 60h je n'aurais mangé que 2 repas, et au bout de ces trois jours, j'ai perdu 3 kilos et dormi une dizaine d'heure.

Pour ce qui est de pk je suis en GAV, je dirais que c'est pcq je suis arabe et un manifestant. Dans cet ordre ou dans l'autre. On ment en m'accusant d'avoir mis le feu à une poubelle, et les policiers iront jusqu'à rédiger de faux PV disant m'avoir identifié.

Je comptais sur les caméras pour me disculper, mais on me dit qu'il n'y en a pas dans la rue. Perso, je ne me souviens même pas en avoir vu brûler les 10 minutes avant mon arrestation. A ce stade tout est faux. La police ment, pas de surprise, mais je commence à avoir peur.

Face à l'OPJ, je décide de faire des déclarations et de nier les faits. Je lui demande alors si ca va être parole contre parole, parce que pour moi, si c'est le cas, alors ma parole de rebeu va pas valoir grand chose. On m'annonce aussi que ma GAV est prolongée de 24h.

Une planche d'identification va être faite où l'on va demander à des policiers de m'identifier, ceux la même qui m'ont arrêté avant de me vaner pendant 10 minutes. On me remet alors en cellule, et toutes les émotions me traversent alors : peur, résignation, dépit

Je me pose 100 questions sans réponses. Le cadre de la GAV n'aide pas. Tout est dégradant et humiliant dans celle-ci. On se sent dénué de toute intégrité. Tout est fait pour nous user et nous brimer. Ce qui aide, ça reste les autres, avec qui on peut échanger.

Un jour après mon audition, je finis par voir mon nouvel OPJ qui m'annonce que les charges d'incendies sont abandonnées, par je ne sais quel miracle quand on lit les témoignage des autres, et je m'attend donc à être libéré. Il n'en sera rien.

Il m'annonce alors que je vais être déféré au parquet pour participation à un groupement en vue de commettre des violences et dégradations. Après avoir été abusé par le système policier, voilà que je vais être que c'est le tour du système judiciaire.

Dans la soirée on me conduit au tribunal de porte de Clichy, où je retrouve plusieurs manifestants. On se retrouve alors pour échanger et rigoler. Pour moi ça a été le highlight de mes 60h. Aussi, big up à @250celeste_ grâce à qui j'ai su que je pouvais demander un kit d'hygiène

On finit par faire une fouille, et nous mettre dans des cellules avec un plat. Pour moi c'était le 2ème en 48h. Le lendemain je vois mon avocat, qui me dit ne pas comprendre pourquoi je suis là, étant donné que mon dossier est vide. Pour le coup on était deux.

Quelques minutes plus tard, me voilà face à la déléguée du procureur, pensant que je vais être relâché sans rien. Mais tout ne s'est se passer comme prévu, et celle ci va tout simplement me refuser la présence de mon avocat, alors que j'y ai le droit.

Elle va tenir des propos humiliants contre moi, mes parents, mes études et le monde de la recherche. Elle dira soutenir la réforme des retraites, et que je dois comprendre son utilité. Me dira de ne plus retourner en manifestation et de chercher un travail un vrai comme plombier.

De faire une vraie activité et d'arrêter de me faire embrigader à la Sorbonne. Elle prendra même le temps de défendre Bernard Arnault et sa fortune qu'il ne faudrait pas taxer selon elle.

Après quoi, elle exigera que je signe un document qui s'avère être un avertissement pénal probatoire, document qui vaut pour reconnaissance de culpabilité, sans que je le sache. Je demande mon avocat avant de signer, elle me le refuse. Sous la contrainte, je finis par signer.

Je me retrouve alors obligé de participer à un stage de citoyenneté de 150€, sous peine qu'elle me renvoie en correctionnelle. Me voilà menacé. Je lui demande alors si je peux faire appel, elle me menace encore de poursuite.

Elle me dit alors que j'ai maintenant un casier judiciaire B1 pour 5 ans, ce qui s'avère être faux, et me dit de ne plus retourner en manif, que tout celà me serve de leçon. Quand je lui demande si tout ca n'est pas disproportionné, elle me dit que je n ai qu'à pas manifester.

En somme, après une arrestation raciste, de faux témoignages, des abus policiers et judiciaires, me voilà sanctionné à un stage de rééducation républicain pour avoir exprimé des opinions politiques contraires à la déléguée du procureur, et sans quasi aucune voie de recours.

Mon avocat a dès le lendemain saisi le parquet, sans vraiment que l'on sache si la procédure va aboutir. Aujourd'hui, j'ai juste l'impression de m'être fait avoir par une justice au service d'une répression morale et politique. D'être vulnérable et impuissant face à elle.

Aujourd'hui, je n'ai pas envie de passer à autre chose. Je veux rester en colère, et continuer à me révolter. Me révolter contre ce système discriminant et raciste, me révolter pour un monde plus juste, me révolter pour me dire qu'à la fin il n'en reste pas rien.

Pour finir, soutien indéfectible à tout.e.s les gardé.e.s à vue, à celles et ceux qui sont poursuivis pour avoir exigé un monde plus juste, celles et ceux qui ont subis des violences policières, et à tout.e.s les travailleur.euse.s