«On ne combat pas une épidémie avec la peur mais avec des comportements raisonnables»
«Hurler et être alarmiste n’est PAS la bonne méthode quand on veut éduquer sur les questions de santé»
Ces personnes ont-elles entendu parler d'une orga créée en 1987 qui s'appelle ACT UP ? 🧵
Parceque rappelons-nous bien que l'histoire d' ACT UP c'est ça :
11 octobre 1988, siège de la Food & Drug Administration (FDA) à Rockville, première manifestation nationale d' ACT UP intitulée « Prendre le control de la FDA ».
Qu'est-ce que ces jeunes gens raisonnables HURLENT ce 11 octobre 1988 devant le siège de la FDA ?
WE'LL NEVER BE SILENT AGAIN! ACT UP!
NOUS NE SERONS PLUS JAMAIS SILENCIEU·SES ! AGISSONS !
WE'LL NEVER BE SILENT AGAIN! ACT UP!
NOUS NE SERONS PLUS JAMAIS SILENCIEU·SES! AGISSONS !
Manifestation Stop the Church (Arrêter l'Église) le 10 décembre 1989 à la cathédrale Saint-Patrick de New York.
En mars 1989 commence une campagne contre les Centers for Disease Control (CDC), principale agence de santé publique aux États-Unis, pour changer la définition du SIDA en vue d'inclure les maladies spécifiques aux femmes et aux usagers de drogues.
De ce côté-ci de l'Atlantique ACT UP est créé en juin 1989 et à l'image de l'organisation soeur étatsunienne elle brandit des slogans forts, certain·es diraient sûrement "alarmistes" :
« ACT UP EN COLÈRE ! LE SIDA C'EST LA GUERRE ! »
« SIDA, QUE CESSE CETTE HÉCATOMBE ! »
Beaucoup se souviennent de l' "Encapotage" de l'obélisque de la place de la Concorde le 1er janvier 1993. Mais ACT UP Paris reprends également l'organisation d'un « Jour du Désespoir » où les actions s'enchainent.
En 2017, 120 Battements par minute nous a rappelé qu' ACT UP Paris c'est aussi des "zaps", des actions coup de poing contre ce qu'iels nomment « les complices du SIDA ».
La scène a fait frissoner tout le monde mais il se pourrait qu'elle soit un peu en deça de la réalité des actions.
Le 13 mars 1992 à l'hôpital de la Pitié Palpêtrière des militants d'ACT UP couvre de faux sang et menotte le docteur Bahman Habibi, impliqué dans le scandale du sang contaminé.
Mai 1993. « A Neuilly-sur-Seine, au siège des laboratoires Roche, une odeur fétide de viande pourrie se dégageait jusqu’à 100 mètres à la ronde. Une quarantaine des militants d’Act Up sont venus déposer ce foie à l’entrée de l’immeuble et ont jeté des sacs de sang» (L'Humanité)
26 mars 1996, altercation raisonnable entre des militant·es d' ACT UP et des représentants des assurances et de l'État siégeant au sein du du comité de suivi de la 'Convention sur l’assurabilité des personnes
séropositives'.
Reprenons, d'abord avec une correction par rapport à la photo de mai 1993. Merci à @Fabrice_Pilorge 🙏
Profitons-en également pour faire quelques rappels.
ACT UP loin de se cantonner à un activisme aveugle et effréné non seulement choisit et prépare minitieusement et collectivement ses actions, et appuie ses interventions sur une étude conséquente de la littérature scientifique.
Comme le rappel Jerome Martin (ancien président d'Act Up-Paris), qui souligne également l'expertise sociale et politique développée par ACT UP :
Un travail collectif sur les connaissance scientifiques parmi les plus importants de l’époque. Concurrençant certains spécialistes du sujet, forçant les instances de recherche et les labos à prendre en compte leur expertise et le point de vue des malades.
Sur ce point nous avons publié un chapitre de l’incroyable bilan d’Act Up-Paris publié en avril 1994 aux éditions Dagorno sous le titre *Le Sida, combien de divisions ?* sur notre site (lien en bio).
Mais reprenons notre fil :
Un autre mode d’action est le Die In, les manifestant·es bloquent des lieux public en s'allongeant pour symboliser les mort·es du SIDA. Cela peut sembler inoffensif mais alors que la pandémie est méthodiquement tue c’est un moyen de visibilisation accessible qui frappe les esprit
D’autant qu’il est parfois pratiqué massivement. Ici à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le Sida en 1994.
