🧵 Je reprends le cours de mes réflexions sur la guerre en Ukraine (avec une comparaisons avec la Première Guerre mondiale pour une mise en perspective).
A l'occasion de l'annonce, aujourd'hui, que les fonds, pour l'achat groupé des 800 000 obus identifiés dans le monde par le président 🇨🇿Petr Pavel, sont presque rassemblés, j'aborde la réflexion🔰N°10 "Obus, obus, encore des obus" dans laquelle je vous présente un panorama des fournisseurs (🇺🇸🇰🇷🇪🇺🇩🇪🇧🇬🇫🇷🇮🇳🇵🇰🇯🇵🇳🇴🇫🇮🇬🇷) et une analyse de la disposition en munition côté ukrainien.
🖊️Liste des points de réflexion👇
n°1 – De la comparaison
🔰n°2 – Un changement de stratégie
🔰n°3 – Un nouveau commandement
🔰n°4 – Standardisation et allègement des brigades
🔰n°5 - La nécessité de la mobilisation
🔰n°6 - Le tourniquet
🔰n°7 - Le blocage tactique
🔰n°8 - Des solutions tactiques?
🔰n°9 - La masse : la production de guerre ukrainienne
🔰n°10 - Obus, obus, encore des obus!
A l'occasion de l'annonce, aujourd'hui, que les fonds, pour l'achat groupé des 800 000 obus identifiés dans le monde par le président 🇨🇿Petr Pavel, sont presque rassemblés, j'aborde la réflexion🔰N°10 "Obus, obus, encore des obus" dans laquelle je vous présente un panorama des fournisseurs (🇺🇸🇰🇷🇪🇺🇩🇪🇧🇬🇫🇷🇮🇳🇵🇰🇯🇵🇳🇴🇫🇮🇬🇷) et une analyse de la disposition en munition côté ukrainien.
🖊️Liste des points de réflexion👇
n°1 – De la comparaison
🔰n°2 – Un changement de stratégie
🔰n°3 – Un nouveau commandement
🔰n°4 – Standardisation et allègement des brigades
🔰n°5 - La nécessité de la mobilisation
🔰n°6 - Le tourniquet
🔰n°7 - Le blocage tactique
🔰n°8 - Des solutions tactiques?
🔰n°9 - La masse : la production de guerre ukrainienne
🔰n°10 - Obus, obus, encore des obus!
https://twitter.com/Stevius21/status/1757057774280724492
📌Pour commencer, quelques chiffres :
=>les Ukrainiens consomment en moyenne de 150 000 à 200 000 obus/mois soit 5 000 à 7 000/jour. Il ne s'agit que d'une moyenne car si durant l'offensive de l'été 2023 ce niveau a pu atteindre les 9 000 à 10 000 obus/jour, il est aujourd'hui plus proche des 3 000 voire 2 000.
=> A titre de comparaison, les Russes tiraient au début de la guerre jusqu'à 60 000 obus. Aujourd'hui ce serait entre 10 000 et 20 000.
📌Ces obus sont de différents calibres :
=> les calibres occidentaux : 105mm (obusier M119, AMX-10 RC, Leopard 1), 120mm (Leopard 2, Abrams...) et 155mm (M109, M777, CAESAR, PzH2000...).
=> les calibres soviétiques : 122mm (2S1 Gvozdika, D-30), 152mm (D-20, 2S3 Akatsia, 2A36 Giatsint, Dana..).
📌L'artillerie est depuis les années 1980 le parent pauvre des armées occidentales. Considérée comme moins précise, associée à un risque de pertes civiles, elle a été relayée au profit des frappes aériennes ("la frappe chirurgicale"). La guerre du Golfe et les différentes interventions comme en Serbie (1999), en Libye (2011) et l'Etat islamique à partir de 2014 où a chaque fois l'aviation a joué un rôle essentiel, n'ont fait que conforter l'idée du rôle secondaire de l'artillerie dans l'armée du XXIe siècle, ce à quoi s'ajoute le sentiment d'un faible risque du retour de la guerre (en Europe). La production d'obus a donc été, selon les pays, réduite au minimum (à peine 1 000 en France par mois).
