Rapport Pisani-Ferry sur les incidences économiques de la transition écologique : des tabous significatifs levés (fiscalité sur les plus riches, endettement, rôle pilote de l’Etat…) mais un cadre d’orthodoxie économique somme toute bien préservé. Un fil🧶 strategie.gouv.fr/publications/i…
1° Le constat de l’impératif d’investissements massifs ne date pas d’hier, il est documenté et chiffré depuis des années (cf. Ademe, I4CE etc.). Le rapport en fait une synthèse efficace mais on a perdu tant de temps et il est loin d'être acté que des décisions politiques suivent.
2° Les outils proposés pour répondre à ce besoin important d’investissements sont parmi les points les plus saillants du rapport : une fiscalité accrue sur les plus riches (via un impôt -temporaire- sur le patrimoine financier de ces derniers) ; un recours à la dette publique.
3° Venant de Pisani Ferry c’est assez significatif pour être souligné et même célébré, mais une fois encore ce sont des choses qui font l’objet de recherches concluantes depuis des années -et pas seulement parmi les milieux les plus à gauche. A voir maintenant si cela atterrit.
4°Ensuite, très important: on observe une relativisation du rôle central du signal prix (et globalement des mécanismes de marché)et une remise au centre du rôle de pilote de l’Etat et des politiques publiques. Je vous mets en 5° la phrase qui est la plus parlante sur ce point.
5° Donc la voilà: "Pour escalader le mur d’investissements, il faudra que la transition soit pilotée par les politiques publiques et non par les innovations technologiques et les marchés. Car l’enjeu central pour embarquer les Français, sera l’équité des mesures prises."
6° Et j'en profite pour souligner un autre apport fondamental et bienvenu du rapport : sa sensibilité à l’impératif de justice sociale si on veut parvenir à accomplir les transformations nécessaires, dans les temps requis. Pas le point fort des politiques macronistes jusque-là😇
7° Mais il faut surtout parler de ce qui demeure très conservateur (ou "orthodoxe") dans ce rapport, inscrivant la transition écologique dans une certaine vision de l'articulation entre écologie et économie -vision à laquelle on peut opposer des cadres conceptuels alternatifs.
8° La question reste « qu’est-ce que ça va coûter de faire la transition écologique? » au lieu de partir des incommensurables pertes et risques (pas slt économiques) liés à l’inaction. La variable d'ajustement devrait être le modèle économique, pas la viabilité de la planète.
9°La stratégie consiste à mettre à distance toute remise en cause profonde du modèle actuel et notamment de la croissance: c’est donc une exploration des conditions de possibilité de la "croissance verte", où la variable d’ajustement est la dimension "verte" et pas la croissance.
10°Tout ceci est affirmé alors qu’il n’y a pas du tout de consensus scientifique sur la possibilité d’un découplage qu’il soit relatif ou absolu. Pour une position alternative sur ce débat vous pouvez notamment lire Tim Jackson, Prosperity without growth. timjackson.org.uk/ecological-eco…
11°Donc exit toute discussion sur les sentiers alternatifs: décroissance, post-croissance, formes plus radicales de planification..Pourtant ces débats commencent à percer au plus haut dans les institutions: voire notamment le sommet #BeyondGrowth d'il y a qques jours à Bruxelles.
12°Tout ceci est très bien expliqué par @RomaricGodin dans cet excellent article de @Mediapart : mediapart.fr/journal/econom…
13°Dans ce cadre les régulations et interventions de l’Etat -y compris ce qui peut se faire de "planification" et d'investissements verts- font plutôt figure de béquilles visant à maintenir le gros de l'existant en version +/- décarbonée que d’outils de restructuration profonde.
14° Et pour finir: les mesures les plus "disruptives" de ce rapport (et en premier lieu le fait de taxer les plus riches) ont très rapidement été balayées par le gouvernement. lefigaro.fr/conjoncture/l-…
15° En bonus: venant de @Strategie_Gouv vous avez aussi le rapport Soutenabilités qui est très complet, et qui surtout ouvre des perspectives beaucoup plus riches notamment sur tout ce qui se pense dans le monde de la recherche sur l'économie écologique. strategie.gouv.fr/publications/s…
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Dans le #RERC avec un yucca et Undoing The Demos, Wendy Brown 📚
Un incontournable sur les effets du néolibéralisme sur nos démocraties.
Petit récapitulatif en 5 points de l'introduction : quelles sont les conséquences de la transformation du "citoyen" en "capital humain"? ⤵️
1⃣En tant que « capitaux humains » nous avons de moins en moins accès et droit aux protections et filets de sécurité traditionnellement assortis à la citoyenneté.. Nous perdons aussi le statut kantien de fin en soi: le néolibéralisme, c’est la dégradation des individus en moyens.
2⃣En tant que «capitaux humains» et non plus citoyens, c’est l’inégalité qui prévaut dans les relations. "In legislation, jurisprudence, and the popular imaginary, inequality becomes normal, even normative”. La société n’est plus composée d’égaux, mais de gagnants et de perdants.