Mais ACT UP ne s’arrête pas là dans la politisation de la mort. Aux États-Unis comme en France plusieurs de ses militant·es réclame que leur enterrement soit transformé en manifestation politique. C’est ce qui va être fait, et entrainera parfois des confrontation avec la police.
« Moi, séropositif et désespéré, je veux rendre à la mort-par-sida son plein sens politique, trop souvent tapi sous une débauche de fleurs. Je veux mourir avec fracas, je veux une mort visible et du tapage autour de mon corps, je veux des funérailles politiques ! » Alain
Suite du texte alternatif
Nous avons publié plusieurs articles sur ces enterrements politiques dans notre dossier "En deuil et en colère" du 12 Janvier 2023 (lien vers notre site en bio).
Les enterrements politique, les die in, nous disent quelque chose d’ACT UP et de ce qui fait sa force de frappe : partant d’une connaissance intime et scientifique de la pandémie ACT UP n’évacue pas les émotions que cette connaissance provoque, mais les politise.
ActUP regarde les dangers de la pandémie et la mort en face, affirme que la peur qu’elle provoque est rationnelle et légitime, qu’il est nécessaire et sain d’avoir peur du SIDA. Que le désespoir qu’elle provoque doit se muer en colère, car c’est la colère qui nous mène à l’action
Et c’est pour cela que le très important documentaire sur l’histoire d’ ACT UP, d’où sont extraits les séquences des premiers tweets, s’intitule United in Anger (Uni·es dans la Colère)
→
Quand ACT UP est créé à la fin des années 80 cela fait une dizaine d’années que le SIDA fait des ravages dans le plus grand silence et que le travail des associations raisonnables qui ne hurlent pas ne mène qu’à une chose : constater indéfiniement le mépris des gouvernants.
ACT UP est né de la peur et de la colère. Et plutot que de les mettre de côté pour ne pas déranger la petite bourgeoisie blanche, elle les a mises au centre.
Voici ce qu’en disait Larry Kramer, fondateur d’ ACT UP-New York, dans sa préface au livre de Didier Lestrade :
« La peur et la colère forment un alliage très puissant. Cela, nous ne le savions pas au début mais cette combinaison peut déplacer les montagnes, aider à changer le monde. » Larry Kramer, fondateur d'Act Up, 2000
Sans rompre avec le confort raisonnable et raisonné de l’establishment et des assos de l’époque jamais ACT UP n’aurait provoqué un tel séisme dans la prise en charge du SIDA, le développemt des traitements et de la prévention,et l’approche sociopolitique des questions sanitaires.
Jamais iels n’auraient réussi à mobiliser massivement pour ce type d’action :
Les 22 et 23 janvier 1991, 2 jours de manifestation intitulé « Jours du Désespoir » réunissent des milliers de personnes. Interruption du programme télé de CBS News. Blocage en pleine heure de pointe de la plus grande gare de New York, Grand Central Station.
Tou·tes celles et ceux qui un jour ont lutté le savent : les dominé·es n'obtiennent JAMAIS RIEN en parlant calmement, en étant raisonnables et raisonné·es.
Celleux qui nient l'évidence et se permettent de faire la leçon ne parlent que d'une chose : du confort de leurs privilèges
Dans son livre-bilan de 1994 ACT UP-Paris prend également la colère comme point de départ :
«Quittes à mourir comme des cons, autant le faire en gueulant pour refuser la honte; autant nous montrer pour que nul n'ait plus le droit de dire qu'il n'a pas vu ou qu'il n'a pas su. En espérant crier assez fort et être assez visibles pour que tous ne subissent pas le même sort»
Suite du texte alternatif
« A l'origine d'Act Up-NY, il y avait une colère similaire, et la même intuition que cette colère ne pouvait pas rester lettre morte, qu'elle serait plus féconde si l'on se regroupait et constituait un front uni contre l'épidémie de sida : Colère = Action. »
« Act Up-Paris a donc commencé par être un groupe catégoriel et "hystérique". »
Ce livre *Le Sida, combien de divisions ?* est incroyablement précieux. Toute personne qui s’intéressent aux luttes et aux politiques épidémiques devraient le lire.
AVIS AUX EDITEUR·ICES ! IL FAUT LE RÉÉDITER !
Nous en avons déjà republié de 2 chapitres (liens vers notre site en bio).
Ainsi ACT UP prend la peur et la colère pour point de départ. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle revendique tout ce qui fait la richesse d’une communauté de lutte attentive autant à ses forces qu’à ses faiblesses.