=>les Ukrainiens consomment en moyenne de 150 000 à 200 000 obus/mois soit 5 000 à 7 000/jour. Il ne s'agit que d'une moyenne car si durant l'offensive de l'été 2023 ce niveau a pu atteindre les 9 000 à 10 000 obus/jour, il est aujourd'hui plus proche des 3 000 voire 2 000.
=> A titre de comparaison, les Russes tiraient au début de la guerre jusqu'à 60 000 obus. Aujourd'hui ce serait entre 10 000 et 20 000.
📌Ces obus sont de différents calibres :
=> les calibres occidentaux : 105mm (obusier M119, AMX-10 RC, Leopard 1), 120mm (Leopard 2, Abrams...) et 155mm (M109, M777, CAESAR, PzH2000...).
=> les calibres soviétiques : 122mm (2S1 Gvozdika, D-30), 152mm (D-20, 2S3 Akatsia, 2A36 Giatsint, Dana..).
📌L'artillerie est depuis les années 1980 le parent pauvre des armées occidentales. Considérée comme moins précise, associée à un risque de pertes civiles, elle a été relayée au profit des frappes aériennes ("la frappe chirurgicale"). La guerre du Golfe et les différentes interventions comme en Serbie (1999), en Libye (2011) et l'Etat islamique à partir de 2014 où a chaque fois l'aviation a joué un rôle essentiel, n'ont fait que conforter l'idée du rôle secondaire de l'artillerie dans l'armée du XXIe siècle, ce à quoi s'ajoute le sentiment d'un faible risque du retour de la guerre (en Europe). La production d'obus a donc été, selon les pays, réduite au minimum (à peine 1 000 en France par mois).
🇺🇸 Les Etats-Unis 🇺🇸
Avec leur quarantaine de paquets d'aides militaires totalisant 46 milliards de $, les Etats-Unis sont aujourd'hui le premier fournisseur d'obus. C'est ainsi que le 23 juin 2022 Washington annonce vouloir expédier 36 000 obus de 105mm, 150 000 de 155 le 2 juillet 2022, 75 000 obus de 155 le 1er août 2022... En juin 2023, les Etats-Unis avaient déjà fourni 2 millions d'obus de 155mm.
La fabrication est assurée par des entreprises comme la Scranton Army Ammunition Plant (Pennsylvanie) située à 100 km à l'ouest de New York.
Le pays produisait 14 000 obus de 155mm/mois en 2022, 28 000 en octobre 2023, 57 000 au printemps 2024 et le but est de passer à une production mensuelle de 100 000 obus en 2025 soit une multiplication par 4 de la production depuis le début de la guerre grâce, en partie à la robotisation des sites industriels.
Avec leur quarantaine de paquets d'aides militaires totalisant 46 milliards de $, les Etats-Unis sont aujourd'hui le premier fournisseur d'obus. C'est ainsi que le 23 juin 2022 Washington annonce vouloir expédier 36 000 obus de 105mm, 150 000 de 155 le 2 juillet 2022, 75 000 obus de 155 le 1er août 2022... En juin 2023, les Etats-Unis avaient déjà fourni 2 millions d'obus de 155mm.
La fabrication est assurée par des entreprises comme la Scranton Army Ammunition Plant (Pennsylvanie) située à 100 km à l'ouest de New York.
Le pays produisait 14 000 obus de 155mm/mois en 2022, 28 000 en octobre 2023, 57 000 au printemps 2024 et le but est de passer à une production mensuelle de 100 000 obus en 2025 soit une multiplication par 4 de la production depuis le début de la guerre grâce, en partie à la robotisation des sites industriels.
🇰🇷Corée du Sud 🇰🇷
En raison de la guerre de Corée (1950-1953), la Corée du Sud dispose d'une BITD importante qui lui permet de produire des obus plus vite et moins cher. C'est notamment Poongsan Corp qui produit les obus de 155mm dans son usine d'Angang.
