Qui étaient les Minoens ? Un fil sur leur histoire 1/27
Techniquement, l’adjectif « minoen » s’applique à l’ensemble de la période de l’Âge du Bronze en Crète. Mais bien souvent, lorsqu’on parle de civilisation minoenne, on veut évoquer spécifiquement la civilisation palatiale du Bronze Moyen et du début du Bronze Récent. 2/27
Cette période fort riche de l’histoire crétoise doit son nom au roi Minos, dont Thucydide rapporte, dans son Archéologie, qu’il fut le premier roi à construire une flotte et qu’il exerçait son hégémonie sur l’ensemble de l’Egée (Guerre du Péloponnèse 1.4) 3/27
Le Bronze Moyen crétois se divise typiquement en 3 phases : une phase archéo-palatiale (distincte de la phase pré-palatiale correspondant au Bronze ancien) correspondant au Minoen Moyen (MM) I (et p-e à la phase débattue du Minoen Ancien III), suivie du MM II et MM III 4/27
Ces phases ont été définies au début du XXe siècle par A. Evans, le découvreur de Cnossos, selon les développements de la céramique. Il n’est toutefois pas toujours simple de les identifier, même à Cnossos, et elles n’ont été qu’approximativement appliquées aux autres sites 5/27
Des artefacts minoens découverts en Egypte (ou inversement) permettent d’en donner une chronologie approximative : le MM I A courrait de 2100 à 1900, le MM I B de 1900 à 1800, le MM II de 1800 à 1700, le MM III de 1700 à 1600. Le Minoen Récent s’étend lui de 1600 à 1100 6/27
Les débuts du MM sont marqués par une croissance démographique dans l'est de l’île. Les anciens sites s’accroissent et de nouveaux villages apparaissent. Cette progression démographique entraîne l’apparition des premières villes, à Cnossos et à Malia notamment 7/27
La ville de Malia, la mieux connue (toute une partie restant inoccupée à partir de 1700, les restes ont été préservés), se dote de chaussées dallées, encadrées parfois de caniveaux. Un réseau de cours et d’esplanades joue un rôle important dans l’organisation de la ville. 8/27
L’aménagement des rues, la création d’espaces collectifs (« l’Agora », grand espace bordé de gradins qui servait p-e à des cérémonies publiques), l’installation parallèlement au développement de l’agglomération d’établissements agricoles… 9/27
tout ceci montre que Malia n’est pas juste un large habitat, mais bien une ville, centre de commerce et d’artisanat, dépendant des productions agricoles d’une campagne distincte, avec d’importants besoins logistiques qui mèneraient au développement d’une administration 10/27
C’est justement ce besoin administratif nouveau qui mènerait à la construction des ensembles les plus spectaculaires et évocateurs de la culture minoenne : les palais. 11/27
Pr le Bronze Moyen, on distingue les palais de la période « proto-palatiale » construits au MM I A et ceux de la période « néo-palatiale » qui suit la destruction des 1ers par des tremblements de terre et des conflits internes au tournant du MM III 12/27
Construits à Cnossos, Phaistos et Malia, plus tard à Zakros, ils prennent la forme d’un ensemble d’unités rassemblées autour d’une cour centrale. Leur fonction administrative est mise en évidence par la présence de quartiers de magasins/entrepôts et de dépôts d’archives. 13/27
Les Crétois développent les premières écritures pratiquées en Grèce, le hiéroglyphique crétois puis, à partir du MM III, le linéaire A, dont les rares traces n’ont pas permis le déchiffrement mais qui devaient probablement transcrire une langue préhellénique. 14/27
Les Minoens, en effet, n’étaient pas génétiquement issus des populations des steppes qui ont diffusés les langues indo-euro. ; aussi de nombreux patronymes, toponymes et noms de divinités listés dans les tablettes mycéniennes en Crète ne sont pas d’origine grecque 15/27
De plus, au Ier millénaire, la Crète était en partie peuplée, aux côtés des populations doriennes grecques, par les Etéocrétois, les « vrais Crétois », qui parlaient un isolat, distinct du Grec et des langues indo-européennes comme de toute autre famille connue. 16/27