Elle revendique une communauté qui a de la mémoire. Une communauté inquiète et intransigeante. Une communauté hystérique.
Terminons ce thread.
L’ONUSIDA estime que depuis le début de la pandémie plus de 40 millions de personnes sont décédées du SIDA dans le monde, et qu’actuellement 39,9 millions en sont atteintes. ()unaids.org/fr/resources/f…
Au début des années 90 les associations de lutte contre le SIDA et certains médecins estimaient qu’en France la barre des 300 000 séropositif·ves était dépassée, et l’on comptait déjà plus de 30 000 morts du SIDA.
L’OMS estime a plus de 14 milions l’excès de mortalité mondial dû à la pandémie de Cvd-19 pour les 2 premières années () et le magazine The Economist l’estime lui entre 14.5 millions et 24.6 millions. nature.com/articles/s4158…
En France les 165 000 morts ont été dépassés en 3 ans seulement. Et depuis plusieurs années Santé Publique France estime à environ 2 millions le nombre de personnes atteintes de Cvd Long. Mais au vu de l'ignorance organisée sur le sujet il se pourrait qu'iels soient bien plus.
Dès le début de la pandémie il a été établi que le Cvd19 n’était pas une maladie respiratoire bénine, mais une maladie à fort tropisme vasculaire capable d’impacter tous les systèmes organiques, à tout âge, avec des conséquences cardio et neurologiques importantes.
Le Cvd-19 entraine des formes prolongées dans plus de 10 % des infections, même asymptomatiques, dont une bonne part prend une forme gravement invalidante appelée Encéphalomyélite Myalgique. Des camarades atteint·es en ont plusieurs fois témoigné ici. Des gens meurent du Cvd Long
Des dizaines de milliers d’études se sont accumulées sur les dangers du Cvd-19, montrant entre autre son rôle dans des vagues d’accidents cardiovasculaires. l’augmentation du diabète infantile, l’affaiblissement immunitaire nous rendant plus suceptibles à de nouvelles maladie.
Voir notamment la bibliothéque d'études compilée par l'association @apresj20 sur zotero :
La dernière méta-revue sur le Cvd Long, parue dans Nature Medicine le 9 aout 2024, estime que « l’incidence mondiale cumulée du Cvd Long touche environ 400 millions de personnes ». nature.com/articles/s4159…
Le New York Times en a parlé. Qui en France ? Quel·le journaliste de gauche en a fournit une couverture minimale ?
Maintenant vient la question : pourquoi des journalistes se permettent de moquer les peurs légitimes des rares personnes qui défendent prévention et information correcte sur le Cvd19 en des termes semblables à ceux employé par Raoult et ses clones au début de la pandémie ?
La réponse est simple : Parce que toute la gauche et tous les médias de gauche ont copieusement cracher sur l’héritage d’ACT UP.
Parce qu’ils ont docilement adopté le libertarianisme sanitaire des gouvernements capitalistes et le darwinisme social qu’il implique.
Parce que l’abandon des dit·es « vulnérables » et des populations les plus impactées par les réinfections perpétuelles leur convenait complètement, pourvu qu’iels conservent leurs habitudes et privilèges de classe.
La gauche et ses médias se sont à tel point rendus complices des ravages du Cvd-19 que désormais même de simples tweets qui rappellent sa plus basique réalité et apparaissent sur l'écran de leur téléphone leur deviennent insupportables.
Et cela suffit à certain·es pour couvrir d’insultes les rares personnes qui continuent de défendre la prévention et l’information, alors même que de grandes parties de la population sont désormais en danger jusque dans les hopitaux et les lieux de soin.
Il faut voir le gouffre d’indécence dans lequel vous avez sombré.
En quelques années le discours sur la "dictature de la peur" qui était l'apanage de la droite et des ultralibéraux, et qui avait pour objectif des dérégulations en tous genre (écologiques, droits du travail etc), est devenu hégémonique à gauche.
Dans un moment où l'on sait avec certitude que les catastrophes écologiques et pandémiques vont se multiplier cela est extrêmement dangereux.
Ce n'est pas la peur qui est problèmatique. La peur est saine, utile, elle nous mets en mouvements et nous sauve.
Ce qui est est problématique c'est le controle que certain·es essaie de prendre dessus en désignant des coupables ou en nous vendant de fausses réassurances pour que leurs privilèges ne leur échappent pas.
Pourquoi se mettre en colère s'il n'y pas de raison d'avoir peur ?
Sans la peur il n'y a pas de colère, et sans colère pas d'action.