Les premiers doute d'une livraison de Séoul à l'Ukraine remonte à novembre 2022 lorsque les Etats-Unis font une commande de 100 000 obus pour ses propres stocks vidés en partie par leurs fournitures à l'Ukraine. mais très vite arrive la suspicion d'une livraison déguisée à l'Ukraine. Or la Corée du Sud n'a pas le droit de livrer des armes à un pays en guerre mais contourne ce fait en passant par un pays tiers. C'est ainsi qu'en avril 2023 Séoul conclue un autre accord avec les Etats-Unis pour fournir 500 000 obus. Ce sont ces derniers qui ont permis à l'Ukraine de mener sa contre-offensive entre juin et octobre 2023. Selon le Washington Post (début décembre 2023), la Corée du Sud pourrait livrer 330 000 autres obus de 155mm en 40 jour. Etant donné que l'aide des Etats-Unis est actuellement bloquée par le Congrès et que l'Europe n'est parvenue à livrer que 360 000 obus jusqu'en janvier 2024, la Corée du Sud pourrait devenir le fournisseur d'obus à l'Ukraine le plus important.
Il est plus que probable qu'une partie des 800 000 obus du plan du président tchèque Petr Pavel proviennent de la Corée du Sud.
En raison de la guerre de Corée (1950-1953), la Corée du Sud dispose d'une BITD importante qui lui permet de produire des obus plus vite et moins cher. C'est notamment Poongsan Corp qui produit les obus de 155mm dans son usine d'Angang.
Les premiers doute d'une livraison de Séoul à l'Ukraine remonte à novembre 2022 lorsque les Etats-Unis font une commande de 100 000 obus pour ses propres stocks vidés en partie par leurs fournitures à l'Ukraine. mais très vite arrive la suspicion d'une livraison déguisée à l'Ukraine. Or la Corée du Sud n'a pas le droit de livrer des armes à un pays en guerre mais contourne ce fait en passant par un pays tiers. C'est ainsi qu'en avril 2023 Séoul conclue un autre accord avec les Etats-Unis pour fournir 500 000 obus. Ce sont ces derniers qui ont permis à l'Ukraine de mener sa contre-offensive entre juin et octobre 2023. Selon le Washington Post (début décembre 2023), la Corée du Sud pourrait livrer 330 000 autres obus de 155mm en 40 jour. Etant donné que l'aide des Etats-Unis est actuellement bloquée par le Congrès et que l'Europe n'est parvenue à livrer que 360 000 obus jusqu'en janvier 2024, la Corée du Sud pourrait devenir le fournisseur d'obus à l'Ukraine le plus important.
Il est plus que probable qu'une partie des 800 000 obus du plan du président tchèque Petr Pavel proviennent de la Corée du Sud.
🇪🇺L'Union Européenne 🇪🇺
En mars 2023, le commissaire européen Thierry Le Breton a présenté en partenariat avec l'AED (Agence Européenne de Défense) un projet de collaboration pour l'acquisition de munitions.
=> C'est un plan de deux milliards dont un milliard consacrer au premier point : l'approvisionnement de l'Ukraine en obus en particulier de 155 mm en mutualisant les achats et en réduisant les coûts par des économies d'échelle.
=> Le 2e point vise à reconstituer les stocks des armées européennes.
=>Le 3e point de ce plan vise à soutenir l'industrie de défense européenne pour qu'elle augmente sa production avec un engagement à fournir 1 millions d'obus de 155mm en douze mois (2 700/jour), c'est-à-dire mars 2024. L'AED a répertorié dans l'U.E. 15 entreprises situées sur 11 pays capables de produire des munitions et des missiles.
22 pays ont adhéré à ce projet. Mais en décembre 2023 le nombre d'obus livrés à l'Ukraine ne dépasse pas les 330 000 et devrait atteindre 520 000 fin mars soit la moitié de ce qui avait été promis. Thierry Breton parle tout de même d'un pallier de 1,3 à 1,4 millions d'obus qui devrait être atteint à la fin de l'année 2024. Le problème vient à la fois du temps nécessaire à la montée en puissance d'un appareil productif sous dimensionné depuis des années et la pénurie de matière première (on évoquera le problème qui a touché les forges de Tarbes).
En mars 2023, le commissaire européen Thierry Le Breton a présenté en partenariat avec l'AED (Agence Européenne de Défense) un projet de collaboration pour l'acquisition de munitions.