Toutefois, tant que les écritures minoennes n’auront pas été déchiffrées, il est impossible de véritablement trancher la question de la langue crétoise : dans les années 50, le déchiffrement de la langue mycénienne, qu’on découvrait grecque, a été une immense surprise. 17/27
Probablement inspirés des modèles orientaux, la structure et l’organisation des palais – pour y revenir – reste difficile à préciser mais ils devaient servir à la fois de centre politique et de centre de collecte et de redistribution des surplus de production. 18/27
Les relations entre les palais entre-eux ainsi qu’entre les palais et les autres sites est également impossible à spécifier, mais la diffusion de poteries produites dans leurs ateliers permet de dessiner les contours des petites zones qu’ils contrôlaient 19/27
Les palais accueillaient une élite économique et guerrière signalée par ses armes d’apparats. Ils étaient également entourés de quartiers d’artisans spécialisés (graveurs, potiers, fondeurs, fabricants de vases en pierre) travaillant à plein temps au service de l’élite. 20/27
Du côté de la religion, les sanctuaires se trouvent typiquement sur les sommets, en marge des territoires (un moyen d’affirmer rituellement le contrôle du palais sur ses frontières) ou dans les grottes, plus rarement dans l’espace urbain 21/27
On reconnait ces sanctuaires à leurs brasiers sacrificiels, leurs ex-votos de guérisons, leurs figurines ainsi qu’à des tables à offrandes, rhytons, offrandes de coquillage ou encore les célèbres doubles haches… La nature de la ou des divinités priée(s) nous échappe. 22/27
Dès le MM I A, les Minoens s’engagent dans la colonisation de l’Egée, à commencer par l’île de Cythère qui dût servir d’avant-poste dans les relations avec le Péloponnèse ; sur le continent, l’art crétois exerce son influence en Argolide et en Laconie. 23/27
A la période néo-palatiale, l’usage du linéaire A et des pesons (pour peser les marchandises) de standard minoen se répandent dans les cyclades, que ces îles soient colonisées (comme l’est incontestablement Cythère) ou qu’elles adoptent d’elles-mêmes la culture crétoise. 24/27
Sur le continent, l’art crétois influence grandement la civilisation mycénienne alors en plein essor. Les Grecs mycéniens s’en approprient la faïence, en imitent les fresques, suivent l'influence florale de sa poterie et se parent de bijoux à la mode insulaire. 25/27
La civilisation minoenne pâtirait toutefois du développement du monde mycénien, qui s’enrichit considérablement entre les XVII et XVe siècles. En 1450, l’écriture minoenne laisse place à Cnossos au linéaire B mycénien tandis que les autres palais disparaissaient. 26/27
De ce point, l’île passe sous le contrôle d’une aristocratie venue du continent (qui s’associe p-e à l’élite locale) et s’helléniserait définitivement. Si archéologiquement on continue de parler d'aire minoenne, le destin de l'île était désormais lié à celui de Mycènes 27/27
Sources :
B. Le Guen (dir.), Naissance de la Grèce, Belin, 2019, pp. 49-128 (Mondes Anciens)
R. Treuil, P. Darcque, J.-C. Poursat, G. Touchais (dir.), Les civilisations égéennes, PUF, 2008, pp. 135-253 (Nouvelle Clio)
Sur les origines génétiques des populations égéennes de l'Age du Bronze :
Je dis pour le Bronze Moyen, mais la période néo-palatiale s'étend jusqu'au tournant du Minoen Récent II, lorsqu'une aristocratie mycénienne prend le contrôle de Cnossos
L’idée d’une communauté de jeunes garçons menant une vie sauvage, guerrière et errante est un thème fréquent des mythologies indo-européennes mais aussi une pratique initiatique répandue dans ces sociétés. Un fil sur les Männerbunde indo-européen. 1/16
Plusieurs mythes grecs racontent l’histoire d’une troupe de 50 jeunes hommes solidaires menés loin de leur famille. Ce sont les 50 Héraclides partis en Italie, les 50 Aiguptides poursuivant les Danaïdes jusqu’en Argolide ou les 50 argonautes jetés sur les mers 2/16
