Je commence quelques threads sur les Foyers de Charité, communauté catho en pleine "refondation" (🙄), leur actualité, leur histoire.
Ça va décoiffer un peu.
C'est parti. 🧶
Les Foyers de Charité, c'est un ensemble de lieux de retraites spirituelles nés de l'intuition conjointe de Marthe Robin, mystique, et du père Finet, dont on a découvert récemment le goût pour les confessions tardives de jeunes élèves.
À Courset, où les @FoyerDeCharite ont un établissement scolaire (primaire-collège), la rentrée ne se fera pas le 4 septembre pour tous. En cause: la très grande difficulté de recrutement d'enseignants et de personnels encadrants, comme on peut le voir sur leur site.
On a le sentiment que ce Foyer ne se sort pas de la crise qui a éclaté lorsqu'il a discrètement reconnu, dans sa lettre d'information du 27/01/2020, les violences sexuelles perpétrées par son fondateur, le père Michel Tierny, à l'encontre de plusieurs femmes membres des Foyers.
Il n'y a jamais eu, à ma connaissance, d'autre communication officielle de la part des Foyers. Sur le site de Courset, pas un mot de tout cela.
Heureusement, la presse en a parlé, @lavoixdunord en têtefoyer-charite-courset.fr/histoire-du-fo…
Mieux. Mgr Dubost, évêque émérite d'Évry, à été nommé par le pape en 2022 délégué pontifical de Foyers grevés de problèmes de gouvernance et d'abus. Il fallait sauver l'œuvre; on envoya donc le pompier de service, qui avait plutôt bien réussi le même genre de mission à Lyon.
Voici un courrier interne de Dubost aux membres des Foyers daté de juin dernier. On y apprend des choses fort intéressantes.
D'abord ceci, à propos de Courset.
Visiblement, la reconnaissance des violences, c'est compliqué.
On apprend ensuite que les médias et en particulier @Mediapart et les "publications catholiques" (coucou @LaCroix @LaVieHebdo @FChretienne) sont pas gentils et S'EMPARENT des trucs du passé pour accuser des gens. Hou, vilains.
Il y a aussi le ton de la lettre. Dans toutes ses communications aux Foyers, écrites ou orales, Dubost dit "nous".
Or il n'est pas membre de Foyer.
Il est délégué pontifical.
Il est censé venir remettre de l'ordre dans une situation de bordel intégral.
On sent mal la distance, là
Dubost évoque aussi sa commission Pozzo.
Et ça c'est passionnant.
Là du coup c'est pas "un journal numérique indépendant et des publications catholiques" qui se sont fait l'écho de cette magnifique initiative, c'est "la presse française".
C'est d'un autre niveau, tout de suite.
Car Dubost est très fier de cette commission. Il faut dire que le coup est assez génial.
Je vous explique ?
Allez.
D'abord sachez qu'il est éminemment probable que Dubost n'ait pas eu le choix. En effet, les Foyers de Charité adhèrent à la Commission Reconnaissance et Réparation, qui reçoit les victimes de violences et établit une recommandation d'indemnisation.
Or, dans le questionnaire que
les victimes sont invitées à remplir, il y a ceci:
Il est donc éminemment probable que ce soit sous la pression des victimes que cette commission se soit mise sur pied, et non par la grâce de Dubost.
Mais comment concilier une commission censée faire la vérité et la consigne romaine de sauver les Foyers ?
Parce que les violences sexuelles aux Foyers, c'est véritablement un problème systémique, à un point inimaginable. Ce n'est pas moi qui le dit. C'est d'abord @Mediapart qui recensé pour le seul Foyer de Charité de Tressaint au moins quatre-vingt dix victimes.
C'est ensuite Dubost lui-même qui reconnaît, dans une rencontre avec des membres de Foyers en novembre 2022, qu'il y a environ deux cents dossiers en France seule "de victimes ou de problèmes" (sic).
Il y a environ un millier de membres de Foyers dans le monde.
Difficile de savoir ce qu'est, pour Mgr Dubost, la différence entre une "victime" et un "problème". Parce que sur le père Finet, co-fondateur des Foyers et accusé de gestes pédocriminels au Foyer de Château neuf-de-Galaure, par exemple, voici son avis :
(le (...) correspond à une remarque d'un membre de l'assistance inaudible).
Donc voyez qu'il y a de quoi frémir de ce qu'une commission d'enquête sérieuse pourrait découvrir. Ce serait la mort pure et simple des Foyers.
Comment donc éviter cela ?
Un moyen possible serait de créer une commission fantoche.
Or, la commission Pozzo est le contraire même de cela.
Elle est composée de gens irréprochables.
Alessandra Pozzo, du CNRS, qui la conduit, n'est vraiment pas du genre à se laisser mener par le bout du nez.
A ses côtés, Marie-Jo Thiel, qu'on imagine difficilement passer les plats dans une magouille, Denis Pelletier, l'historien auteur de A la gauche du Christ, ou Philippe Portier de l'EPHE, ancien membre de la commission Sauvé.
Sauf que le diable est dans les détails. Il ne s'agira pas pour cette commission de recenser les violences ni les victimes. Il s'agira "de faire la lumière, de manière universitaire, sur la façon dont les abus – spirituels et sexuels — se sont fondés".
Génie.
En restant dans le domaine théologique, on évite soigneusement le concret.