=> C'est un plan de deux milliards dont un milliard consacrer au premier point : l'approvisionnement de l'Ukraine en obus en particulier de 155 mm en mutualisant les achats et en réduisant les coûts par des économies d'échelle.
=> Le 2e point vise à reconstituer les stocks des armées européennes.
=>Le 3e point de ce plan vise à soutenir l'industrie de défense européenne pour qu'elle augmente sa production avec un engagement à fournir 1 millions d'obus de 155mm en douze mois (2 700/jour), c'est-à-dire mars 2024. L'AED a répertorié dans l'U.E. 15 entreprises situées sur 11 pays capables de produire des munitions et des missiles.
22 pays ont adhéré à ce projet. Mais en décembre 2023 le nombre d'obus livrés à l'Ukraine ne dépasse pas les 330 000 et devrait atteindre 520 000 fin mars soit la moitié de ce qui avait été promis. Thierry Breton parle tout de même d'un pallier de 1,3 à 1,4 millions d'obus qui devrait être atteint à la fin de l'année 2024. Le problème vient à la fois du temps nécessaire à la montée en puissance d'un appareil productif sous dimensionné depuis des années et la pénurie de matière première (on évoquera le problème qui a touché les forges de Tarbes).
🇨🇿L'initiative de Petr Pavel 🇨🇿
Face à ce retard de la production de l'U.E., Borrell, vice président de la commission européenne, a proposé aux pays d'arrêter de dévier une partie de leur production par un arrêt de leurs exportations vers des pays autres que l'Ukraine.
Mais surtout, le 17 février 2024, le président tchèque Petr Pavel annonce que son ministère de la défense a identifié dans le monde, en dehors de l'U.E. des stocks disponibles de 800 000 obus (500 000 de 155mm et 300 000 de 122mm) pouvant être achetés immédiatement et envoyés en Ukraine dans les semaines qui suivent. La Tchéquie s'assurerait du transport si le financement des achats était assuré. Les pays d'origine de ces munitions n'ont pas été cités mais l'Afrique du Sud, l'Egypte, l'Amérique latine, la Corée du Sud et la Turquie sont évoquées. Des pays comme le Canada, le Danemark (20 millions), les Pays-Bas (100 millions), Belgique (200 millions) se sont très joints à cette initiative. La France qui avait d'abord refusé pour privilégier la production européenne (la Grèce et Chypre ont fait de même pour ne pas voir achetés des munitions turques), s'est ralliée au projet. Il en est de même pour la Lituanie et l'Allemagne. La Lettonie est le dernier pays à rejoindre l'initiative le 6 mars. Le même jour, le journal Bloomberg annonce que presque tous les fonds ont été trouvés.
Face à ce retard de la production de l'U.E., Borrell, vice président de la commission européenne, a proposé aux pays d'arrêter de dévier une partie de leur production par un arrêt de leurs exportations vers des pays autres que l'Ukraine.
Mais surtout, le 17 février 2024, le président tchèque Petr Pavel annonce que son ministère de la défense a identifié dans le monde, en dehors de l'U.E. des stocks disponibles de 800 000 obus (500 000 de 155mm et 300 000 de 122mm) pouvant être achetés immédiatement et envoyés en Ukraine dans les semaines qui suivent. La Tchéquie s'assurerait du transport si le financement des achats était assuré. Les pays d'origine de ces munitions n'ont pas été cités mais l'Afrique du Sud, l'Egypte, l'Amérique latine, la Corée du Sud et la Turquie sont évoquées. Des pays comme le Canada, le Danemark (20 millions), les Pays-Bas (100 millions), Belgique (200 millions) se sont très joints à cette initiative. La France qui avait d'abord refusé pour privilégier la production européenne (la Grèce et Chypre ont fait de même pour ne pas voir achetés des munitions turques), s'est ralliée au projet. Il en est de même pour la Lituanie et l'Allemagne. La Lettonie est le dernier pays à rejoindre l'initiative le 6 mars. Le même jour, le journal Bloomberg annonce que presque tous les fonds ont été trouvés.
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