On est pourtant malheureusement très loin des modes d’intervention d’ ACT UP comme nous l'avons vu dans ce thread.
Voici notamment ce qu’ ACT UP répondait en 1994 à celleux qui les accusaient d’« éxagérer » :
Nous sommes bien loin des modes d'action d’ ACT UP .
Et cela est malheureux.
Il faut y remédier urgemment.
Que leur rage et leur hystérie puissent nous inspirer.
«On ne combat pas une épidémie avec la peur mais avec des comportements raisonnables»
«Hurler et être alarmiste n’est PAS la bonne méthode quand on veut éduquer sur les questions de santé»
C’est cela oui… Vas-y Larry, dis leur.
Fin du Thread
Soyons hystériques.
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« Le problème c'est que si le point de départ du débat c'est une situation personnelle, de souffrance, dramatique, personne ne viendra contester cette souffrance. On empêche toute discussion et on empêche tout raisonnement, si c'est le point de départ.» @elisarojasm 1/
« Sur un texte comme celui-là il faut se poser une question fondamentale qui est le bénéfice/risque. C'est à dire, à un moment donné, en tant que société qu'est-ce qu'on est prêt à accepter ? » @elisarojasm 2/
« Combien de personnes on est prêt à sacrifier, qui parce qu'on est dans un contexte socio-économique désastreux vont vouloir mourir parce que la vie n'est plus possible dans des conditions pareilles ? Pour combien de personnes qui veulent controler leur mort ? » @elisarojasm 3/
Better Off Dead ? (Mieux vaut être mort ?) Le film percutant de Liz Carr pourrait bien vous faire changer d'avis sur l'aide médicale à mourir 🧵⬇️ theguardian.com/tv-and-radio/a…
(Traduction d'extraits de l'article de Frances Ryan pour le Guardian)
" « Je suis très claire sur mes positions et elles ne changeront pas. Je le sais parce que je suis en train d'enregistrer cette séquence alors que nous terminons le film », déclare en riant Liz Carr au début de ce documentaire percutant sur l'aide à mourir et le handicap." ↓
💥 « Nos syndicats doivent imposer la prévention et la protection des salarié·es sur le lieu de travail et en premier lieu dans nos locaux syndicaux : information sur le Cvd19 pour lutter contre les idées fausses et mise en place de mesures de protection adaptées. 1/12 ↓
C’est un traitement de classe de la crise sanitaire. Les riches mettent les moyens pour se protéger contre le virus. ↓
L’École alsacienne à Paris s’est dotée de "purificateurs d’air dans les lieux de restauration" et d’un "capteur de CO2 dans toutes les salles de classe et de réunion", "mesures spécifiques" qui étaient encore en place à la rentrée 2022. ↓
Le SARS-CoV-2 'endémique' et la mort de la santé publique | John Snow Project
"Le niveau actuel de souffrance causé par le COVID-19 a été complètement normalisé alors qu'il aurait été impensable en 2019" ./. 🧵 cabrioles.substack.com/p/le-sars-cov-…
Le SARS-CoV-2 circule désormais de manière incontrôlée dans le monde entier. La seule limite importante à sa transmission est l'environnement immunitaire auquel le virus est confronté.
La maladie qu'il provoque, le COVID-19, est désormais un risque auquel la plupart des gens sont exposés dans leur vie quotidienne.
Les hôpitaux tuent des patients par refus de la prévention | Julia Doubleday
"En tant que médecin, si vous affirmez que vous devriez pouvoir exposer les patients au COVID parce que le contrôle des infections vous ennuie, vous ne devriez pas être médecin." cabrioles.substack.com/p/les-hopitaux…
Les personnes qui sont "revenues à la normale" (en ignorant l'existence du COVID-19) justifient souvent leur décision en soulignant que leur propre état de santé n'est "pas à haut risque".
Cette affirmation implique implicitement l'existence d'un groupe de personnes à haut risque qui devraient encore prendre des précautions contre le COVID.
Sur le climat, les frontières, la subsistance, le soin et la lutte | Out of the Woods
"Même si les choses vont de pis en pis, ça ne s’arrête pas là ; il y a toujours de la place pour la lutte collective." ./. cabrioles.substack.com/p/sur-le-clima…
"Nous devons penser l’organisation contre le changement climatique en prenant en compte le fait qu’il est médiatisé par un monde dominé par le capital colonial et hétéropatriarcal." ./.
"La violence est organisée et différenciée par ces structures, et c’est par la lutte contre ces structures qu’il nous sera possible de subsister." ./.