Dans l’émission #Ccesoir, Kahn justifie de renvoyer l’extrême-gauche à l’extrême-droite sous prétexte qu’elle reprendrait ses méthodes en “faisant interdire des pièces de théâtre”.
Laissez-moi vous raconter une histoire personnelle qui a resurgit dans mon esprit en l’entendant ⤵️
J’ai 17 ans, je débarque à l’université et je prends rapidement ma carte dans un syndicat étudiant ce qui me mènera à me présenter aux élections étudiantes.
Je suis élue dans le conseil de ma fac, dans la foulée je prends rendez-vous avec le doyen pour lui présenter mes projets.
Je prépare sérieusement le rendez-vous, déjà pour éviter de passer pour une cruche mais surtout parce que je pense naïvement pouvoir améliorer à la vie des étudiants de ma fac en convaincant sa direction.
Je prends même la peine d’envoyer par mail au doyen mon programme détaillé.
Pendant près d’1H, je présente mes idées au doyen. Je parle de tout : sélection, frais d’inscription, la situation des étudiants boursiers, les discriminations… Toutes les difficultés qu’on peut rencontrer en tant qu’étudiant avec des mesures pour y parer à l’échelle de ma fac.
Durant toute ma présentation, le doyen reste silencieux. Pas une interruption ou un son de sa part.
Je conclus, en attente de réaction. Il me remercie et me demande s’il peut me poser une question. Naturellement j’accepte, avec hâte de savoir sur quel sujet il voudrait revenir.
“Est-ce que vous vous désolidarisez de votre syndicat qui a manifesté contre la représentation d’une pièce de théâtre ?”
C’est sa question, alors que je viens de lui parler d’étudiants qui sautent des repas et d’autres qui attendent dans l’angoisse le renouvellement de leur visa.
Pour le contexte, le syndicat que je représentais avait dénoncé dans un communiqué une adaptation d’une pièce de théâtre qui devait être jouée dans ma fac en raison du grimage raciste des acteurs.
Polémique, on nous accuse de censure, racialisme, etc vous connaissez le jargon
Ma première réaction à sa question, ça a été : “Je vous demande pardon ?”
Puis, le débat s’ensuivit et, ne lui donnant pas satisfaction en approuvant ses fantasmes sur le wokisme et la cancel culture, il m’expédie de son bureau comme une malpropre. Pas un mot sur les étudiants.
Je reste estomaquée après notre entretien. Pour le dire franchement, je me suis sentie bête et humiliée.
Mais je passe à autre chose, en me disant que j’aurais d’autres occasions durant mon mandat pour lui faire entendre mes revendications.
Là encore, je suis bien naïve 🤡
Durant ces 2 ans au conseil, alors que nous avons traversé des crises qui ont impacté la fac comme le covid, le dialogue est fermé. À chacune de mes interventions, le doyen me ramène à mon étiquette syndicale.
Il me reprochera même par mail “nos méthodes de nervis”.
Je vous passe ses pics réguliers, son mépris, et tout ce que je me prends en tant que seule syndicaliste étudiante de l’opposition qui siège, qui est en prime une jeune arabe de 17 ans qui a pas les codes bourgeois.
Aucune réaction de sa part quand des militants de notre syndicat sont pris à partie par un professeur qui les traite d’islamistes. Aucune réaction quand on retrouve des autocollants de l’extrême-droite sur les portes de nos locaux. Mais de chaudes larmes pour sa pièce de théâtre.
Je me dis à quel point ce rdv que je viens de vous raconter est représentatif de la logique des bourgeois qui donnent à des perturbations exceptionnelles de leur bulle une gravité absurde tout en négligeant les violences quotidiennes que l’on subit mais qui ne les atteignent pas.
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Thread : ma liste non-exhaustive des “red flags de l’antiracisme”, on commence par le numéro 1 :
1) Faire de la représentation dans les milieux sélectifs un enjeu de la lutte antiraciste alors que notre objectif c’est d’éclater ces sphères élitistes
2) Instrumentaliser son oppression raciale dans toutes les discussion pour échapper à la critique sur ses positions réactionnaires, voire même pouvoir les défendre sans avoir à en assumer le parti pris
3) Croire que racialisation à elle-seule suffit à faire de toi automatiquement la personne la plus désavantagée dans tous les rapports, qu’importe le contexte, sans prendre en compte d’autres facteurs comme la classe, le genre, etc