Les Irlandais se partageaient le mythe des Fianna, jeunes guerriers-poètes intrépides ayant mission de veiller sur l’Irlande. Ils vivaient en plein air l’été, dans le monde sauvage, les bois et les collines, et les foyers d’Irlande avaient devoir de les héberger l’hiver 3/16
Au début du Ve siècle, l’Occident romain entre dans une grave crise migratoire qui désorganise ses défenses. La Grande Bretagne doit être abandonnée pour se concentrer sur la protection du continent. Un fil sur la fin de la Bretagne romaine. 1/28
Pointe extrême de l’empire, isolée, éloignée de la méditerranée, la Bretagne était aussi imparfaitement conquise. Le retrait de Publicola sous Domitien avait laissé libre l'Ecosse, une situation entérinée par la construction des murs d’Hadrien et d’Antonin au IIe siècle. 2/28
L’île était ainsi un territoire âpre à défendre, constamment menacée au nord par les Pictes. En 367, elle dut faire face à la « Conspiration barbare » une attaque simultanée par les Pictes d’Ecosse, les Scots et Attacotti d’Irlande et les Saxons venu d’Allemagne du nord. 3/28
Formulée en 1956 par M. Gimbutas, l’hypothèse qui identifie l’origine des Indo-Européens aux cultures Kourganes est aujourd’hui la mieux soutenue par la linguistique, l’archéologie et la génétique. Panorama de ces cultures auxquels nous devons nos langues 1/32
"kourgane" est un mot russe d’origine tatare (kurgan) désignant un tumulus. Lorsque le mot prend une majuscule, il désigne un ensemble de cultures du Néolithique et de l’Âge du Bronze qui ont évolué dans la région des steppes de l’Ukraine et de Russie Méridionale. 2/32
Aussi appelée culture des tombes à ocres, elles étaient caractérisées par l’aspersion d’ocre sur leur mort, une culture hiérarchisée, patriarcale, à forte coloration guerrière ou le cheval tenait, religieusement, militairement et économiquement, une place importante. 3/32
Après l'effondrement de la civilisation mycénienne aux XII-XIe siècle, s'est posé aux petites communautés nouvellement créées sur les décombres des grands royaumes la question de la mémoire qu'elle devaient entretenir de cette ancienne civilisation 1/16
La poésie homérique qui chante les exploits de héros Argiens/Achéens (mycéniens?) armés de bronze, compte parmi les éléments de cette mémoire. Sans entrer dans la délicate (et superficielle?) question de l'historicité de la guerre de Troie, la langue homérique elle-même 2/16
conserve encore au VIIIe siècle (date probable de la rédaction des épopées) des formes dialectales typiques de la langue mycénienne. Langue d'aède, artificielle, conçue pour la poésie composée et improvisée oralement, la langue d'Homère est essentiellement un dialecte 3/16
Quand et pourquoi les Grecs ont-ils inventé le temple ? Un fil sur les évolutions religieuse de la Renaissance grecque. 1/37
Le temple, « naos » en grec, était la demeure du dieu. Il n’était ni le lieu de rassemblement d’une communauté de fidèles, ni, le plus souvent, le lieu du rituel sacrificiel, qui était véritablement le cœur du culte grec. 2/37
Sa fonction était de recevoir l’image de culte (normalement, une statue du dieu) et les offrandes faites aux dieux. Ni le temple, ni l’image de culte (qui en l’absence de temple se tient simplement en plein air dans l’espace sacré) n’étaient indispensable au culte 3/37
Comment la civilisation mycénienne s’est-elle effondrée ? Un fil 1/34
Entre le XVIIe et le XVIe siècles, l’enrichissement progressif d’une aristocratie guerrière en Grèce continentale s'accompagne de l'affirmation de grands centres politiques et de l’essor d’un art d’une richesse inédite : ce sont les débuts de la civilisation mycénienne. 2/34
Au XVe siècle, cette civilisation, peut-être sur le modèle crétois, organise une économie centralisée et redistributive centrée autour des palais, de grands complexes qui servent à la fois de centres politiques, religieux, économiques et administratifs des royaumes. 3/34