Thread by @NightHaunter

Aujourd'hui, nous sommes le 2 juin !

Et on va parler d'un truc très important au travers d'une histoire à la fois simple et complexe rencontrée aux urgences pendant une certaine pandémie.

Voici l'histoire de Margaux, 14 ans ⤵️
#NoMoreTCA

Nous sommes à la fin du premier confinement, et je vois aux urgences une jeune fille de 14 ans, Margaux, accompagnée de sa mère.

Margaux ne va pas bien mais, vu de l'extérieur, on ne le voit pas de façon évidente, car, oui, ce n'est pas toujours « visible » /1

Margaux, elle est ado. Et comme plein d'ado, elle a du mal avec son corps. Elle n'est pas très à l'aise.
Voilà en plus qu'arrive une pandémie, et un confinement.
Petit à petit, les remarques qu'on lui fait dans la famille finissent par cheminer en elle.
Insidieusement. /2

« Ma grosse », c'est affectueux, non ?
Et puis, « Eh bien, tu manges bien encore aujourd'hui ! » et puis des remarques qui semblent anodines sur la taille des vêtements et tout ça.
Plein de choses mineures mises bout à bout. /3

Mais il n'y a pas que ça.
Non.
Margaux, avec le confinement, elle va s'occuper comme elle peut.
Elle va aller bien davantage que les réseaux, Instagram par exemple.
Avec ces influenceuses tous plus belles et parfaites les uns que les autres.
Sans un gramme en trop. /4

Et elles ont plein de trucs pour garder la ligne, cette ligne qu'on lui reproche souvent en rigolant doucement.
Petit à petit, à force du miroir, à force de ne voir que ça, Margaux se met au régime.
Et puis au sport, beaucoup de sport.
C'est bien le sport !
/5

Vient le temps où Margaux trie les aliments, elle les classe en fonction de s'ils sont gras ou pas.
Puis en fonction des calories, encore mieux, et tout redevient sous son contrôle. Son corps, sa réalité, elle reprend les rênes.
Elle maigrit.
Encore.
Encore.
Encore. /6

En face, sa mère commence à voir que ça cloche. Elle voit sa fille diminuer ses portions, mettre des vêtements plus larges pour moins attirer l'attention ou ses vêtements normaux qui flottent.
Les petits signes se transforment en alarme et la réalité s'affiche : ça ne va plus. /7

Margaux souffre d'anorexie mentale, un trouble très (trop) courant chez les jeunes filles.
Qui leur donne une image faussée de leur corps, qui fait croire à Margaux qu'elle est toujours trop grosse, qu'il lui faut un contrôle nouveau.
Sans même qu'elle s'en aperçoive. /8

Alors quand je vois Margaux aux urgences pédiatriques, elle fait 36 kg.
Son IMC est à 15 à peine.
Et Margaux, elle, ne voit pas le problème. Sa mère est perdue, catastrophée, elle ne sait plus quoi faire. Elle ne sait plus comment la faire manger. /9

Que faire ?
En parler, déjà.
S'en ouvrir aux professionnels, repérer les signes précoces, et prévenir, prévenir, prévenir encore !
Dans un système où la pédopsychiatrie est un sinistre, la chose est ardue, très ardue.
Mais nous devons en parler. /10

Il faudra de nombreux professionnels de santé pour aider Margaux, beaucoup de temps, beaucoup d'investissement et d'efforts et la reconnaissance que oui, les Troubles du Comportement Alimentaires (TCA) sont des maladies, graves et qui doivent se traiter. /11

Cette anecdote n'a rien de fortuite.
Elle vous montre l'influence d'une société malade, où l'image du corps, surtout celle de la femme, produit instagrammable, détruit nos jeunes et les enferment dans des clichés qui les rendent malades. /12

Le confinement, la pandémie, tout ça, n'étaient pas des causes de l'augmentation des troubles psychiatriques chez les enfants.
Mais un révélateur de jeunes cloîtrées dans des familles toxiques ou piégées par des réseaux dangereux.
C'est important aussi de s'en souvenir. /13

Margaux a continué son suivi, avec un psychologue, un médecin traitant, une diététicienne et un pédopsychiatre.
J'espère, de tout mon cœur, que Margaux va mieux, car oui, on peut en guérir de ces TCA, c'est important de le savoir.
Mais il faut encore et encore en parler. /14

J'espère que mon témoignage et ces petits messages qui l'émaillent vous aideront et aideront à reconnaître et prendre ces troubles en charge.
Force à tous les malades, tous les parents et soignants.
#NoMoreTCA