Et de faire vraiment les comptes de ce qui apparaît, si les chiffres de Mgr Dubost lui-même sont exacts, comme l'un des plus effarants systèmes d'abus dans l'Eglise.
200 dossiers sur 1000 membres.
1 sur 5.
Dans un prochain thread, je vous donnerai quelques éléments sur ce qui a permis ces dérives industrielles.
A suivre.
Cc @Miviludes_Gouv @SoniaBackes @veroniqueop @Fourmiausoleil @Anonyme_Vicieux @D_Le_Vaillant @Sophie__Lebrun @heloise_dn @LeslieLarcher
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Comment j'en suis venue à parler des dérives dans l'Eglise.
Un thread.
👇
Voyez, moi, à la base, je suis une littéraire monomaniaque. Je sortais un bouquin par an, et je dévorais tout ce que je pouvais sur la patristique, et surtout les hérésies des premiers siècles. Intérêt littéraire mais aussi de foi: c'est passionnant de voir comment on élabore
une vérité, en se trompant (évidemment je parle d'un point de vue catholique).
Ma came, donc, c'est les bouquins pieux, et particulièrement Saint Irénée.
Voyez, ça, c'est un bout de ma bibliothèque, et je n'ai quasi plus le temps de l'ouvrir.
Coucou la @CteBeatitudes !
Long time no see hein ?
Alors j'ai ouvert le beau livre publié à l'occasion de vos 50 ans.
Sortir un livre rétrospectif quand on vient de lancer une commission historique, c'est rigolo comme démarche.
Venez, on va le feuilleter ensemble 👇
Ça commence par une préface de Mgr de Kérimel, archevêque de @toulousecatho et évêque référent de la communauté. Sauf que...
Sauf que voilà Kérimel bombardé "évêque protecteur".
Là, on se dit que c'est quand même vache d'avoir piégé ainsi ce pauvre Guytou.
Il a pas pu relire.
Ben en fait si. C'est assumé.
Se revendiquer "protecteur" d'une communauté dont le numéro deux plus un ancien membre sont l'objet actuellement de procédures canoniques et judiciaires...
Allô, y'a quelqu'un a la comm de Toulouse ?
"Frères de Saint Jean". L'expression aurait pu, aurait dû sans doute faire froncer le sourcil, en particulier des spécialistes de la gnose. Et le texte voté en 2001 par le chapitre de la CSJ les faire sauter au plafond. Tout était sous nos yeux.
Un 🧵explicatif👇.
En vingt siècles de christianisme, c'est extrêmement rare qu'un apôtre ait servi de prétexte à la fondation d'une congrégation. Pour une excellente raison: les ordres se réclament d'une spiritualité fondatrice, or dans le cas des apôtres on n'en a aucune idée. Que des fantasmes.
Petite exception avec les Sœurs de Saint Paul dont le charisme, lors de leur fondation au XIXe siècle, consistait à répandre l'évangile de par le monde via notamment la presse - l'analogie avec ce graphomane de Paul tient la route.
Deuxième partie de mes recherches sur les origines de certaines pratiques charismatiques. 2/ Le 3ème Grand Réveil (Third Great Awakening) et la contamination spirite.
Certains historiens (R. W. Fogel, W. G. McLoughlin) divisent toute l'histoire américaine en périodes religieuses.
Ça se tient: fondés par les Pilgrims Fathers ("Pères Pèlerins"), les USA sont inséparables de la religion. Nombre d'Etats (Rhode Island, Massachusetts, Pennsylvanie, Utah, etc) furent d'abord des colonies religieuses.
Selon leur découpage, on aurait donc:
A-Le 1er Grand Réveil, 1730-1740.
Mouvement puritain, met l'accent sur l'effusion du Saint-Esprit, la conversion personnelle et promeut des prêcheurs itinérants qui insistent sur le salut prêché à tous (y compris femmes et esclaves). Méthodistes et presbytériens se développent.
Dans les prochains jours, je vais faire quelques threads sur les origines de certaines pratiques charismatiques. La question est intéressante : comment des pratiques totalement marginales dans les deux sens du terme ont-elles pu devenir mainstream aujourd'hui ?
1/Le parler en langues et le baptême dans l'Esprit.
On a des témoignages, tout au long de l'histoire de la Réforme radicale (les ancêtres des évangéliques: il n'y avait pas que Luther et Calvin !) de protestants qui, dès le XVIe siècle, mettaient l'accent sur le parler en langues
comme signe de l'élection divine. Chez les camisards notamment, il y a des histoires d'enfants parlant soudain un français parfait en prophétisant alors qu'ils n'étaient en contact qu'avec le patois. D'autres témoignages sur des adultes.
Hier un ami m'a filé le livret de l'agapèthérapie pratiquée à Cacouna (Québec) par des cathos charismatiques et qui a été rapporté en France par Bernard Dubois (Béatitudes).
Ce truc est aujourd'hui encore pratiqué sans que cela n'émeuve outre mesure. #AssisesDérivesSectaires
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Dubois a été dégagé de ces sessions lorsque l'Église a toiletté la chose en 2012-2013, mais il a continué à la Cotellerie (Mayenne) sous un nom plus discret.
Et ô surprise, qui revoilà en juin prochain sur le programme du centre Marthe et Marie de Béthanie des Béatitudes ?
Pour l'historique de ces sessions qui ont fracassé de nombreuses victimes je vous invite à lire ce dossier : lenversdudecor.org/L-Agape-du-Puy…